Rolex, Patek Philippe, Omega, Breitling ou encore Audemars Piguet : autant de grands noms de l’horlogerie de luxe, qui peuvent faire rêver. Porter une montre de luxe au poignet n’est pas seulement un symbole de réussite sociale selon la vision de Jacques Séguéla : « à 50 ans, si tu n’as pas de Rolex c’est que tu as raté ta vie ! ». La montre apparaît aussi comme un « placement financier », au même titre que les sacs de luxe par exemple. La montre de luxe peut-elle être considérée comme une valeur refuge ? Non, et voici pourquoi.
Ce qu’il faut retenir :
- À l’image des tableaux ou des voitures de collection, les montres de luxe font partie des « placements plaisir ».
- Leur valeur ne dépend pas que des matériaux précieux. Le prestige de la marque, du modèle ou encore la rareté entrent en ligne de compte.
- C’est un marché qui présente des risques : les vols se multiplient, les contrefaçons aussi. La moindre dégradation se traduit par une forte décote.
- Même si le marché de la montre de luxe s’est emballé pendant la pandémie, il connaît un coup d’arrêt depuis 2022, révélateur d’un environnement très fluctuant.
La montre de luxe, un objet de collection et de spéculation
Des modèles iconiques devenus des placements
Dans la famille de l’horlogerie de luxe, les marques iconiques ont la cote. Rolex, Patek Philippe, Audemars Piguet, Omega ou Breitling par exemple. Ce n’est pas nouveau : en 2013, le journal Les Echos évoquait déjà « un actif que l’on peut se transmettre de génération en génération ». Et qui peut potentiellement être valorisé. La même année, deux ventes record ont marqué les esprits : celle d’une Rolex Daytona de 1969 pour 1 million de dollars, et celle d’une Patek Philippe de 1957 pour 1,61 million d’euros. Et que dire de la Rolex Daytona Cosmograph, celle portée par Paul Newman, qui a été vendue 15 millions d’euros ?
Tous les modèles ne s’échangent bien évidemment pas à ces prix. La valeur d’une montre de luxe dépend du prestige de la marque, de la prouesse technique qu’elle présente, de la beauté du modèle et de sa rareté. Mais aussi de l’état dans lequel la montre est conservée, des certificats d’origine, de la présence d’une boîte ou non… « Lors de la revente, la montre doit être dans un état absolument impeccable », relève ainsi Capital.fr. La moindre rayure peut se traduire par « une décote de 20 % ». Étonnant finalement pour un objet appelé à être porté.
Après la hausse des prix pendant la pandémie, un marché qui s’essouffle
La crise sanitaire a provoqué un emballement du marché de la montre de luxe. Le secteur, « en pleine ébullition » selon les Echos, a gagné « une nouvelle génération d’acheteurs ». C’est aussi un moment où les prix des montres ont grimpé, en raison d’une offre bien inférieure à la demande. Une « hausse sans précédent » pour Boursier.com, alors que les maisons spécialisées en horlogerie de luxe ont dû fermer leurs portes pendant les différents confinements. Les approvisionnements en matières premières ont aussi été interrompus : sans matériaux pour les fabriquer, point de nouveaux modèles. Dans un article de 2022, Le Revenu estime ainsi qu’à cette période, la valeur d’une montre de luxe pouvait quintupler dès sa sortie de boutique. L’idée d’une valorisation de son placement avait, dès lors, de quoi séduire.
Dès 2022, le marché a néanmoins marqué un coup d’arrêt. Et même « un trou d’air » selon Les Echos. L’indice Watchcharts du marché des montres est d’ailleurs assez révélateur, avec un pic entre novembre 2021 et mars 2022. Cet indice est basé sur la valeur des 60 montres fabriquées par les dix marques les plus réputées, selon la valeur des transactions.
Source : Watchcharts.com, indice en dollars américains.
Hausse des vols, contrefaçons et marché en mutation : les revers de la médaille
Avec le développement du marché de l’occasion, les contrefaçons se multiplient
L’appétit des collectionneurs pour les montres de luxe a eu un autre effet : il a boosté le marché de l’occasion. Les particuliers y voient une chance de pouvoir dégoter le modèle qui prendra de la valeur, à l’image de la Rolex Daytona de Paul Newman. D’autres profitent d’une occasion de pouvoir acquérir un beau modèle pour un coût minime. Le corollaire de ce nouveau marché ? « La multiplication des contrefaçons », selon un article de Sud Ouest qui cite : « une part importante des Rolex seraient des fausses ». Pour vérifier l’authenticité d’une montre et sa valeur, il faut un certificat et un œil d’expert.
Difficile, dès lors, d’espérer un bon « investissement » sur la simple bonne foi du vendeur : le risque est plutôt de perdre plusieurs milliers d’euros très vite (voire plus). Et ce n’est pas le seul dont doivent se méfier les collectionneurs et amateurs de montres de luxe.
Les montres de luxe, des objets à conserver loin de tous les regards ?
Cherchez « montres de luxe » dans la rubrique des actualités : vous verrez très vite que leur valeur ne suscite pas uniquement la convoitise des collectionneurs. Les montres de luxe font aussi partie des cibles de choix des voleurs à la tire ou des cambrioleurs pour la société britannique The Watch Register, qui recense les montres de luxe volées dans le monde. En 2022, le nombre de vols a augmenté de 60 %. Ils sont aussi « de plus en plus violents ». Aux vols à l’arrachée, il faut ajouter ceux qui font suite à des intrusions ou des home-jacking.
À Paris, sur la seule année 2022, 177 vols de montres de luxe ont été enregistrés. À Londres, le nombre de ces vols a doublé en 7 ans et les policiers britanniques ont même mis au point des opérations sous couverture pour endiguer le phénomène.
Conserver un tel placement sur soi (ou chez soi) avec un risque aussi important de vol et de violences est une vraie gageure.
Un investissement soumis aux caprices du marché et des collectionneurs
Difficile, enfin, de continuer à parler de « valeur refuge » pour des objets de collection autant soumis aux caprices du marché et à ses fluctuations. Dans le cas des montres de luxe, l’horlogerie tient aussi les cordons de la bourse. Les grandes maisons ont tout intérêt à ce que leurs modèles continuent à se vendre pour des centaines – voire des millions d’euros. La contrepartie, c’est qu’ils ne sont accessibles qu’à une certaine catégorie de la population et sont « de plus en plus difficiles à se procurer », relève Le Monde. Cela entretient une bulle spéculative disproportionnée, qui ne peut que se dégonfler. Difficile donc de considérer ces « placements plaisir » comme une valeur refuge s’ils sont soumis à la spéculation.