Depuis la fin de l’été, les médias se font l’écho des craintes du FMI à l’égard d’une montée du populisme en Europe comme aux USA. La BCE en a peur aussi, comme la plupart des grands acteurs de la finance internationale. Mais ces nobles institutions ont-elles seulement conscience qu’elles alimentent elles-mêmes ce risque ?
Les Allemand ont un proverbe qui dit « Mieux vaut la dictature du fer que l’anarchie de l’or » et il suffit de remonter de quelque quatre-vingts ans en arrière pour voir quels effets une telle philosophie peut engendrer. Lorsque, dans un pays, une région du monde ou un continent tout entier, la grande majorité de la population se sent spoliée de ses droits et de ses libertés, quand les puissants ne cessent de renforcer leur emprise sur les plus faibles grâce au jeu de sombres manipulations financières dépouillées de toute fausse honte, alors le peuple commence inévitablement à prêter l’oreille aux discours les plus extrémistes. Surtout ceux qui prétendent le venger de l’injustice qui le frappe.
La richesse ne se partage pas
Bien avant qu’il se distingue pour la postérité comme le fou criminel qu’il était, Adolf Hitler, cet obscur caporal dont la seule qualité était qu’il savait parler, avait su exhorter les foules à se révolter contre un ordre établi dans lequel, lui, n’avait aucune place légitime. Et quoi de mieux pour susciter l’adhésion générale que de jouer sur les privations d’un peuple qui vivait la pire crise de son histoire ? Sauf que déclencher un raz-de-marée populaire pour renverser la classe des « puissants », des « nantis », n’a de réel intérêt aux yeux d’un instigateur populiste que s’il peut ensuite lui-même reprendre les rênes du pouvoir.
De ce point de vue, il est intéressant de constater combien les relations furent conflictuelles et désordonnées entre l’Allemagne nazie et l’ex-URSS (née elle aussi d’une « révolte » populaire), sans doute parce que ces deux régimes extrémistes chassaient sur les mêmes terres idéologiques. Chacun d’eux avait en effet une vision très différente d’une même philosophie : le marxisme. En effet, loin de prôner les excès qui allaient mettre l’Europe à feu et à sang quelques décennies après sa mort, Karl Marx avait surtout souhaité l’avènement du travailleur… tout en gardant le capitalisme, conscient que ce dernier (dans sa conception de l’époque, pas la sombre imitation qu’il est devenu aujourd’hui) était la forme la plus puissante de création de richesse dans le monde.
Sauf que la richesse ne se partage pas ; au mieux, elle se distribue. Et la meilleure façon de la distribuer, du point de vue de ceux qui organisent les soulèvements populaires, reste encore d’en limiter strictement la possession par le peuple, histoire de mieux le contrôler. Surtout quand on est bien placé pour savoir qu’il peut se soulever, ce peuple. Donc autant éviter de lui en donner les moyens…
L’histoire se répète
Voilà ce qui nous attend. Encore une fois. Et comme l’histoire nous l’a déjà montré à de nombreuses reprises, le nationalisme est le plus efficace des explosifs quand il s’agit de saper les bases d’une société démocratique. Si, comme le souhaitent certains, les principales nations du monde occidental devaient tomber sous la coupe de partis nationalistes ayant su profiter des frustrations populaires, alors il ne faudra pas attendre bien longtemps avant que tout le monde s’en morde les doigts.
C’est vrai, les principales institutions financières du monde s’inquiètent de cette éventualité car elles seront certainement les premières à subir le fer et le feu. Mais derrière leurs peurs égoïstes face à l’imminence d’un châtiment mérité, on peut également deviner qu’elles ne seront pas les seules à souffrir. Les révolutions n’ont jamais rendu les peuples plus riches, au contraire. Les guerres idéologiques ont toujours profité aux manipulateurs, aux initiateurs. C’est la bourgeoisie commerçante qui a jeté les Sans-culottes devant les canons de l’Ancien-régime, uniquement pour éliminer la noblesse millénaire toute puissante… et prendre le pouvoir à sa place. Le peuple aura juste versé son sang et ses larmes pour changer de maîtres.
Aujourd’hui, l’histoire se répète et, comme ce genre d’évènement frappe généralement à l’échelle d’une vie humaine, la plupart de ceux qui pourraient témoigner des conséquences ne sont plus là pour le faire. Il ne nous reste que de vagues échos dans les livres d’histoire, et on se dit que, nous, on ne commettra pas les mêmes erreurs, on saura contrôler la situation, on aura les moyens de maîtriser l’incendie… Et lorsque l’ordre actuel ne sera plus, balayé par les urnes ou dans les rues, dans l’euphorie populaire des masses ignorantes (le fonds de commerce préféré des nationalistes extrémistes), il deviendra alors urgent, même pour ceux qui en deviendront plus tard les premières victimes, de rétablir un régime politique « fort et digne » reflétant enfin la « grandeur de la nation » et portant en lui tout un tas de superlatifs dans le même genre propres à flatter l’ego de ceux qui auront été opprimés jusqu’alors.
L’or est une liberté qui n’a pas sa place dans le nationalisme
Mais la réalité c’est qu’une fois encore, nous aurons simplement changé de maîtres. Et tandis qu’aujourd’hui, malgré les malversations étatiques dont nous sommes régulièrement victimes, il nous reste encore la liberté de nous affranchir de quelques un de ces abus par le biais d’alternatives légales comme l’or par exemple. Dans un contexte de régime « nationaliste » extrémiste, cette liberté chérie serait sans doute considérée comme une déviance, pire, une défiance envers le nouveau régime établi.
L’avenir est incertain, peut-être que les institutions comme le FMI, la FED ou la BCE ne seront plus, et elles auront elles-mêmes creusé leur tombe à grands coups de pelle monétariste. Mais quand on entend réellement le fond du discours des politiques nationalistes, l’alternative qu’il nous proposent est bien pire encore. Car dans le lexique nationaliste, la liberté (grâce à l’or et aux métaux précieux, par exemple) devient anarchie et l’indépendance, surtout financière, un crime contre l’intérêt populaire.
Et on sait le sort réservé à ceux qui sont considérés comme des « criminels » aux yeux des régimes nationalistes…