Les pays détenteurs des plus importantes réserves d’or ont-ils plus de poids sur la scène économique et politique internationale ? Quels pays mènent cette course effrénée à l’or ? Qui en profite et qui en pâtit ? C’est à toutes ces questions que nous répondons dans ce dossier consacré à la géopolitique de l’or.
1. L’or revient dans la course
En 2012, le sort des pays en difficulté (notamment ceux de la zone euro) pourrait bien dépendre des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine) dont l’émergence va forcément redessiner les grands enjeux géopolitiques et économiques. Cela devrait bouleverser la donne au niveau des pays économiquement dominants, jusque-là.
C’est dans ce contexte de crise et de chamboulements que l’or revient peu à peu dans le circuit des échanges commerciaux. L’Inde paie l’or noir de l’Iran en or jaune, publiait-on il y a peu. Dans les contextes de guerre et de crise économique, lorsque la confiance en la monnaie papier baisse ou que les échanges en monnaie ne sont tout simplement plus possibles, l’or redevient naturellement la monnaie de référence par excellence.
Cette émergence de l’or voit en parallèle l’abandon progressif du dollar dans les échanges internationaux. La Chine, plus gros producteur mondial d’or, contribue largement à ce glissement en défaveur du dollar et aimerait bien voir le yuan ou l’or détrôner le billet vert. Le fait que la Chine veuille adosser sa monnaie à l’or tend à le prouver (Lire Le Yuan bientôt adossé à l’or ?). C’est ainsi que le pays et son voisin le Japon ont décidé de ne plus utiliser le dollar US mais le yuan pour leurs échanges commerciaux bilatéraux.
Le phénomène n’aurait pas pris de l’ampleur si d’autres pays n’avaient pas suivi l’exemple de la Chine. L’Inde, l’Iran, la Russie et le Japon ont adopté la même stratégie. Et en Amérique du Sud, un pays a senti le vent tourner : c’est le Venezuela, qui a rapatrié 75% de ses réserves d’or physique, auparavant stockées dans des coffres bancaires européens. Cela augure de futurs et nombreux échanges en or au niveau international.
2. L’or redistribue les cartes
Dans son dossier spécial « Géopolitique de l’or, Les faillites du système » (Numéro 53, Novembre – Décembre 2011), le magazine Diplomatie propose un Atlas très complet sur le sujet, signé Thomas Delage. Décryptage.
La Chine est en 2010 le plus gros producteur d’or, avec 345 tonnes d’or extrait. Un chiffre en hausse par rapport à 2009. Derrière la Chine, on trouve l’Australie avec 255 tonnes produit, les Etats-Unis avec 230 tonnes, l’Afrique du Sud et la Russie avec 190 tonnes chacun, le Pérou avec 170 tonnes. Pour ce qui est de la consommation d’or, l’Inde caracole en tête avec 860 tonnes d’or consommé en 2010, principalement des bijoux en or. Le second pays consommateur d’or est loin derrière, avec 541 tonnes d’or.
On retrouve ces chiffres dans une infographie éditée par les Echos et dans le rapport annuel 2011 du World Gold Council.
Les Etats-Unis, la Chine, la France, l’Italie, la Suisse et le Luxembourg sont en tête des états qui disposent des plus importantes réserves d’or, ce qui leur assure une stabilité et une puissance économico-politique certaine. C’est d’autant plus exact pour les pays dont la part des réserves en or est supérieure au total des réserves (réserves d’or et devises étrangères) : les Etats-Unis, la France, le Pays-Bas, l’Allemagne, le Portugal et… la Grèce ! Il est probable que ces réserves d’or aient fait pencher la balance en faveur de l’effacement de la dette (Lire La Grèce efface sa dette comme par magie !).
Mais les plus gros détenteurs d’or sont aussi les plus gros vendeurs d’or : le Fond Monétaire International à New-York, la Banque Centre Européenne à Francfort, la France et la Suisse ont vendu d’importants stocks d’or depuis 2007. Des pays de la zone euro pourtant fragilisés par la crise (Espagne, Allemagne) ont aussi, dans une moindre mesure, vendu une partie de leurs réserves d’or. Des opérations risquées en ces temps d’incertitudes économiques, comme nous le pointions dans notre article France, 2004 : soldes sur les réserves d’or !
Qui achète ces réserves d’or ? Principalement des pays asiatiques, la Chine, l’Inde, qui ont de faibles réserves d’or. On compte aussi parmi les principaux acheteurs la Russie, l’Arabie-Saoudite, le Mexique, autant de pays qui ne voient pas d’un bon œil la suprématie du dollar américain et préfèrent miser sur la stabilité de l’or physique.
A noter aussi, la prédominance des entreprises canadiennes et américaines en tête des entreprises de production d’or en 2010. Le canadien Barrick Gold et l’américain Newmont Minning ont respectivement produit 240 et 174 tonnes d’or.
Un mot enfin sur la Turquie, où l’extraction d’or, encouragée législativement par l’état, a permis à l’économie du pays de se relever. Avec ce nouveau poids économique, la Turquie a retrouvé une position dominante dans ses relations géopolitiques avec les pays voisins.
Ce qui ressort de cette carte ne laisse pas de place au doute : les ressources, dont l’or, sont à l’origine de nombreux conflits, c’est même la seconde source de conflits dans le monde. Les conflits de ressources se concentrent essentiellement et logiquement là où est extrait l’or : en Afrique subsaharienne, en Amérique, en Asie et en Océanie. Pas moins de 9 conflits sont en cours en République Démocratique du Congo, 6 en Colombie, 4 au Nigéria, 4 en Israël.
Les conflits sont particulièrement marqués par la violence dans les principaux pays producteur d’or : en Russie, en Australie, en Afrique du Sud et en Amérique centrale et latine (Mexique, Pérou, Brésil, Chili).
3. L’or peut-il redevenir étalon ?
Les chiffres de la production d’or mondiale peuvent paraître importants, mais ils ne sont rien comparés aux sommes vertigineuses de l’économie mondiale. Compte tenu de cette relativement faible production annuelle d’or, un retour à l’étalon or paraît difficilement envisageable. Sinon, il prendrait une valeur inestimable et dangereuse sur le plan géopolitique : les risques de guerres seraient multipliés.
En revanche, l’or conserve plus que jamais son rôle de valeur refuge internationale. Le précieux métal jaune offre aux états qui en possèdent une puissance et une influence politico-économique certaine, surtout lorsque que la crise bat son plein comme en ce moment.
Je ne suis pas d’accord : la valeur refuge pour un Etat c’est du vent, c’est le rôle monétaire de l’or qui lui confère cette importance aujourd’hui et qui fait que toutes les banques centrales en achètent.
La réintroduction de l’or dans le système monétaire international est inéluctable.