Rarement un budget français n’aura été autant commenté que le celui de 2025. Pour certains commentateurs, nos finances publiques sont à tel point dégradées que l’État français est en train d’entrer dans une « trappe à dette », une situation susceptible de conduire à la banqueroute. Alors : est-ce que cette fois, c’est la bonne ?
Avant de proposer une réponse à cette question, posons quelques bases théoriques.
Qu’est-ce qu’une « trappe à dette » ?
Il s’agit d’une notion assez simple que l’on doit à Keynes. Plutôt que de vous proposer une définition issue d’un manuel de macroéconomie, je vous en propose une reformulation concoctée par Charles Gave : « Prenons la charge de la dette de n’importe quel pays. Si cette charge (intérêts + remboursement du capital) a durablement un taux de croissance supérieur à celui du PIB du pays, à l’arrivée le pays fait toujours faillite. »
Autrement dit, lorsque le service de la dette (capital + intérêts) d’un l’État augmente durablement beaucoup plus vite que la création de richesse, celui-ci devient incapable de servir non seulement les intérêts sur la dette existante, mais de rembourser le principal. C’est la banqueroute.
À cet égard, le fait que les taux d’intérêt sur la dette publique se situent au-dessus du taux de croissance de l’économie n’est pas de bonne augure…
Ceci posé, passons à la situation de la France.
Endettement : quel est le montant de la dette française en 2024 ?
Quelle est la dette actuelle de la France ?
Selon les derniers chiffres issus de l’INSEE, à la fin du troisième trimestre 2024, la dette publique au sens de Maastricht se montait à 3 303 Md€, soit 113,7 % du PIB.
Quelle dette avant Emmanuel Macron… et après ?
Lorsqu’Emmanuel Macron a pris ses fonctions de président de la République le 14 mai 2017, la dette publique se montait à 100,8% du PIB.
Nous avons donc assisté à une augmentation de près de 13 points de pourcentage de la dette publique en 8 ans, soit plus de +1,6% par an.
Quel est le pays le plus endetté d’Europe ?
La situation de notre État est-elle plutôt enviable ou inquiétante, par rapport à nos voisins européens ?
Voici la réponse à l’issue du 2ème trimestre 2024 :
Dette publique des États membres de l’UE en pourcentage du PIB (2ème trimestre 2024)
Source : Toute l’Europe
La France n’est donc pas le pays européen le plus endetté, mais elle figure en belle place sur le podium, devant d’autres « poids lourds » latins, et bien sûr devant les fourmis de l’Europe germanique et de l’Europe du Nord.
Qui prête de l’argent à la France ?
Les créanciers de l’État sont essentiellement de deux natures :
- Au rang des investisseurs institutionnels, on compte : les banques, les compagnies d’assurance, les fonds de pension (essentiellement étrangers), les banques centrales étrangères ;
- Des particuliers : il s’agit d’investisseurs français ou internationaux qui achètent des obligations de l’État français.
Voilà pour la photographie de la situation à mi-2024.
Tentons à présent de décrypter ce qui nous attend à l’horizon…
Budget public 2025 : encore un déficit budgétaire énorme à l’horizon !
Le 6 février 2025, avec un mois et demi de retard, les parlementaires ont définitivement adopté le projet de loi de finances 2025.
Voici les grandes lignes de ce budget :
- Dépenses publique : en hausse de 0,2 point de PIB ;
- Prélèvements obligatoires : en hausse de 0,7 point de PIB ;
- Déficit budgétaire : en baisse de -0,7 point de PIB ;
- Dette publique : en hausse de 2,8 points de PIB.
L’État s’attend donc à finir l’année en cours avec une dette publique de 115,5%. Et le gouvernement considère cela comme un succès dont il faudrait le féliciter, puisque le déficit budgétaire devrait être ramené à 5,4% (139 Mds€ !), soit 0,7 point de moins que le « dérapage » de 2024, à 6,1% du PIB.
Autrement dit, cette année encore, la France aligne un budget catastrophique.
Alors…
Paris est-elle condamnée ?
Aux dernières nouvelles, la Banque de France s’attend à un taux de croissance de 0,9% en 2025. Je ne dispose pas du chiffre exact, mais il y a peu de doutes qu’avec des taux d’intérêt et une dette publique qui s’accroissent, le service de la dette va augmenter à un rythme plus élevé que la taille de notre économie.
Le salut ne viendra pas de l’Élysée puisque le 14 février, le président a déclaré lors d’un entretien donné au Financial Times que la règle européenne d’un déficit budgétaire à 3% est « caduque » dans le cadre d’une Europe qui doit « accélérer ».
Et certains osent parler d’« austérité »…
Après des décennies de mauvaises politiques budgétaires, il est clair que nous avons épuisé notre « marge de manœuvre budgétaire », comme disent les économistes. La hausse des taux sur le 10 ans français, qui est passé de -0,40% en août 2019 (!) à un pic de +3,47% le 14 janvier 2025 en témoigne.
Le premier ministre François Bayrou risque fort de connaître a minima un « moment Liz Truss », avec un gros stress de marché sur les taux français.
Qu’est-ce qui pourrait précipiter un évènement de marché ?
Le principal évènement susceptible d’accélérer la dégradation de la situation budgétaire de notre pays (mais aussi celle de l’Italie et de l’Espagne, en particulier), c’est bien sûr une récession.
Dans un tel contexte, les dépenses sociales augmentent, alors que les rentrées fiscales s’amenuisent. Le cercle vicieux se met en place, la hausse du déficit et la hausse des taux d’intérêt s’alimentant l’une l’autre.
Le piège de la trappe à dette se referme, et la banqueroute devient de plus en plus probable, pour ne pas dire inévitable.
Voici les chiffres qu’avançait Charles Gave en novembre 2023 : « En cas de récession, le déficit budgétaire pourrait donc atteindre très facilement 10 % du PIB, ce qui amènerait notre dette à près de 140 % du PIB et le service de la dette exploserait immédiatement. En termes simples, la France rentrerait donc à toute allure dans ce qu’il est convenu d’appeler une “trappe à dettes”. »
Comment la France pourrait-elle échapper au krach obligataire ?
Si la France finit par tomber dans une « trappe à dette », son destin serait-il alors scellé ?
Pas nécessairement.
3 solutions permettraient en effet de retourner la situation, ou de la prolonger :
- Diminuer drastiquement les dépenses publiques (avec le personnel politique en place, c’est naturellement exclu) ;
- Mutualiser les dettes européennes (la fédéralisation budgétaire de la zone euro ne serait cependant qu’un moyen de gagner du temps) ;
- Réévaluer le cours de l’or (j’ai expliqué ce scénario en détails dans un double dossier d’investigation paru aux Éditions Jean de Portal).
Que retenir de tout cela pour vos finances ?
Avec la prise de fonctions de Donald Trump, l’année 2025 a commencé sur les chapeaux de roues pour des raisons externes à la France. Et il est fort possible qu’elle continue très fort, et cela pour des raisons internes à la France.
Si notre pays tombe dans une trappe à dette, alors ceux qui seront restés un jour de trop sur le fonds euros de leurs contrats d’assurance-vie risquent de le regretter, quand les détenteurs d’or continueront de dormir sur leurs deux oreilles.
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