« Les chiffres, c’est pas une science exacte figurez-vous ! » disait un certain Karadoc de Vannes, dans la série Kaamelott. Illustration avec l’once troy encore utilisée de nos jours pour exprimer le poids des métaux précieux, et dont l’origine demeure incertaine : de Troyes ou pas ? Petite histoire d’une unité de mesure, de Rome à la Champagne en passant par l’Angleterre.
Qu’est-ce qu’une once troy ?
Lorsque vous entendez parler d’une once d’or, il s’agit en fait d’une once troy (prononcez troï) : cette unité de mesure est utilisée pour évaluer le poids des métaux précieux comme l’or et l’argent. Une once troy vaut ainsi 31,103 grammes, « à une vache près » pour citer encore une fois un célèbre chevalier de la Table Ronde. Il s’agit par exemple du poids en or contenu dans les pièces lingots (ou pièces bullions) comme le Krugerrand, le Panda, ou la Vera Valor une once. L’once troy est aussi la valeur de référence employée dans le cours de l’or : quand vous lisez que l’or plafonne à x mille dollars ou euros l’once, il s’agit du prix de 31,103 grammes d’or.
Bon à savoir : le symbole de l’once troy est oz t. Pour les métaux précieux, on utilise des codes standards définis par la norme ISO 4217, qui encadre aussi les codes des devises (USD pour le dollar par exemple). XAU correspond à l’once troy d’or et XAG à l’once troy d’argent.
L’uncia : l’once romaine
Comme le système monétaire, l’once en tant que mesure est un héritage de l’Empire romain. Elle fait initialement partie des unités de masse romaines, basées sur des divisions par 12. D’ailleurs, une once (uncia en latin) représentait un douzième d’une livre. La livre valait environ 327 grammes et l’once un peu plus de 27 grammes. Ces équivalences furent reprises dans de nombreux autres pays au fil des conquêtes de Rome. Comme en France, où l’on utilisa ces équivalences pour mesurer les poids dans le domaine de la médecine sous Charlemagne, puis jusqu’à l’adoption du système métrique en 1795. On se rapproche de l’once troy, mais ce n’est pas encore tout à fait ça. Pour comprendre l’origine de l’once troy, il faut d’abord se rendre en Angleterre. Vous allez voir, il y a une logique là-dessous.
L’once troy vient-elle de Troyes ? C’est pas faux.
Le poids troy n’est autre que le système d’unités de masse anglais utilisé pour la première fois au 15e siècle, avant l’arrivée du système métrique. La livre troy d’une valeur de 373,24 grammes servait déjà à mesurer le poids des métaux précieux mais aussi des médicaments. Et l’on obtient bien une once de 31,103 grammes en la divisant par 12.
C’est là qu’arrive la fameuse question : pourquoi troy ? Plusieurs théories sont évoquées pour expliquer l’origine de l’once troy, mais la plus fréquemment avancée par diverses sources concordantes est bien celle de la ville de Troyes. Retour en France ! Plus précisément, à la croisée des routes commerciales du Moyen Âge, dans la capitale des foires de Champagne très réputées aux 12e et 13e siècles. L’once troy y aurait été utilisée pour simplifier les échanges commerciaux les jours de foires et de marchés, et serait restée la valeur de référence. Adam Smith en parle dans Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations (Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations). Vu comme ça, ça se tient.
Le poids Troy, une question d’équilibre
Alors oui, ça se tient, mais rien n’est sûr. Un article publié par la London Bullion Market Association (LBMA) consacré au poids troy donne bien l’explication de la ville de Troyes, mais nuance cette théorie avec une interrogation : les foires de Troyes étaient-elles réputées à ce point ? Après tout, d’autres villes accueillaient des foires de Champagne à la même époque et auraient pu elles aussi donner leur nom à une unité de mesure. Il s’agirait donc d’une fausse piste.
La théorie alternative, aussi relayée dans l’article de la LBMA, repose sur les écrits du colonel Sir Charles Moore Watson. Cet ingénieur et géomètre (anglais) qui embrassa aussi une carrière militaire publie en 1910 l’ouvrage British Weights and Measures, où il évoque le fameux poids troy. Il tiendrait ce terme du dictionnaire des dialectes anglais de Joseph Wright (1898) où le mot « troy » désigne une balance. Le poids troy correspondrait alors à un poids d’équilibre… sans aucune référence géographique et encore moins française. Un peu de chauvinisme, peut-être ? Vu les dates, il n’est pas impossible que cette notion de balance soit bien issue de nos foires, finalement ! Champagne ?
Comme l’écrivait Albert Einstein dans sa lettre à la Société Philosophique de France de la Sorbonne le 6 Avril 1922, » Si ma théorie de la relativité est validée, l’Allemagne dira que je suis Allemand et la France dira que je suis un citoyen du monde. Si elle est fausse, la France dira que je suis Allemand et l’Allemagne dira que je suis un Juif. »
En dépit de l’esprit de détente qui règne entre le monde Chrétien et le monde Juif depuis la tentative de génocide industrielle du peuple Juif durant la seconde guerre mondiale, il semble toujours un peu gênant d’introduire une dimension juive dans tout sujet qui ne concerne pas explicitement la religion ou l’état d’Israêl.
L’Once troyes ne déroge pas à cette règle en dépit du fait qu’il est parfaitement connu qu’à l’époque du Moyen Âge, la ville de Troyes abritait une communauté Juive à la fois importante, prospère et érudite parmi laquelle une corporation de fondeurs et de changeurs Juifs faisaient le lien entre toutes les monnaies qui circulaient dans les fameuses Foires de Champagne qui étaient alors de véritables marchés internationaux où se rencontraient les produits des pays du nord de l’europe avec ceux des pays du sud ou des pays orientaux.
Immergés dans un monde uniformément Chrétien, ces changeurs Juifs, en exil, « hors sols », ne faisant partie d’aucune des autres nations ou ethnies d’Europe étaient réputés impartiaux. Ce sont eux qui ont établi l’once troyes applicable aujourd’hui aux métaux précieux en garantissant par leur probité et la qualité de leur raffinage, la teneur et le poids exact des métaux précieux c’est à dire de la monnaie internationale.
Tirons cependant notre chapeau à la théorie du colonel Sir Charles Moore Watson pour sa créativité et ce bel effort, qui ne serait pas le premier, pour mettre son pays au centre du monde et attribuer à l’Angleterre le mérite d’un standard international forgé sur le sol Français.