Alan Greenspan, qui était le président de la Banque Centrale américaine de 1987 à 2006, a longtemps été un partisan de l’or, « l’or et la liberté économique sont indissociables », écrivait-il en 66. «À part l’étalon or, il n’existe aucun moyen de préserver l’épargne de l’inflation, l’or protège la propriété» disait-il.
Qu’a fait ce même Alan Greenspan pour l’or lorsqu’il était président de la FED ? Rien, si ce n’est le vendre.
Les Américains ont installé leur réserve d’or au centre d’un camp militaire impressionnant qui est le camp d’entraînement de l’arme blindée. Il est évident que leur or ne pouvait pas être mieux défendu que par ces tanks. Mais voilà, depuis plusieurs décennies déjà, les réserves des banques centrales sont constituées de devises et non plus d’or. Le dollar américain est la principale monnaie de réserve. A partir des accords de Bretton Woods et jusqu’en 1971 le dollar était réputé as good as gold, c’est-à-dire aussi bon que l’or. En effet, en 1944, les leaders mondiaux du système financier rattachent l’or au dollar à un cours fixe, une once d’or pour 35 dollars mais vers la fin des années 60, le président Johnson desserra les liens entre l’or et les dollars avant qu’en août 1971 Richard Nixon ne décrète leur inconvertibilité définitive. Plusieurs voix s’élèvent alors contre cette décision, mais certains voyaient déjà se dessiner une autre solution à la crise du système monétaire générée par la perte de l’étalon d’or.
Valéry Giscard d’Estaing : « Le système monétaire international s’est effondré il y a huit ans, en 1971, et nous sommes entrés dans la période des taux de change flottants et on a bien vu que ce système des taux de change flottants n’était pas favorable à l’économie mondiale. Nous ne pouvions pas, nous, rebâtir le système pour tout le monde, mais nous pouvions au moins le rebâtir pour nous et donc le fait que l’Europe rétablisse un système de stabilité du taux de change est un élément qui permettra – je l’espère – de reconstruire progressivement tout le système. »
C’était Giscard d’Estaing il y a exactement trente ans, l’année même de la création du système monétaire européen, un système qui nous a conduits vers l’euro. Aujourd’hui, l’euro est la deuxième monnaie au monde, s’agissant des transactions et depuis décembre 2006, il compte le plus grand nombre de billets en circulation. Que les espoirs étaient grands ! On se demandait même à l’époque si la monnaie européenne n’allait pas détrôner le roi dollar. Souvenez-vous, il y a seulement six mois le dollar était au plus bas par rapport à l’euro, mais la crise financière est venue à nouveau tout bouleverser, c’est à n’y plus rien comprendre. Pourquoi le dollar tient-il toujours et gagne même 22% sur l’euro depuis l’été dernier ? Et pourquoi des gens comme lemonde.fr titraient-ils « Paris s’inquiète de la fragilité de la zone euro » tout en expliquant que le débat sur la pérennité de l’euro a été lancé par la dégradation de notes de solvabilité de plusieurs Etats européens, notamment par celle de la Grèce.
Margarites Chinas (membre de la commission du budget au Parlement européen) : « Je pense que la zone euro n’est pas menacée, je pense qu’il y a un centre eurosceptique qui veut menacer la zone euro, qui veut la troubler, ce sont des dealers de marchés financiers qui fonctionnement avec les notes de l’Etats au-delà de l’euro ou sterling, etc. Et tous ces messieurs et dames ont l’intérêt d’attaquer la zone euro puisque nous sommes dans un moment difficile de crise, les marchés financiers cherchent toujours à s’attaquer à l’euro mais je pense que c’est une attaque à Francfort et à Bruxelles pas à Athènes ou à Rome. La crise frappe la Grèce comme beaucoup d’autres pays mais toute question de se placer en dehors de la zone euro pour revenir à l’époque d’une flexibilité monétaire qui conduit à une inflation exorbitante, c’est hors de question pour la Grèce. Même si l’Allemagne pense que la différence de spreads lui permet de vendre plus facilement ses bons d’Etat à court terme, je pense que même pour l’Allemagne, à moyen terme, toute menace sur la zone euro va contre les intérêts allemands, d’où la nécessité de faire ce que monsieur Young et beaucoup d’autres proposent, d’émettre des obligations collectives qui vont permettre à la zone euro de déployer ses défenses collectives. »
Récapitulons. Les Grecs sont moins solvables que les Allemands qui refusent les euro-obligations collectives. Décidément, si la monnaie unique veut survivre, la fédéralisation de l’Europe est inévitable.
Donc si on résume: l’abandon de l’étalon or a poussé l’Europe à bâtir un nouveau système monétaire. Depuis son lancement en 1999, l’euro n’a pas arrêté de gagner du terrain sur le dollar dans les réserves de change international. En 1999, l’euro représentait moins de 20% des réserves contre plus de 70% pour le dollar, à la fin du deuxième trimestre 2008 c’était 26.7% pour l’euro et 63.6% pour le dollar, c’est les statistiques du FMI. Est-ce que la crise va remettre en cause le statut de l’euro comme monnaie de réserve ?
A priori, non parce que là encore on a affaire à des comportements de gestion de portefeuille. Qui a besoin de placer des réserves en devises ? Ce sont les pays excédentaires en balance de paiement, les opérations courantes, donc ce sont les pays pétroliers, c’est la Chine, l’Allemagne, etc. Ces gens-là ont placé leurs économies et ont le choix entre des instruments libellés en dollar et des instruments libellés en euro et éventuellement en d’autres monnaies. Ils composent un portefeuille qui leur paraît optimal en fonction de leurs anticipations, l’euro a monté parce que les anticipations de rendement sur les titres en euro étaient supérieures aux anticipations de rendement sur les titres en dollar donc les gens vendaient des titres en dollar, vendaient les dollars, achetaient de l’euro, achetaient des titres en euro et ils font le mouvement inverse là où le dollar monte. C’est entièrement ce genre d’arbitrage qui fait aujourd’hui le cours des monnaies.
Donc la question est : quel est l’avenir de l’Europe dans la crise par rapport aux Etats-Unis ? L’Europe n’est pas globalement beaucoup plus mal placée que les Etats-Unis pour faire face à cette crise, donc il y aura des fluctuations, mais il n’y aura pas de marginalisation de l’euro. (Transcription de l’émission Station-Météo de France Culture)