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Yannick Colleu, auteur du livre « Guide d’investissement sur le marché de l’Or » se prête au jeu des questions réponses pour LORetLARGENT.info.

LORetLARGENT.info : Depuis quand vous intéressez-vous à l’or ?

Yannick Colleu : Après la bulle des TMT en 2000 j’ai cherché à comprendre pourquoi « ça n’avait pas marché ». En faisant cette démarche j’ai découvert que beaucoup de principes économiques qui sont enseignés (encore aujourd’hui) étaient soit biaisés, soit faux. D’une part l’importance donnée à la psychologie des acteurs dans les marchés financiers est considérablement sous-estimée.

L’économie doit redevenir une science sociale et quitter la place que beaucoup cherche à lui faire occuper au sein des sciences exactes. D’autre part, la place occupée par l’Histoire dans l’enseignement économique est insuffisante. On apprend beaucoup plus de ces livres d’Histoire que des livres d’éco encombrés d’un fatras de formules mathématiques alambiquées et aux démonstrations pompeuses. C’est à l’aboutissement de cette démarche fin 2003 qu’il m’a semblé que les hausses de l’or et du pétrole devaient être durables et impressionnantes. L’or a ensuite confirmé son passage en tendance haussière en juin 2005.

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LORetLARGENT.info : Jusqu’à quelle valeur pensez-vous que le prix de l’once d’or montera ?

YC : La hausse de l’or évolue dans des eaux inconnues. Pour déterminer un objectif on peut chercher à comparer l’or avec un autre type d’actif financier, le pétrole ou un indice boursier, par exemple. Le prix du pétrole étant voué à rejoindre inéluctablement des niveaux stratosphériques du fait de problèmes de production insurmontables, l’utilisation du ratio donnera pour le prix de l’or des niveaux tout aussi impressionnants.

Le prix du baril de pétrole ayant historiquement permis d’« acheter » entre 0,04 et 0,12 once d’or, un baril de WTI à 200 $ donnerait une once d’or comprise entre 1666$ et 5000$. Pour transformer cette fourchette de prix en euro il faut faire une hypothèse sur la parité euro-dollar. Néanmoins il est peu probable selon moi qu’elle varie beaucoup hors de la fourchette que nous connaissons actuellement (entre 1,2$ et 1,6$). Je vous laisse faire le calcul.

Autre approche possible, historiquement au plus bas d’un cycle baissier du marché actions le S&P500 « achète » 0,25 oz d’or, aujourd’hui il permet d’acheter encore 1 oz ! (au plus haut il en achetait un peu plus de 5 oz). Plusieurs hypothèses à ce stade : Si le S&P500 restait à son niveau actuel l’once d’or pourrait donc atteindre environ 5000 $ ; l’autre hypothèse maximaliste serait que le S&P500 s’ajuste pour faire baisser le ratio sans que le prix de l’or ne bouge. Dans celle-ci le S&P500 descendrait à 300 points et l’or resterait en moyenne annuelle à son niveau actuel. Mais qui peut croire aujourd’hui que les gouvernements, et en particulier le gouvernement américain, ne feront pas tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher que les indices actions – qui sont devenus de véritables repères, voire des symboles- de tomber aussi bas. Il faut donc s’attendre après les QE1 et QE2, qui eux-mêmes ont succédé à une pléthore de mesures dispendieuses, à voir arriver les QE3 puis … QE indice n …pour maintenir à flot les indices voire les propulser dans une nouvelle bulle.

Dans ce cas le prix de l’or n’aura plus de plafond que l’on puisse anticiper !

LORetLARGENT.info : Pouvez-vous estimer à peu près quand l’or atteindra cette valeur ?

YC : Anticiper des niveaux de prix est un art difficile voire impossible, y associer un calendrier relève de l’exploit. À mon humble avis les différentes poussées haussières du métal jaune – un actif financier ne monte jamais en droite ligne- seront directement liées à l’occurrence des différentes crises à venir, à savoir celle des dettes européennes, celle des dettes des municipalités et des états américains et enfin celle de l’État fédéral américain lui-même. Plus nous avancerons dans ces crises, plus la prise de conscience des peuples sur la réalité de la valeur des monnaies fiduciaires croîtra.

LORetLARGENT.info : Et après, que se passera-t-il ? La même chose qu’en 1980 ?

YC : En 1983 l’or a commencé sa longue consolidation mais n’a pas rendu tous les gains acquis lors de la période précédente, loin de là (rappelons au passage que l’or était passé de 1000€ le kg en 1971 à 16000€ le kg en 1983 pour retomber à « seulement » 8000€ le kg en 1999).

Le retournement à cette époque est dû à une action concertée des banques centrales pour asseoir le dollar comme étalon de valeur combinée à un contexte de taux d’intérêt réel positif. Les conditions d’aujourd’hui, et surtout de demain si les gouvernements s’acharnent à refuser une purge déflationniste, sont très différentes. Chaque baisse des prix des actifs financiers donne lieu à un nouvel endettement. La dette appelle la dette. Aujourd’hui la patate chaude est passée dans les mains du dernier de la file … le contribuable. Cette situation devrait entrainer une très forte inflation dont on commence à percevoir les prémices dans les variations des prix à la consommation dans les pays émergents et dans les soulèvements populaires dans les pays en développement. Cette vague viendra jusqu’à nous. Elle aura pour bénéfice de remettre les dettes à zéro mais de ruiner les créditeurs. Ce sera un impôt sournois sur l’épargne.

Le jour où l’or aura atteint son plafond, ou plutôt le jour où les monnaies papier (fiduciaires) auront atteint leur plancher, l’or consolidera forcément pour dégonfler la part de spéculation qui se sera formée en final. Mais globalement le niveau auquel les prix consolideront n’aura plus rien à voir, comme entre 1973 et 1999, avec les niveaux d’aujourd’hui. Évidemment il ne faudra pas acheter dans la dernière phase de folie spéculative (comme entre 1982 et 1983).

LORetLARGENT.info : Peut-on parler de bulle de l’or ?

YC : Dans le monde financier lorsqu’une bulle se forme tout le monde en parle, tout le monde en veut, tout le monde se met en vendre. Aujourd’hui faites l’expérience demandez autour de vous qui détient de l’or physique. Vous constaterez que la très grande majorité des personnes n’ont pas fait encore le pas, voire ignore totalement que l’or était une monnaie, que l’or est détenu principalement par les banques centrales etc … la mémoire des vertus de l’or ne nous est pas encore revenue. Certes les quelques journaux financiers existant en France sortent un peu plus d’articles sur les métaux précieux mais traitent rarement des véritables raisons qui poussent à cette hausse. Si vous arrivez à trouver un article sur l’or où on ne cite pas Keynes et sa « relique barbare », appelez-moi de suite !

L’autre caractéristique d’une bulle est la situation de déconnexion entre la valorisation de l’actif en situation d’excès et la réalité autour de cet actif. En résumé, un actif est dans une bulle si rien ne justifie la valorisation stratosphérique atteinte. La bulle des TMT en est un bel exemple. Rien ne justifiait d’acheter des titres à des niveaux de valorisation aberrants ou alors qu’aucun bénéfice n’était attendu avant des dizaines d’années. De la même façon rien ne justifie que les prix de l’immobilier rapportés aux revenus disponibles des ménages culminent à un niveau qu’il n’a jamais connu, historiques à l’appui. L’or sera dans une bulle le jour où, ayant résolu nos problèmes monétaires et de dettes, les taux d’intérêt réel étant devenu positif, les prix continueront à flamber.

Pour le moment rien en vue !

LORetLARGENT.info : Quels sont les indicateurs qui selon vous favorisent l’augmentation du prix de l’or ?

YC : Historiquement, que ce soit en période de déflation ou d’inflation, l’or a été l’actif qui, à défaut de performances exceptionnelles, a permis de conserver le pouvoir d’achat du capital initialement investi.

L’or est sensible à plusieurs facteurs :

– la hausse des prix à la consommation du fait d’une baisse du pouvoir d’achat de la monnaie fiduciaire,

– la confiance dans la monnaie fiduciaire, ce qui revient à peu de chose au même, sauf que cette perte de confiance peut se manifester avant que les conséquences ne se manifestent concrètement sur les prix.

LORetLARGENT.info : Ceux qu’il faut prendre en compte si l’on veut revendre ?

YC : L’or monte- ou plutôt le pouvoir d’achat des monnaies fiduciaires baisse- pour les diverses raisons que j’ai évoquées juste avant. Dès lors que ces causes ne seront plus présentes ce sera l’heure d’alléger la protection apportée par l’or. Ce n’est vraiment pas d’actualité aujourd’hui.

LORetLARGENT.info : Va-t-on vers une amélioration ou une dégradation de la situation économique actuelle ? Pourquoi ?

YC : L’immobilier américain a corrigé sa bulle mais n’a sans doute pas fini sa baisse tout à fait. Cette situation pèse sur la richesse des ménages américains habitués à utiliser leur logement comme une tirelire. En même temps le taux d’emploi aux Etats-Unis est à son plus bas depuis des décennies (on parle souvent du taux de chômage mais le taux d’emploi est plus significatif puisque le taux de chômage ne se rapporte qu’au volume de personnes inscrites pour obtenir des allocations, alors que le taux d’emploi se rapporte à la population en âge de travailler).

La consommation, 70% du PIB américain, s’en ressent. Chez nous, l’immobilier français est historiquement en situation d’excès. Pour combien de temps encore ? La hausse des taux longs sifflera probablement la fin de la partie. Les dettes sont passées dans les mains des contribuables que ce soit en Europe ou aux États-Unis. En modifiant les règles comptables la FASB a permis aux financières américaines de créer artificiellement des bénéfices, mais la réalité de leur bilan est tout autre. Combien de temps cette mascarade pourra-t-elle durer ? Je n’en sais rien. Tant que toutes les pertes n’auront pas été prises par ceux qui doivent les assumer, le danger de voir resurgir le démon déflationniste de sa boîte reste entier. L’Histoire nous apprend que ce genre de situation ne peut se résoudre que de trois façons : soit en créant de la richesse pour être en mesure de rembourser les dettes, soit en laissant les créditeurs assumer une perte, soit en dévalorisant la valeur nominale de la dette. Je pense que la dernière option est celle vers laquelle nous nous dirigeons à grand pas.

LORetLARGENT.info : Êtes-vous favorable à un retour de l’étalon or ? Si oui ou non, pourquoi ?

YC : La situation que nous connaissons trouve ses racines profondes dans le laxisme budgétaire des États depuis les années 70. Il est de bon ton aujourd’hui de pointer du doigt les banquiers, les traders etc… de se draper dans sa dignité et de sortir à tout va le mot « éthique » mais peu de gens réalise que les mécanismes à la Madoff (système Ponzi) sont désormais institutionnalisés par quasiment tous les gouvernements au nom du bien commun.

Comment nommer autrement des systèmes de gouvernement où le déficit année après année est devenu la règle, des systèmes où 3% de déficit est considéré comme vertueux. Il n’y a pas un ménage qui ne sait qu’un budget déséquilibré année après année mène à la faillite. Ceux qui ne le savaient pas peuplent les commissions de surendettement.

Le manque de courage politique n’est pas compatible avec une saine gestion seule garantie d’une monnaie stable sur le long terme. Je ne sais pas si l’étalon or est la solution, mais il faut impérativement trouver un mécanisme qui permette, indépendamment du pouvoir politique trop soucieux de plaire, de réguler les politiques budgétaires.

LORetLARGENT.info : Est-il encore temps d’acheter de l’or ?

YC : Si vous pensez que les mesures prises par les gouvernements vont dans le bon sens et que les perspectives concernant l’endettement des États redeviennent positives, alors n’achetez surtout pas d’or!

LORetLARGENT.info : Que conseillez-vous comme placement : pièces, lingots, or papier ?

YC : L’or papier reste une obligation : l’émetteur s’engage à vous livrer mais l’or qui est sensé être en face de cette obligation est la propriété de l’émetteur. C’est comme ça, par exemple, que JP Morgan est l’heureux et légal propriétaire d’un stock colossal d’argent métal correspondant aux obligations du tracker SLV. Avec l’or papier – tracker, certificat de banque, etc …- vous n’êtes l’heureux détenteur que d’un papier obligeant une institution à vous remettre, s’il en reste, le métal pour lequel vous avez souscrit à cette obligation. À vous de voir …

Donc sans hésitation je préfère détenir de l’or physique (ou de l’argent) quitte à payer des frais de garde. Le choix entre pièce et lingot doit s’opérer selon plusieurs critères.

Un lingot est plus facile à imiter qu’une pièce. Tout le monde a entendu parler de ces lingots fourrés au tungstène qui apparaissent ici et là y compris au sein d’institutions ayant pourtant de gros moyens de contrôle. D’autre part à l’occasion de la vente, un lingot devra faire la preuve qu’il est de bonne facture. Dans ces conditions l’acheteur pourrait demander au vendeur les frais d’essayage attestant de sa pureté et de sa conformité au certificat qui l’accompagne. Celui qui tient absolument à acheter des lingots privilégiera des lingots sous scellés plastiques et vendus par un professionnel.

Enfin, et bien qu’il existe des lingots de toutes les tailles (du gramme à 33 kilogrammes), la pièce reste plus facile à vendre pour un besoin ponctuel de liquidité. La prime affichée par les pièces, c’est à dire la différence entre le prix auquel elles sont commercialisées et la valeur réelle du métal précieux contenu, est souvent considéré comme un obstacle mais cette prime est approximativement la même dans les deux sens, à l’achat comme à la vente. Ce n’est donc pas un réel problème si les pièces sont achetées en parfait état – neuves si possibles- et conservées dans le même état jusqu’à la vente.

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Jean-François Faure
Jean-François Faure. Président d’AuCOFFRE.com. Voir la biographie.

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