Avant même de débarquer dans une mine d’or, le voyageur est surpris par cette propension des pays de l’Amazonie à s’organiser afin d’acheminer tout ce qu’il faut pour les orpailleurs, depuis la nourriture jusqu’à l’essence. Autant que l’extraction de l’or, en paillettes, grains fins ou en pépites, à raison d’environ deux cents cinquante tonnes par an, et sûrement plus, le transport du métal précieux et de ses ingrédients, carburants et mercure, représente une activité hautement lucrative, que ce soit en pirogue, en quad ou en petit avion de casse-cou. Les tentatives pour sauver l’Amazonie et le relais par les pays de la région pour aider ces campagnes, tels que l’interdiction de l’orpaillage clandestin ou de l’utilisation du mercure, se heurtent à l’hypocrisie la plus totale des représentants de ces États dans le coin, qu’ils soient brésiliens, surinamais, français ou vénézuéliens. Pourquoi dénoncer les trafics alors que ces mêmes agents de l’État mettent tout en oeuvre pour le prolonger, soit par laisser-faire ou aveuglement, soit par une participation active ? Non seulement la situation de la forêt d’Amazonie ne s’améliore pas mais elle empire, au point que l’ on se demande si les mêmes États ne profitent pas de son saccage. Car les profits engendrés par le transport sont souvent aussi importants que les revenus de l’ orpaillage. Le bourg de Maripasoula, en Guyane française, avec son arrière-cour grande comme la Belgique, vit en grande partie du commerce de l’or. Nombre de notables ont une relation particulière avec le métal jaune. Le grand man Joseph Joachim, le chef des Bonys, est lui-même orpailleur, tout en étant rétribué pourtant par l’État français pour ses activités de représentant coutumier. Lorsqu’un orpailleur est emprisonné, les gendarmes craignent l’émeute. » On discute d’abord, dit l’un d’entre eux, on voit si on peut sévir ensuite mais ici il vaut mieux s’abstenir, on ne sait jamais. »
Au Brésil, les transporteurs s’en donnent à coeur joie. Ils envoient la marchandise sur l’autre rive du fleuve Oyapock, côté Guyane, et attendent leurs royalties. Idem au Surinam, où l’argent de l’or atterrit dans les coffres des banques ou sur les tables des casinos. Pourquoi s’évertuer à déclarer que l’or profite aux populations, alors que tout le monde sait pertinemment, de Caracas à Cayenne, de Rio à Paramaribo, qu’il ne sert à rien, est évacué sur l’étranger ? L’or s’en va, le mercure pénètre dans l’Amazonie. L’alchimie est néfaste pour la forêt.
Extrait du livre J’Aurai de l’Or d’Olivier Weber, tiré du film La Fièvre de l’Or
ENGLISH : Dirty gold : Damaging alchemy for the Amazon basin
(traduit par ABWtrad.com)