Collection Bruun : un trésor numismatique à 70 millions d’€

par | 17 Jan 2025 | Numismatique | 0 commentaires

Temps de lecture : 4 minutes

La vente de la première partie de la collection Bruun a déchainé les passions ! Retour sur une saga fantastique d’origine danoise et digne d’un conte d’Andersen !

Du beurre à la numismatique

C’est l’histoire d’un riche industriel du beurre du XIXe siècle qui, dès son enfance, s’était épris de pièces de monnaies anciennes, de billets et de médailles. Lars Emil Bruun (1852-1923), issu d’une famille d’aubergistes et de meuniers d’Ordrup, localité située au nord de Copenhague, au Danemark, a 7 ans lorsque le cadeau d’un de ses oncles déclenche chez lui une véritable passion pour les monnaies anciennes. 

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A 14 ans, il est placé en apprentissage dans une épicerie et, en 1870, son apprentissage achevé, décidant de reprendre des études, il est admis à l’académie Grüner, grande économiste danoise, d’où il sort parmi les premiers de sa promotion. Il est immédiatement embauché chez un grossiste en produits alimentaire, P.F. Esbensen qui était un des premiers à se lancer dans le très lucratif commerce du beurre. En 1882, soutenu par un agriculteur et un grossiste, il lance sa propre société « The Copenhagen Preserve Butter Company ». Après diverses difficultés dues, en particulier, au décès prématuré de ses deux investisseurs, les affaires deviennent florissantes en 1885. Dix ans plus tard, sa société est la première exportatrice de beurre danoise. Mais sa passion numismatique ne l’a pas quitté puisque, cette même année, il fonde la première association de collectionneurs de monnaies de Copenhague.

A partir de 1920, il visite le monde, à la fois pour trouver de nouveaux marchés, acquérir des monnaies pour sa collection et rencontrer des collectionneurs. Malade du diabète qui, à cette époque-là, provoquait une mort rapide, il est soigné par un médicament récemment découvert, l’insuline. En vacances d’hiver à Monte-Carlo, un des paquets d’insuline venus du Danemark se perd, entrainant son décès le 21 novembre 1923.

La célèbre collection Bruun

La collection Bruun était connue de tout le milieu numismatique de ce début du XXᵉ siècle. Elle s’était même considérablement étoffée avec l’achat d’une collection plus fabuleuse encore, en 1922, à une famille d’aristocrates du comté danois de Brahesminde, les Bille-Brahe. Elle comportait plusieurs dizaines de milliers d’objets, dont sa collection de monnaies britanniques vendue aux enchères après son décès. Mais qu’était devenu le reste de sa fabuleuse collection ? Elle a été entreposée dans les quatre grandes armoires sur mesure fabriquées dès l’origine pour l’abriter, dans l’ancienne résidence royale, le château de Fredriksborg. En 2011, elle rejoint les coffres de la Banque nationale du Danemark. 

Le 21 novembre 2023 voyait donc la fin de cet étrange embargo, moment, vous l’imaginez bien, attendu par le monde des collectionneurs qui, s’ils ne l’avaient probablement jamais vue, attendaient. C’est la maison de vente américaine Stack’s Bowers qui a été choisie pour organiser la vente et qui, pour l’occasion, a ouvert un bureau spécial au Danemark. En fait, compte tenu du nombre de pièces et de la richesse de la collection, la vente se déroulera sur plusieurs années. La première vacation avait donc lieu le 14 septembre dernier à Copenhague, pour seulement 286 de ces pièces, et qui atteignit tout de même la somme de 14,8 millions d’euros, dépassant de 25% les valeurs estimées (la collection complète étant estimée à près de 70 millions €, valeur pour laquelle elle était d’ailleurs assurée). 

Le Musée national du Danemark a, pour sa part, préempté 7 pièces pour un montant de 1 million €. 

Une monnaie exceptionnelle

« Noble d’or » daté de 1496, du roi Hans (1455-1513).

La plus convoitée était un rarissime « Noble d’or » daté de 1496, du roi Hans (1455-1513), qui régna sur le Danemark, la Norvège et brièvement la Suède. C’est la première pièce d’or scandinave datée. Elle est de frappe parfaite, sur un flan régulier et bien centrée.  Le modèle du dessin était clairement le « Real d’Or », frappé à Dordrecht, pour l’empereur du Saint-Empire romain germanique, Maximilien Ier (1490-1519). La légende de l’avers est cependant un exemple inhabituel où la pièce elle-même semble parler : IOhS’DEI GRA REX DANOR’ IVSSIT ME FIERI AN’1496 (« Hans, par la grâce de Dieu, roi des Danois, m’a ordonné frappé en l’an 1496 »). L’inscription religieuse au revers : DEXTERA DNI’ EXALTAt ME DEXTRA DNI’ FECIT VIRTV’ est tirée du Psaume 118:16 de la Bible (« La main droite du Seigneur est élevée ; la droite du Seigneur a fait de grandes choses ! »).

Bien que la raison exacte de la frappe de ce Noble soit inconnue, il semble probable qu’il ait été frappé pour l’usage personnel du roi comme cadeau pour les dignitaires étrangers lors d’un événement de cour important au Danemark ou à l’étranger. L’or nécessaire à cette émission provenait en partie de prêts de princes allemands.

« Sobrement » décrite par Stack’s Bowers comme « joyau de la couronne de toute collection de numismatique scandinave », elle a été adjugée pour 1,2 million d’euros, dépassant largement son estimation haute à 600 000 euros. Ce serait le seul exemplaire disponible sur le marché, les deux connus étant détenus par le Musée national du Danemark et celui de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg.

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Collin, Bruno
Elève d’Emmanuel Le Roy Ladurie, Docteur en histoire économique et monétaire, expert numismate et journaliste. Auteur d’une quinzaine d’ouvrages et de plusieurs centaines d’articles sur ce sujet, il analyse la monnaie sous tous ses multiples aspects : historique, valeur, économique, support de propagande, nerf de la guerre, objet de placement, techniques de fabrication, métaux...

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