Alors que l’État est en train de se brouiller avec les collectivités locales autour de son « Plan Pauvreté », une étude publiée par la Drees tombe à point nommé en expliquant que le nombre d’allocataires de minima sociaux a baissé pour la première fois en 10 ans.
La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) est formelle : le nombre de Français bénéficiant d’un minimum social est en baisse pour la première fois depuis 2008. Certes, le résultat était attendu car ce nombre connaissait déjà un net ralentissement depuis deux ans, ce qui avait été souligné par les Caisses d’allocations familiales début 2017. Mais c’est bien la première fois que la courbe s’inverse.
Moins de bénéficiaires du RSA… qui reçoivent alors la prime d’activité
Premier responsable de cette bonne nouvelle statistique, le RSA. En effet, alors qu’il étaient 1,95 millions en 2015, les ménages percevant le revenu de solidarité active n’étaient plus que 1,86 million en 2016. Forcément, le gouvernement se félicite de ce chiffre qui traduit selon lui une amélioration du marché du travail en France. Néanmoins, on oublie apparemment un peu vite la mise en place de la prime d’activité qui a justement remplacé le RSA activité… au premier janvier 2016, soit l’année de la baisse du nombre de bénéficiaires du RSA.
Bref, une fois encore, les pouvoirs publics nous gratifient d’un joli tour de passe-passe autour de chiffres auxquels on fait dire ce que l’on veut en fonction des attentes. Car, du côté du minimum vieillesse ou encore de l’allocation aux adultes handicapés, la tendance serait plutôt au maintien des effectifs, voire à une croissance (+2,3% pour l’AAH chaque année), tant notre démographie vieillissante s’accompagne immanquablement de maux que la solidarité nationale doit pallier comme elle le peut.
Autant de pauvres, voire plus, mais moins bien informés
Alors, certes, on note également une baisse du nombre de personnes recevant l’allocation de solidarité spécifique (ASS), laquelle est versée lorsqu’on a épuisé ses droits aux allocations chômage classiques. Mais cela ne veut pas dire pour autant que le nombre de chômeurs de longue durée a baissé (ils représentent toujours 45% des demandeurs d’emploi). En réalité, là aussi, un habile jeu de transfert a permis de faire sortir un certain nombre d’individus d’une catégorie pour les mettre dans une autre. Ainsi, certaines personnes inemployables ont fini par être jugées physiquement inaptes et bénéficient désormais de l’AAH au lieu de l’ASS. D’autres sont finalement parvenues à l’âge de la retraite, d’autres encore ont répondu à l’appel des sirènes de l’auto-entreprise sans pour autant percevoir un RSA auquel ils ignoraient avoir droit (en 2016, la ministre des Solidarités Marisol Touraine expliquait que 68% des bénéficiaires potentiels du RSA activité ne le demandaient pas).
Au final, même si on aimerait que cela revête un sens positif, la baisse du nombre d’allocataires de minima sociaux ne signifie pas grand chose en réalité, sinon peut-être la perspective d’économies substantielles à mesure que les gens « oublieront » de réclamer leur dû, perdus qu’ils seront dans le maquis de mesures votées les unes par-dessus les autres.
En revanche, sur le front de la pauvreté, rien de nouveau. Et le fameux « Plan Pauvreté » repoussé en septembre par un gouvernement dont le président estime qu’on dépense un « pognon fou » en minima sociaux ne changera sûrement rien à l’affaire puisqu’il permettra surtout de recentraliser le financement du RSA (dont les département ne veulent pas) et de réfléchir à de nouvelles futures impasses sociales pour l’insertion des personnes sans emploi.
Les pauvres, eux, sont toujours plus ou moins 9 millions en France, dont 3 millions d’enfants, soit environ 14% de la population totale du pays.