Ce régime de l’étalon-or qui, dans sa forme la plus pure, comporte à la fois la circulation des pièces d’or, la liberté de la frappe, comme celle des importations et des exportations de métal, comment fonctionnait-il pratiquement en France ?
Deux organismes jouaient alors un rôle prépondérant dans l’organisation monétaire : l’Hôtel des Monnaies et la Banque de France. Des treize hôtels des monnaies qui existaient en France au début du XIXème siècle, seul celui de Paris avait été maintenu en activité, pour assurer la centralisation des opérations et la qualité de la frappe. Sa réorganisation datait du 31 Juillet 1879, date à laquelle l’exploitation en régie a été substituée à l’entreprise et fut créée la Commission de Contrôle de la circulation monétaire.
Tout particulier pouvait apporter de l’or en lingots, en monnaies étrangères ou en ouvrages d’or revêtus du poinçon français à la Monnaie pour faire procéder à la frappe de pièces courantes. Il suffisait que l’or répondît aux conditions de poids et de titre fixées par le tarif officiel.
Jusqu’au début du siècle, la Monnaie acceptait tous les lingots d’un titre égal ou supérieur à 0,900, mais elle avait ensuite restreint ses opérations aux lingots d’un titre minimum de 0,994, et d’un poids de 6 à 7 kilogrammes. En principe, elle n’effectuait pas d’achats, mais elle remettait à ceux qui lui apportaient de l’or un » bon de monnaie » qui permettait d’obtenir livraison des pièces une dizaine de jours après le dépôt des matières d’or. Un vendeur éventuel pouvait toujours négocier ce bon de monnaie, mais il supportait alors la charge de l’agio : la Monnaie ne pratiquait pas le comptant.
Conformément aux prescriptions de la loi du 17 Germinal An XI (7 Avril 1803), la Monnaie frappait dans un kilo. d’or à 0,900, 155 pièces de 20 francs représentant une valeur de 3100 francs. Les frais retenus étaient de 6,70 Fr. le kilo. d’or à 0,900 valait donc 3093,30 et le kilo. de fin 3437, prix légal d’achat de l’or fin par la Banque de France, alors que le prix paritaire était de 3444,44.
La Banque de France, quant à elle, payait immédiatement les lingots qu’on lui présentait ainsi que les pièces étrangères, l’or au prix légal et les pièces étrangères suivant un prix forfaitaire susceptible d’être remanié selon les circonstances. Depuis 1906 les lingots devraient être au titre minimum de 0,996 et peser de 6 à 13 kilos. Ils devaient naturellement être accompagnés de bulletins d’essai.
Contrairement à ce que l’on croit généralement, la Banque n’était pas tenue de vendre de l’or en lingots. Ses statuts l’obligeaient seulement à rembourser ses billets au porteur et à vue, en monnaie légale, c’est-à-dire en espèces d’or ou, à sa volonté, en écus d’argent de 5 francs.
De fait, à diverses reprises, la Banque de France avait pratiqué la politique de la prime de l’or, c’est-à-dire qu’elle offrait des écus de 5 francs à ceux qui demandaient le remboursement des billets et qu’elle ne consentait à délivrer de l’or que moyennant une prime supplémentaire, dans le but de modifier le gold point de sortie.
De même en certaines occasions (vers 1877 et en 1906) tout en achetant l’or au pair elle a retenu une commission de1 °/oo pour restreindre les occasions d’émettre des billets, pousser au monnayage par les particuliers et abaisser le point d’entrée de l’or.
On sait en effet que le mécanisme de la frappe libre et la libre convertibilité du billet exerçaient un contrôle automatique sur les cours de change par le jeu des gold points.
Si la monnaie française se valorisait sur les marchés étrangers, il devenait avantageux, à un certain niveau, pour un débiteur étranger, d’expédier de l’or en France pour liquider sa dette. On assistait alors à un afflux d’or sur le marché français. Les monnaies nationales antérieurement exportées refluaient les premières, puisqu’elles offraient un moyen de règlement immédiat : le gold point d’entrée était ainsi déterminé par les seuls frais de transport. Les lingots arrivaient ensuite, lorsque la hausse du change français se poursuivait et que les frais de monnayage se trouvaient à leur tour couverts par le bénéfice de l’envoi d’or. En dernier lieu on voyait arriver les monnaies étrangères qui, ne représentant en France qu’une forme particulière de lingot, supportaient le handicap de leur » frai » éventuel.
Les lingots et les pièces étrangères pouvaient être portés à la Monnaie pour être transformés en monnaies nationales, mais ils étaient le plus souvent vendus à la Banque de France, simplement du fait qu’ainsi que nous l’avons déjà relevé, la Banque faisait le comptant alors que la Monnaie ne payait qu’à Io jours de terme.
Si le change français venait à baisser, c’est-à-dire si le cours des devises étrangères s’élevait, le processus inverse prenait naissance, les pièces étrangères puis les lingots, puis les Napoléons prenant le chemin des frontières, aussi longtemps que les mouvements de capitaux n’étaient pas satisfaits.
Le gold point d’entrée des livres sterling jouait pour un Cours de change inférieur à 25,112 et le gold point de sortie s’établissait à 25,188 (transport et assurance 1,5o °/oo).
Le calcul s’établissait sur le prix tarifié par la Monnaie pour 1 souverain, soit 25,15, qui représentait le pair (25,22) diminué des frais de Monnayage, de telle sorte qu’il fallait des circonstances exceptionnelles pour que le cours du sterling atteigne le pair.
La Banque de France se trouvait donc jouer le rôle essentiel dans le mécanisme de l’étalon-or, qu’elle contrôlait par ailleurs indirectement en modifiant le taux officiel de l’escompte. Elle créait ainsi des conditions de place susceptibles d’attirer ou de décourager les capitaux flottants dont les mouvements contribuaient à rectifier les taux de change.
Pratiquement, toutes les importations d’or aboutissaient à la Banque et elle était la seule à porter de l’or à la Monnaie, généralement dans le simple but d’entretenir la circulation en pièces de poids droit.
De Litra