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Entre mobilisation de l’épargne des Européens, assouplissement réglementaire et recours à la titrisation, l’Union de marchés de capitaux (UMC) suscite de nombreuses interrogations.

Présentée par le Conseil européen comme l’arme ultime pour lutter contre le protectionnisme américain et dynamiser l’économie européenne, elle faciliterait le financement de l’innovation et de la transition écologique.

En quoi consiste réellement l’Union des marchés de capitaux ? Quels sont les enjeux de sa mise en œuvre ? Voici quelques éléments de réponse.

Union des marchés de capitaux : de quoi parle-t-on ?

L’idée de départ

Dans la lignée du traité de Rome en 1957 ou du traité de Maastricht en 1992, l’Union des marchés de capitaux (UMC) visait avant tout à améliorer la circulation des investissements et de l’épargne au sein des États membres de l’Union européenne (UE).

Si l’idée ne date donc pas d’hier, c’est la crise financière de 2011 qui a motivé le premier plan d’action de la Commission européenne. À la clé, trois objectifs principaux : 

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  • la relance économique, verte et numérique avec un accès facilité au financement pour toutes les entreprises au sein de l’Union ;
  • le renforcement de la sécurité de l’épargne et des investissements ;
  • la création d’un marché unique des capitaux.

Depuis, de nombreuses mesures ont participé à l’avancée de ce projet, comme la nouvelle directive des marchés d’instruments financiers (MiFID II) ou l’harmonisation de la législation en matière d’insolvabilité, sans toutefois permettre sa pleine réalisation.

L’Union des marchés de capitaux en 2024

L’UMC a pris récemment une tout autre direction sous l’impulsion des ministres des Finances des États membres et s’oriente vers un déblocage des capitaux privés pour financer les besoins d’investissement dans l’UE.

Dans l’épisode Pilote des Dessous du Cash, Tom Benoit révèle les enjeux de ce que le Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, nomme désormais « l’Union de l’épargne et de l’investissement ».

Pourquoi l’Union des marchés de capitaux est-elle indispensable ? Les ambitions de l’UE

Selon le site du Conseil européen, l’UMC serait le seul moyen de maintenir la compétitivité et la croissance des États membres. L’ouverture des marchés des capitaux favoriserait l’innovation et l’emploi.

Elle permettrait aussi : 

  • de procurer de nouvelles sources de financement aux PME ;
  • de fournir des modes de placement alternatifs pour les épargnants ;
  • de lever les barrières financières transfrontalières ;
  • de positionner l’euro comme une monnaie d’investissement internationale ;
  • de stabiliser le système financier européen ;
  • de financer la transition écologique et numérique ;
  • de renforcer les capacités de défense.

Toutefois, les instances européennes jugent les marchés des capitaux trop restreints et dépendants des banques. Les entreprises ne disposent pas des moyens financiers nécessaires à leur expansion.

Pour financer la transition énergétique et numérique, il faudrait plus de 700 milliards d’euros par an. Avec un tel objectif, l’UMC apparaît comme la seule réponse viable. Néanmoins, même si la solution semble toute trouvée, sa mise en œuvre reste délicate et sujette à controverses.

Quels sont les enjeux de l’Union des marchés de capitaux ? L’envers du décor

L’IRA ou le plan protectionniste américain

Pourquoi faut-il tout d’un coup accélérer la réalisation de l’Union des marchés de capitaux en Europe ? Pour répondre au vaste programme protectionniste mis en œuvre par les États-Unis, à savoir l’Inflation Reduction Act (IRA), en 2022.

Ce dernier vise à consacrer 369 milliards de dollars sur 10 ans à la transition écologique. Il prévoit des mesures fiscales et des subventions pour inciter à produire et à consommer américain. 

Face à une crise annoncée de la compétitivité, les États européens doivent trouver des solutions pour retenir et financer les entreprises sur leur territoire. L’UMC apparaît donc comme l’arme ultime.

Un système financier fragmenté

Le système financier européen reste fragmenté et soumis à une législation disparate qui empêche les capitaux de circuler librement. Les investisseurs préfèrent se tourner vers des actifs qu’ils maîtrisent plutôt que de se hasarder sur les marchés transfrontaliers, et ce, afin de limiter leurs risques et leurs frais. 

Sans une harmonisation et un assouplissement réglementaires à l’échelle européenne, difficile d’envisager l’Union des marchés de capitaux. Et dans un tel contexte, difficile aussi d’éviter une fuite des entreprises innovantes, en quête d’un financement à la hauteur de leurs ambitions, vers les États-Unis.

De plus, les 27 ne sont pas tous d’accord. Le Luxembourg ou l’Irlande, par exemple, ne sont pas favorables à l’UMC tandis que la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et les Pays-Bas souhaiteraient poursuivre le projet en comité restreint. 

La mobilisation et la libération des capitaux privés des Européens

Comme on mobilise les troupes en temps de guerre, il faudrait mobiliser les capitaux présents sur les comptes bancaires des Européens pour sauver notre économie vacillante. 

Pour Charles Michel, président du Conseil européen, sur les 35 000 milliards d’euros « d’épargne dormante », il faudrait en libérer 9 000 milliards.

Selon le rapport présenté par Christian Noyer, il conviendrait de créer des produits d’épargne à long terme à destination des ménages, couplés à une fiscalité attractive, pour disposer de suffisamment de liquidités et financer l’économie.

Mais les épargnants sont-ils prêts à accepter une telle orientation de leurs ressources et à s’exposer aux risques financiers ? Rien n’est moins sûr, car contrairement à la population américaine, les Européens seraient plus enclins à choisir des placements sécurisés.

Le développement du marché de la titrisation

La mobilisation de l’épargne n’est pas la seule mesure préconisée par le rapport de Christian Noyer. Il propose d’avoir recours à la titrisation pour compléter le financement des banques.

Pour rappel, la titrisation consiste à transformer des actifs peu liquides, comme les créances bancaires, en titres négociables sur un marché.

Dans les Dessous du Cash, Tom Benoit nous alerte sur cette forme de création monétaire qui échappe au régulateur et appartient à un système parallèle qualifié de shadow banking ou de finance de l’ombre. Lors de la crise des subprimes de 2008, la titrisation avait d’ailleurs été mise en cause.

L’Union des marchés de capitaux soulève de nombreuses interrogations quant à l’emploi et à la sécurité de l’épargne des Européens en général et des Français en particulier. Comme toujours en période d’incertitudes, mieux vaut diversifier ses placements pour protéger son patrimoine. 

L’investissement dans l’or permet justement d’équilibrer un portefeuille d’actifs et de se soustraire au système financier classique.

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Tom Benoit
Tom Benoit, entrepreneur et essayiste, dirige la rédaction de Géostratégie magazine. Ses analyses économiques portent particulièrement sur l'activité des banques centrales et sur le système monétaire. En 2015, il crée une agence immobilière qu'il gère durant quatre années avant de la revendre. Jusqu'en 2023, il intervient régulièrement dans une école privée à Aix-en-Provence pour animer des modules d'économie de l'immobilier. En 2022, il est appelé par Michel Hunault pour apporter une expertise auprès de l'Autorité monégasque de sécurité financière de Monaco (Siccfin) sur l'influence des crypto-actifs dans la finance traditionnelle. Aujourd'hui Tom exerce essentiellement des activités de conseil pour des entreprises privées. Par ailleurs, il intervient régulièrement dans différents médias, notamment sur CNews ou encore sur TV5Monde dont l'émission politique est partenaire de Géostratégie magazine.

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