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La dette publique est un sujet dont tout le monde parle depuis quelque temps, mais dont peu de gens maîtrisent les subtilités. À commencer par les raisons qui expliquent cette dette. Par conséquent, un petit rappel s’impose.

À quoi correspond exactement la dette publique

Quand on va sur le site du ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique (oui, oui, tout ça !), on peut lire que “la dette publique correspond à l’ensemble des emprunts publics contractés par l’État, la Sécurité sociale, les divers organismes d’administration centrale et les collectivités territoriales.” C’est bien, mais une fois qu’on a dit tout ça, on n’a pas dit grand-chose en réalité.

Plus concrètement, comme l’État a besoin d’argent pour financer les services publics, payer les retraites ou encore verser les prestations sociales aux Français qui peuvent en bénéficier, mais que l’argent collecté par le biais des impôts ne suffit pas, alors il doit emprunter ce qui lui manque. Et visiblement, il lui en manque de plus en plus, année après année (144,4 milliards de déficit public pour 2024).

Quelle est la dette de la France en 2024 ?

Normalement, ça ne devrait pas, mais depuis 1974, le budget de l’État est systématiquement dans le rouge. Et non seulement, il faut combler ce déficit public qui ne cesse de grossir chaque année, mais il faut aussi payer les intérêts des emprunts contractés les années précédentes pour les mêmes raisons. En 2024, le besoin prévisionnel de financement de l’État, c’est-à-dire le montant que la France devra emprunter, atteindra ainsi 295,8 milliards d’euros.

Au total, la dette cumulée représente aujourd’hui 3159,7 milliards d’euros. Soit un peu plus que la richesse produite par le pays en une année (le fameux PIB). Mais comment en est-on arrivé là ?

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La dette publique française : 45 ans de fuite en avant

Jusqu’à la fin des années 1970, la dette de la France était à la fois relativement modérée et stable, autour de 20% du PIB. Mais suite aux différents chocs pétroliers de 1973 et 1979, la France a dû, dès 1980, et comme beaucoup d’autres pays, augmenter progressivement ses dépenses publiques pour soutenir l’économie, ce qui a conduit à creuser le déficit budgétaire.

Comme si cela ne suffisait pas, dès les premières années de son premier mandat présidentiel, François Mitterrand a chargé son gouvernement de mettre en œuvre des politiques économiques expansives, incluant des nationalisations et des programmes sociaux coûteux, financés en grande partie par l’emprunt. Cette période a marqué le début d’une augmentation rapide de la dette publique, qui est passée de 20% du PIB lors des élections de 1981 à plus de 30% en 1985 et 55.5% dix ans plus tard.

Certes, les années 1990 et 2000 ont été marquées par des tentatives de maîtrise des finances publiques, notamment sous la pression des critères de Maastricht pour l’intégration à l’Union économique et monétaire européenne. Cependant, malgré ces efforts, la dette a continué de croître, atteignant 60% du PIB au début des années 2000. Dès lors, le déficit budgétaire structurel, persistant même en période de croissance économique, était devenu un problème chronique.

À partir de là, les crises se sont succédé (éclatement de la bulle Internet en 2001-2002, lutte accrue contre le terrorisme à partir de 2001, crise des subprimes en 2008, crise des dettes souveraines de la zone euro entre 2010 et 2012, pandémie de Covid-19 en 2020, crise énergétique mondiale entre 2021 et 2022, pour ne citer que les plus importantes), avec à chaque fois la nécessité pour l’État d’intervenir massivement pour stabiliser le système financier et soutenir l’économie. Et par “intervenir”, il faut comprendre “mettre la main à la poche”.

Une maîtrise de la dette devenue impossible

Dans ces conditions, non seulement les quelques réformes qui ont été tentées pour limiter les dépenses publiques se sont soldées par des échecs, mais la dette n’a fait que croître à vitesse grand V, atteignant 64% du PIB en 2007, puis 85% en 2011, 98% en 2019, avant finalement d’exploser à 115% en 2020, en pleine pandémie mondiale.

Alors oui, bien sûr qu’il fallait répondre à l’urgence chaque fois, et c’est clair qu’on aurait reproché aux différents gouvernements de ces 24 dernières années de ne pas être intervenus lorsque la situation l’imposait. Mais lorsque l’on parle de défaut de maîtrise des finances publiques, il s’agit de la difficulté de l’État à ordonner des réformes pour limiter certaines dépenses structurelles croissantes, comme les dépenses sociales et de santé par exemple. Combinée à une certaine inefficacité administrative, cette relative inaction face à des groupes de pression puissants, tels que les syndicats et divers mouvements populaires, a finalement conduit l’État à laisser filer la dette plutôt que de prendre le risque de voir le pays s’embraser en partant de la rue.

En clair, beaucoup de ceux qui crient à l’incurie de l’État en matière de dette publique sont justement ceux à cause de qui la dette n’a jamais pu être endiguée.

Quid du “train de vie fastueux” des plus hauts responsables de l’État ?

Enfin, on entend souvent dire que si la France est endettée, c’est parce que le gouvernement et les parlementaires coûtent “un pognon de dingue”.

Dans les faits, les dépenses de l’État, qu’elles soient financées par l’impôt ou par la dette, se répartissent de la manière suivante : 

  • Dépenses sociales (55%) : remboursements de Sécurité sociale, retraites, allocations chômage, prestations familiales, etc.
  • Dépenses de fonctionnement (27%) : salaires des fonctionnaires, frais de fonctionnement des administrations publiques, des ministères, de l’Élysée, du Parlement, etc. 
  • Service de la dette (13%) : paiement des intérêts sur la dette publique et remboursement des emprunts arrivés à échéance.
  • Investissements publics (5%) : dépenses en infrastructures (transports, énergies, etc.), éducation, recherche, défense.

On peut déjà voir que la majorité des dépenses (dépenses sociales et investissements publics), soit 60%, est constituée de services et de prestations à destination des citoyens.

Quant à ce que coûtent les députés, les ministres et le Président de la République, ainsi que le “train de vie fastueux” qu’on les accuse de mener (à tort ou à raison) et qui expliquerait le déficit budgétaire, ils sont plutôt à rechercher dans les dépenses de fonctionnement. Or 75% de ces dépenses, soit 44 milliards d’euros en 2023, sont consacrés aux salaires des fonctionnaires ainsi qu’aux pensions des retraités de la fonction publique. 

Pour cette même année 2023 : 

  • le fonctionnement courant de l’ensemble des ministères (frais de bureau, énergie, maintenance des infrastructures, équipements informatiques) a coûté environ 6 milliards d’euros ; 
  • les frais liés aux déplacements professionnels des ministres et des agents publics, ainsi que les missions officielles, ont représenté 500 millions d’euros ;
  • les dépenses de la présidence de la République se sont élevées à 170 millions d’euros, incluant les salaires du personnel (110 millions), les déplacements, dépenses protocolaires et entretien des résidences présidentielles (40 millions) ainsi que la sécurité et le maintien des infrastructures officielles de la Présidence, y compris la personne du Président (20 millions) ;
  • enfin, le coût du Parlement, Assemblée Nationale et Sénat confondus, se monte à 880 millions d’euros tout compris (salaires des parlementaires et des personnels administratifs, entretien des bâtiments, déplacements et subventions distribuées par les députés ou les sénateurs).

Ainsi, au total, si on décidait d’imposer une certaine austérité aux représentants de l’État ainsi qu’aux membres de l’Exécutif, et par exemple de rogner sur leurs rémunérations, leurs déplacements ou encore les services et facilités mis à leur disposition, on pourrait au mieux économiser quelques centaines de millions d’euros chaque année.

Contre plus de 3000 milliards de dette publique.

Il y a donc peu de chances que cela change quoi que ce soit à l’endettement du pays. 

Et c’est probablement la raison pour laquelle, quand les institutions européennes ou même la Cour des Comptes demandent à la France de maîtriser ses dépenses publiques, elles parlent de ce qui coûte vraiment le plus cher à l’État. 

À savoir les dépenses sociales pour lesquelles des réformes sont indispensables, mais impossibles à mener.

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Bruno Gonzalvez
Auteur et consultant depuis plus de vingt ans dans le domaine de la communication stratégique, il a plusieurs fois travaillé pour le compte d'entreprises financières dont il décrypte aujourd'hui les coulisses et les mécanismes économiques de base à l'intention du plus grand nombre.

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