La backwardation sur une matière première n’est pas une chose rare. On parle d’une backwardation lorsque le prix spot (= prix de livraison du jour) est plus élevé que le prix avec une échéance plus éloignée sur le marché des contrats à terme (COMEX). Cela indique que l’approvisionnement du marché n’est plus garanti. Pour le marché de l’or, c’est beaucoup plus rare.
Ces 30 dernières années, il n’y a eu que 3 épisodes durant lesquels l’or est entré en backwardation (en se basant sur les archives du London Bullion Market Association) :
1) La première backwardation, le 29 novembre 1995, n’a duré qu’un jour, et était probablement le résultat du rachat d’une couverture par le producteur d’or Barrick.
2) La seconde a duré deux jours, les 29 et 30 septembre 1999, suite à l’annonce d’un accord des banques centrales sur un quota de vente annuel à respecter, les fameux accords de Washington. Cela a boosté le prix de l’or et forcé les short à se couvrir.
3) La troisième a duré trois jours : les 20, 21 et 24 novembre 2008. Contrairement aux backwardations passées, il n’y a pas eu d’annonces particulières sur le marché. La raison est probablement à rechercher du côté des difficultés d’approvisionnement en or physique sur le marché.
Il est peut-être utile de rappeler ici que l’or n’est pas une matière première comme les autres, car elle s’accumule d’année en année. Le stock d’or est énorme et la figure de l’offre et la demande ne se base pas seulement sur l’offre d’or annuelle des mines + or recyclé + ventes des banques centrales. L’offre d’or, c’est l’offre de tout le stock d’or accumulé sur terre! Cela signifie que le prix de l’or est théoriquement plus apte à trouver un prix d’équilibre que le prix d’une matière première rare, comme par exemple le lithium. Le fait que l’or puisse entrer en backwardation est donc un signe à ne pas prendre à la légère. C’est l’indication qu’aucun détenteur d’or sur terre n’est prêt à se séparer de son or physique aux prix actuels. C’est l’indication que les 160’000t d’or (si on prend aussi en compte l’or des banques centrales) ne sont plus à vendre aux prix actuels.
James Turk, co-fondateur de Goldmoney, a une autre explication pour la backwardation, qui aurait une implication beaucoup plus profonde qu’une simple raréfaction temporaire de l’offre (car s’il s’agit d’une raréfaction de l’or du côté de l’offre, il suffit que le prix remonte un peu pour amener davantage de vendeurs sur le marché. Après tout, le stock d’or est gigantesque et l’or n’a pas disparu dans un trou noir).
L’explication de James Turk est que le dollar serait sur le point de s’effondrer. Plus personne ne serait d’accord d’échanger son or contre des dollars, car :
1) Le dollar peut être créé à volonté par le gouvernement (dévaluation monétaire) et
2) Détenir des dollars est devenu à risque.
3) Les taux d’intérêts ne sont plus attractifs.
4) Le marché obligataire n’offre plus un rendement suffisant.
L’or physique ne comportant pas ces risques, ses détenteurs ne seraient plus d’accord de le vendre, en tout cas pas à ces prix.
En conclusion, la backwardation pourrait n’être qu’un phénomène passager se résolvant avec un prix de l’or plus élevé, mais ce phénomène pourrait aussi indiquer que les monnaies papiers sont devenues « suspectes ».
Article écrit par Léonard Sartoni (extrait de son Suivi n°18 – en format PDF sur LORetLARGENT.info)
Léonard Sartoni est l’auteur du livre « référence » : 2008-2015 : pourquoi l’or va battre la performance des actions et des obligations et comment vous pouvez en profiter
Ce premier guide en langue française sur le marché de l’or ne pouvait être écrit que par un investisseur à temps plein sur ce marché. Léonard Sartoni vit en Suisse de ses investissements dans ce domaine. La richesse de son expérience et de ses connaissances difficilement condensée dans ces 200 pages vous éclairera sur un univers méconnu autant qu’attractif sur un plan financier. » le dernier grand marché haussier de l’or remonte aux années 70. Depuis, aux yeux du grand public, ce métal précieux est tombé aux oubliettes. Il est temps de le redécouvrir car une nouvelle heure de gloire est » dans les tuyaux » ! «