Le World Gold Council vient de révéler ses chiffres pour les premiers mois de l’année. Selon le Conseil mondial de l’or, la demande en métal précieux est 7% moins importante qu’au premier trimestre 2017. Deux facteurs se sont combinés : une demande plus faible en or physique, et un intérêt moins marqué des investisseurs financiers. Résultat : la demande mondiale en or atteint son niveau le plus bas depuis la crise de 2008. Explications.
La demande en or repasse sous les 1000 tonnes
Si la demande en or est passée au-dessus de la barre des 1000 tonnes au dernier trimestre 2017, la tendance n’est pas la même pour ce début d’année 2018. Sur les derniers mois de 2017, le World Gold Council relevait en effet une demande de 1095,8 tonnes, dans un marché poussé par la demande en métal précieux des banques centrales et celle des particuliers notamment en Chine et en Inde. Sur toute l’année 2017, l’industrie avait aussi joué un rôle majeur en se montrant particulièrement gourmande en or.
Pour ces premiers mois de 2018 en revanche, la demande repasse sous les 1000 tonnes et atteint 973,5 tonnes. A période égale, cela représente 7% de moins que le premier trimestre 2017. Et, comme le souligne le World Gold Council, c’est la demande la moins forte en métal précieux depuis la crise de 2008. Les raisons se trouvent à la fois du côté des investisseurs financiers et du côté des acheteurs d’or physique. L’un ou l’autre facteur peut expliquer une hausse soudaine – ou une baisse – de la demande sur un trimestre ou un autre, même si l’effet n’est pas aussi visible sur la globalité de la demande. Pour les premiers mois de 2018, les deux facteurs se sont combinés… et c’est ce qui explique, selon le World Gold Council, des chiffres plus bas que d’habitude.
Les investisseurs et les particuliers moins demandeurs
La baisse en demande d’or d’investissement est la plus notable entre janvier et mars 2018. Entre les premiers mois de 2017 et cette année, les ventes d’or en lingots et pièces d’investissement, ainsi que le métal précieux des ETF ont ainsi perdu 27 %. Du côté des investisseurs, ce manque d’appétit pour l’or s’explique notamment par une prudence sur l’économie des Etats-Unis, et un manque de visibilité sur ses perspectives. « Les indicateurs de la santé économique américaine divergent, et cela explique le manque de dynamisme de l’or », souligne ainsi le World Gold Council dans son bilan. « Si les données sur l’économie des Etats-Unis laissent attendre un resserrement des taux de la Réserve fédérale américaine, la politique imprévisible du président Donald Trump laisse les investisseurs prudents », indique de son côté LePoint.fr dans un article sur ce même sujet. Ce désintérêt des investisseurs était déjà notable en fin d’année dernière, même si le début d’année avait été plus favorable pour l’or après le Brexit et sur fond de tensions entre les Etats-Unis et la Corée, et au Moyen-Orient.
Le manque d’intérêt des acheteurs en début d’année pour l’or d’investissement s’expliquerait aussi, selon le World Gold Council, par « le manque relatif de volatilité » du cours de l’or. En Chine, plus importante plateforme d’achat de lingots et de pièces d’or d’investissement, c’est la politique autour du yuan qui est en cause. Inquiets l’an dernier sur le devenir de leur monnaie – et donc plus enclins à se tourner vers l’or comme valeur refuge, les investisseurs chinois se sont montrés moins gourmands en début d’année 2018. Par rapport au premier trimestre 2017, la demande en or physique d’investissement en Chine passe de 105 tonnes à 78 tonnes.
D’autres marchés montrent néanmoins un intérêt plus marqué pour le métal précieux. C’est le cas en Turquie, où la demande en or était déjà plus notable fin 2017 et se poursuit dans les premiers mois de 2018. L’inflation de la monnaie turque, notamment, est évoquée par le World Gold Council : « les investisseurs turcs se sont tournés vers l’or pour protéger une partie de leur richesse ». En Moyen-Orient aussi, et notamment en Iran, la demande en or physique d’investissement est la plus notable depuis 2015 face aux tensions accrues.
L’achat d’or physique impacté par la saison des mariages en Inde
En Inde, la saison des mariages est un soutien à l’or. C’est le titre d’un dossier que j’avais déjà proposé sur Loretlargent.info, et qui reste toujours d’actualité. A l’occasion des Dhanteras – la saison des mariages -, les Indiens sont traditionnellement très gourmands en or. Le métal précieux sous forme de bijoux est très demandé pour les mariages. Dots, cadeaux, offrandes prennent une grande place dans les habitudes culturelles. Même sous forme de chaîne en or, le métal précieux est considéré comme un investissement plutôt qu’un accessoire : on offre une certaine forme de sécurité financière et les bijoux servent en cas de coup dur.
Deux facteurs ont eu un impact important sur le marché de la joaillerie indienne ces derniers mois. D’abord, une saison des mariages plus courte que d’habitude : sept jours favorables contre 22 en 2017, ce qui a entraîné un nombre de célébrations moins important en fin d’année 2017. Mais aussi un impact de la dépréciation de la roupie par rapport au dollar. « Même si le prix de l’or est resté relativement stable par rapport aux niveaux de l’année précédente, il y a eu une perception d’une plus grande volatilité chez les consommateurs de bijoux. Ils ont donc réagi en refusant d’acheter de l’or jusqu’à ce qu’à la stabilisation des prix de l’or », relève le World Gold Council. Entre le premier trimestre 2017 et ces derniers mois, la joaillerie passe ainsi d’un volume de 99,2 tonnes d’or à un volume de 87,7 tonnes, soit une baisse de 12 %.
La tradition et l’appétit culturel pour l’or a aussi eu un impact en Chine, mais cette fois de façon positive. La demande en or de joaillerie a augmenté de 7 % au premier trimestre pour atteindre 187,7 tonnes, un record depuis trois ans. Et ce sont les célébrations autour de l’Année du Chien – qui ont coïncidé avec la Saint-Valentin… – qui ont poussé les acheteurs chinois vers le métal précieux !
Et du côté des industries alors ?
Si les banques centrales restent très acheteuses d’or (116 tonnes d’or sur le trimestre pour une hausse de 42 % par rapport à 2017), les industries aussi continuent à augmenter leur demande en métal précieux. Sur l’année 2017, les industries de pointe ont ainsi augmenté leur demande de 3 %, notamment dans les domaines de l’électronique. Cette tendance à la hausse, la plus notable depuis 2014, semble se poursuivre pour 2018. Sur les premiers mois de l’année, le secteur augmente sa demande de 4 %, passant de 78,9 tonnes début 2017 à 82 tonnes. Et ce n’est sans doute pas fini, tant ces secteurs vont se montrer de plus en plus gourmands pour le métal précieux – et pour ses qualités.