L’intuition humaine dépasse rarement le cap de l’anecdote. C’est la leçon que l’on peut tirer des commentaires des journalistes au lendemain du grand krach de 1929. Rares sont ceux à avoir perçu à sa vraie dimension l’intensité dramatique de l’événement: on rapporte les propos lénifiants de tel banquier, on évoque certes la panique, le « lessivage », mais le mot krach n’apparait pratiquement jamais dans les commentaires. Conformisme ? Mot d’ordre tacite ? L’économie, il est vrai, ne déteste rien tant que l’emphase et la projection gratuite. Toujours est-il qu’il y eut un « avant » et un « après » 1929. Le monde sortit changé de cette crise majeure du siècle. Laquelle entraîna la grande dépression des années 30, puis la guerre, tout simplement. Là encore les doctes prévisionnistes de l’époque ne surent pas anticiper.
Journal de Genève – 23 février 1998