J’avais rédigé en 2009 cet éloge des pièces de monnaies d’or et d’argent, avec les témoignages de deux numismates passionnés, Patrice de la Perrière et Pierre Colombani. Je le remets au goût du jour car il fait particulièrement écho aux incertitudes des évolutions sociétales actuelles : disparition progressive du cash, numérisation de la monnaie des modes de paiement, bulle sur le bitcoin… Depuis 2008, de l’eau a coulé sous les ponts, les effets de la crise sont toujours là, et les pièces ont toujours autant de sens.
Les pièces d’or sont les meilleures assurances en période de crise. Avec l’effet de levier que représente la prime, elles surclassent ainsi tous les investissements dans l’or physique connus. Bref, je vous en ai parlé comme un placement, comme votre banquier pourrait vous détailler les avantages d’un tracker gold. Il ne manquerait plus que l’on voit un jour sur ce site une analyse graphique de l’évolution de la prime du Napoléon. Même si pour l’instant nous gardons pour nous ce genre d’analyse, il est probable que cela arrive prochainement. Mais franchement ce ne serait pas rendre tous les honneurs qui sont dus à ces petits morceaux de métal. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’une monnaie ancienne d’or, d’argent, ou bien même d’un vil métal, reste avant tout un objet avec du sens.
Une pièce d’Histoire…
Patrice de la Perrière et Pierre Colombani nous en parlent avec toute la passion des numismates qu’ils furent.
La monnaie se rattache à l’histoire de la ville, de la province, de l’État par lequel elle a été frappée. Elle est une de ses composantes. Elle en subit directement les fluctuations. Archaïque et grossière à ses débuts, indiquant ainsi le manque d’assurance, elle s’affine, s’équilibre, » s’anoblit « , ses formes devenant plus élégantes, voire plus fonctionnelles, quand la cité devient plus puissante ; son esthétique s’améliore pour rivaliser avec le monnayage des cités voisines ou des États rivaux. Avec orgueil, elle porte sur ses flans le visage de ses héros, de ses rois, de ses dieux. Elle y célèbre ses victoires, ses armées, parfois ses passions (le quadrige représenté sur les monnaies de Syracuse indiquait le vif intérêt des Syracusains pour les courses de chevaux), ses emblèmes, ses symboles, clairs ou ésotériques.
Certains empereurs ou tyrans ne sont représentés que sur quelques monnaies et pendant une courte période, montrant ainsi, soit la brièveté d’un règne, soit la haine tenace de leur successeur. Inscriptions et types monétaires ont une fonction de propagande. L’effigie de l’empereur peut être représentée sur les monnaies des décennies après sa mort, et cela dans des villes, des pays très distants.
Que le poids des monnaies d’or et d’argent s’amenuise indique les difficultés d’un roi, d’une cité, l’inflation n’étant pas, hélas ! un phénomène de notre époque. Quels meilleurs témoignages d’une civilisation peut-on trouver ?
… Et une oeuvre d’art
Mais une monnaie d’or ou d’argent, ce n’est pas qu’une histoire, c’est aussi le plaisir de posséder une œuvre d’art.
Pour le passionné de formes, d’esthétique, la monnaie présente les mêmes caractéristiques d’unité, d’équilibre des volumes, de stylisation, ou encore de maniérisme, voire d’abstraction, qu’un tableau, une statue, un bijou…
Les villes, les rois, les tyrans faisaient appel aux meilleurs artistes, aux graveurs les plus célèbres pour illustrer leur monnayage. Que ce soit un Kymon, ou un Evainète, dans le monde grec, un Warin sous la royauté française. Les monnaies issues de notre Moyen Âge témoignent avec orgueil de la magnificence de l’art gothique et de l’extrême richesse de la cour de France. Elles nous retracent les préoccupations esthétiques et la recherche artistique d’une période, ce document exceptionnel s’insérant parfaitement dans le panorama d’un règne, d’une civilisation.
Pour finir, une monnaie c’est le caractère fascinant de l’objet usuel. Une monnaie n’est pas créée pour le seul plaisir de la décoration, mais pour un usage très concret. Passée de main en main, elle a été caressée, appréciée, désirée, perdue, cachée par ses lointains possesseurs. Ces civilisations dont nous sommes issus et dont nous dépendons constituent notre patrimoine artistique, toute notre histoire. Elles les ont laissé en témoignage.