Les métaux précieux, essentiellement l’or et l’argent, ont, très tôt dans l’histoire de l’humanité, montré les qualités requises pour remplir les fonctions dévolues à la monnaie et pour constituer l’ossature de divers systèmes monétaires. D’une durée pratiquement indéfinie du fait de leurs propriétés physiques, les métaux précieux ne sont pas fongibles, leur production annuelle s’ajoutant au stock existant accumulé depuis des siècles (tel bijou d’or dont se pare une élégante parisienne provient peut-être d’une pépite ramassée au bord d’un torrent asiatique, il y a plus de deux mille ans). Ils sont homogènes, c’est-à-dire qu’ils présentent la même valeur dans toutes leurs parties, proportionnellement à leurs poids. Contrairement aux pierres précieuses, et au diamant, par exemple, « dont la valeur augmente comme le carré du carat », ils sont divisibles, c’est-à-dire qu’ils gardent leur valeur à l’unité de poids, lorsqu’on les fragmente pour les utiliser dans les transactions les plus minimes. On peut, enfin, les reconstituer en masses du poids désiré.
Les métaux interviennent dans deux systèmes monétaires :
— l’un utilise un seul métal précieux, c’est le monométallisme ;
— l’autre utilise deux métaux précieux : c’est le bimétallisme.
La coexistence de deux monnaies n’est pas sans poser de problèmes. Si l’une d’elles est moins appréciée que l’autre, cette disparité met en jeu le mécanisme de la « Loi de Gresham » que l’on peut rapidement exposer. Lorsque dans un pays circulent deux monnaies, si l’une des monnaies a une valeur nominale égale à la valeur métallique, elle est dite « forte » ou « droite ». « Mauvaise » est par contre la monnaie qui représente une valeur métallique – en tant que lingots – inférieure à la valeur prescrite par les dispositions légales. La monnaie forte disparaît, absorbée par la thésaurisation ou expédiée à l’étranger, et la monnaie faible demeure seule en circulation. On dit que « la mauvaise monnaie chasse la bonne ». De nombreux exemples historiques d’expériences bimétallistes illustrent le fonctionnement de cette loi.
Monométallisme ou bimétallisme ne signifient pas que la circulation soit composée d’un seul métal ou de deux métaux. Le déroulement des échanges implique une organisation monétaire plus complète, comportant des pièces d’autres métaux pour assurer la totalité des règlements – en particulier de bronze, de nickel, etc.
Les deux systèmes se différencient par certaines caractéristiques tenant à la frappe libre, au pouvoir libératoire et à la fixation d’un rapport légal entre les deux monnaies.
Dans le monométallisme, la frappe libre et la force libératoire illimitée n’existent que pour le métal pris comme étalon.
La liberté de la frappe ne signifie pas la possibilité offerte à quiconque d’ouvrir un Hôtel des Monnaies, mais celle de porter des lingots du métal-étalon à l’atelier officiel pour les faire transformer en pièces, à poids égal, ou bien déduction faite des frais de monnayage. Quant au pouvoir libératoire, droit reconnu au débiteur d’éteindre sa dette en versant de la monnaie à son créancier, la loi le confère au seul métal-étalon. Dans un système monométallique, les monnaies d’appoint ont un pouvoir libératoire limité à une certaine somme fixée par la loi. Si l’or, par exemple, est le métal de la monnaie étalon, il n’y a pas de rapport légal entre sa valeur et celle de l’argent. Ce rapport n’existe que dans le bimétallisme qui assure aux deux métaux la frappe libre ainsi que le pouvoir libératoire illimité. Ce système, on le conçoit, contient en germe des difficultés organiques : il ne peut fonctionner convenablement que dans la mesure où le rapport légal ne s’écarte pas trop du rapport commercial. Or, l’offre et la demande sur les marchés des métaux précieux créent un cours de l’or et un cours de l’argent dont le rapport risque bien vite de différer du quotient légal, mettant en jeu la loi de Gresham.
Qu’il s’agisse du monométallisme ou du bimétallisme, la masse monétaire peut évidemment comporter de la monnaie de papier et de la monnaie scripturale qui, pour un fonctionnement régulier du système, doivent pouvoir être convertibles en pièces du métal-étalon, ou des deux métaux-étalons. Le billet convertible est lui-même un instrument de règlement, doté du cours légal illimité.
Extrait du livre de Jules Lepidi : L’Or