Découvrir un trésor dans une vieille maison, enterré dans un jardin ou dans un champ ? Voilà qui a de quoi faire rêver. Et cela arrive aussi : les sites d’actualités se font régulièrement l’écho de découvertes de pièces d’or ou de pièces d’argent. Ainsi, la découverte d’un trésor en pièces d’or dans le Finistère vient d’être dévoilée au grand public. Mais si cela a de quoi faire rêver, la question peut toujours se poser : que dit la loi si vous découvrez un trésor ? A qui appartiennent les pièces d’or, d’argent ou les bijoux que vous trouvez ? Explications.
A qui appartient un trésor après sa découverte ?
Trésors et patrimoine : la loi a changé depuis 2016
Retour, d’abord, sur l’histoire de ce trésor breton qui a fait l’actualité ces dernières semaines. La découverte est notable : il s’agit de pièces en or frappées sous Louis XIII et Louis XIV, découvertes à l’occasion d’une rénovation. Ce sont trois artisans qui ont trouvé la « boîte en métal remplie de pièces d’or », raconte ainsi France 3. Au total, 239 pièces ont été trouvées en deux lots.
La découverte date de 2019, mais elle n’a été rendue publique que récemment, à l’occasion de la vente aux enchères des pièces. Car certaines sont très rares, et leur valeur est toute aussi importante d’un point de vue historique et archéologique. France 3 cite ainsi un « double Louis d’or à mèche longue de 1646 », une pièce extrêmement rare qui sera mise en vente fin septembre 2021.
Mais alors, dans quelle escarcelle iront les euros de cette vente ? Depuis 2016, la loi a en effet changé. Elle intègre la valeur archéologique de la découverte. Cette loi du 7 juillet 2016, relative « à la liberté de la création, de l’architecture et du patrimoine », donne la primeur à l’Etat. Autrement dit, le patrimoine archéologique appartient entièrement à l’Etat.
Heureusement pour les Bretons, c’est la date d’acquisition de la maison (2012) qui tient lieu de référence : rien ne change et le fruit de la vente est partagé à moitié pour les propriétaires, et à moitié pour les artisans.
Un trésor appartient-il à celui qui le découvre ?
Cette découverte bretonne permet de répondre une nouvelle fois à la question : non, un trésor n’appartient pas uniquement à celui qui le découvre. L’article 716 du Code Civil prévoit déjà que « la propriété d’un trésor appartient à celui qui le trouve dans son propre fonds ; si le trésor est trouvé dans le fonds d’autrui, il appartient pour moitié à celui qui l’a découvert, et pour l’autre moitié au propriétaire du fonds ».
A cela, il faut ajouter la nouvelle loi du 7 juillet 2016. Dans le cas d’une découverte qui présente une certaine valeur historique ou archéologique, l’Etat peut en garder la primeur, même si cela implique une négociation d’indemnités pour éviter que des trésors ne soient cachés.
Que dit la législation quand on trouve un trésor ?
L’article 716 du Code Civil définit le trésor comme « toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété, et qui est découverte par le pur effet du hasard ».
Le Code précise également que « la propriété d’un trésor appartient à celui qui le trouve dans son propre fonds ; si le trésor est trouvé dans le fonds d’autrui, il appartient pour moitié à celui qui l’a découvert, et pour l’autre moitié au propriétaire du fonds ».
La loi du 27 septembre 1941 encadre la réglementation des fouilles archéologiques.
Titre III Article 14 :
« Lorsque par suite de travaux de travaux ou d’un fait quelconque, des monuments, des ruines, substructions, mosaïques, éléments de canalisation antique, vestiges d’habitation ou de sépulture anciennes, des inscriptions ou généralement des objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art, l’archéologie ou la numismatique sont mis à jour, l’inventeur de ces vestiges ou objets et le propriétaire de l’immeuble où ils ont été découverts sont tenus d’en faire la déclaration immédiate au maire de la commune, qui doit la transmettre sans délai au préfet. Celui-ci avise le secrétaire général des beaux-arts ou son représentant.
Si des objets trouvés ont été mis en garde chez un tiers, celui-ci doit faire la même déclaration.
(…) Le préfet de région peut faire visiter les lieux où les découvertes ont été effectuées ainsi que les locaux où les objets ont été déposés et prescrire toutes mesures utiles pour leur conservation ».
Gare aux sanctions en cas de non déclaration
Titre IV
Article 19 : « Quiconque aura enfreint l’obligation de déclaration prévue à l’article 14 ou fait une fausse déclaration sera puni d’une amende de 500 à 15.000 francs ».
Art. 20 : « Quiconque aura fait des fouilles en infraction aux dispositions des articles 1er, 3, 6 et 15 sera puni d’une amende de 1.000 à 50.000 francs ».
Article 21 : « Quiconque aura sciemment aliéné ou acquis tous objets découverts en violation des articles 1er, 3, 6 et 15 ou dissimulés en violation des articles 3 et 14 sera puni d’un emprisonnement d’un mois à deux ans et d’une amende de 500 francs à 30.000 francs (….) ».
La prospection : une règlementation contraignante
Si l’envie vous prend de partir vous-même à la recherche de trésors perdus, sachez qu’une réglementation est également en vigueur concernant le propriétaire de ce trésor.
La loi française considère que toute personne à la recherche de métaux, or, cuivre, argent, sans autorisation préfectorale est en infraction. Dans les faits, l’application de la loi est plus souple puisque beaucoup de prospecteurs n’ont pas cette autorisation. En revanche, le chercheur qui trouve un trésor ne pourra pas récupérer la moitié de la valeur du butin, car il n’est pas l’inventeur du trésor (Sources : https://www.detecteur-de-metaux.com).
La loi N° 89-900 du 18 décembre 1989 relative à l’utilisation des détecteurs de métaux précise :
Article 1 : « Nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d’objets métalliques, à l’effet de recherches de monuments et d’objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche ».
Article 2 : « Toute publicité ou notice d’utilisation concernant les détecteurs de métaux doit comporter le rappel de l’interdiction mentionnée à l’article 1er de la présente loi, les sanctions pénales encourues, ainsi que les motifs de cette réglementation ».
Le Décret N° 91-787 en date du 19 août 1991 est venu renforcer la loi du 18 décembre 1989.
Article 1 : « L’autorisation d’utiliser du matériel permettant la détection d’objets métalliques, prévue à l’article 1er de la loi du 18 novembre 1989, est accordée, sur demande de l’intéressé, par arrêté du préfet de région dans laquelle est situé le terrain à prospecter. La demande d’autorisation précise l’identité, les compétences et l’expérience de son auteur, ainsi que la localisation, l’objectif scientifique et la durée des prospections à entreprendre. Lorsque les prospections doivent être effectuées sur un terrain n’appartenant pas à l’auteur de la demande, ce dernier doit joindre à son dossier Le consentement écrit du propriétaire du terrain et, s’il y a lieu, celui de tout autre ayant droit. L’arrêté accordant l’autorisation fixe les conditions selon lesquelles les prospections devront être conduites. Lorsque le titulaire d’une autorisation ne respecte pas les prescriptions, le préfet de région prononce le retrait de l’autorisation ».
Bref, la personne à l’origine de la découverte d’un coffre plein de pièces d’or n’est pas prête à en être propriétaire ! A moins de contourner la loi, ou avec une prise de risque zéro, d’acheter ses pièces d’or chez un numismate, à la banque ou sur un site sécurisé.
Trésors et découvertes célèbres
Au large de la Floride, des kilos d’or dans une épave
Pour une famille américaine, habituée des chasses au trésor, c’est la loi de l’Etat de Floride qui s’applique, après la découverte d’un des plus grands trésors du XVIIIe siècle.
Au début du mois de septembre, les plongeurs américains ont découvert au large des côtes de Floride un trésor de pièces et d’objets en or. Un butin incroyable, à seulement cinq mètres de fond et à 140 mètres au large de Fort Pierce : la valeur des objets découverts dépasse 300 000 dollars. Il s’agirait d’une partie de l’or transporté par des navires espagnols qui ont fait naufrage en 1715. Des documents montrent d’ailleurs que l’ensemble des valeurs transportées par ces navires avoisine les 400 millions de dollars. 175 ont déjà été récupérés au fil de diverses chasses aux épaves.
Au regard des lois de l’Etat de Floride, la famille Schmitt devra en tout cas donner un cinquième du butin à l’Etat. Le reste sera partagé entre les plongeurs, et la compagnie de recherche d’épaves avec qui la famille est en contrat.
600 pièces américaines en or et des lingots découverts dans un terrain de l’Eure
« Si le trésor est trouvé dans le fonds d’autrui, il appartient pour moitié à celui qui l’a découvert, et pour l’autre moitié au propriétaire du fonds » : voilà une précision du Code Civil que des ouvriers de l’Eure auraient mieux fait de connaître !
Selon le site Paris-Normandie, des ouvriers qui s’occupaient du terrassement d’un terrain chez un particulier dans l’Eure ont découvert un véritable trésor sous forme de lingots d’or et de pièces. Au total, 16 lingots d’or, et des pièces d’or américaines de 20 dollars de 1924 et 1927, pesant chacune 33 grammes d’or fin. Cachés dans des bocaux, les précieuses pièces et les lingots attendaient vraisemblablement qu’on les retrouve depuis la Seconde guerre mondiale.
La propriétaire du terrain n’en a cependant pas été avertie et les ouvriers sont repartis avec le trésor. C’est une enquête des services du ministère de l’Economie, avec les gendarmes locaux, qui a permis de détecter la fraude : une partie des pièces et lingots avait déjà été revendue par le biais d’un numismate. Les ouvriers ont donc été inculpés pour vol en réunion, et le numismate pour recel de vol en réunion.
C’est finalement grâce à un signalement Tracfin (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins) des services du ministère de l’Economie que les enquêteurs du Groupement de gendarmerie de l’Eure et du Groupe d’intervention régional (GIR) de Haute-Normandie ont pu remonter jusqu’aux auteurs du vol.
Lésée de la trouvaille, la propriétaire n’en verra pas tout de suite la couleur, une procédure judiciaire étant en cours. Mais les ouvriers, eux, restent perdants : non seulement, au regard de la loi, ils auraient pu profiter d’une partie de la valeur de l’or, mais en plus ils seront poursuivis pour vol.
Reste qu’à travers cette découverte d’un véritable trésor caché dans la terre normande, la preuve est encore faite de la valeur de l’or… même après plus de soixante ans dans des bocaux en verre. La valeur totale des lingots et des pièces est estimée à 900 000 euros. Soit beaucoup, beaucoup plus que la valeur d’un tas de billets transformé en poussière…
Un nouveau trésor découvert au large de la Floride
Pêcheurs d’or… La découverte en juin, révélée en juillet, d’un nouveau trésor sous les mers de Floride a de quoi faire rêver. La famille Schmitt et la société 1715 Fleet-Queens Jewels ont mis la main sur un nouveau magot, remonté des flots depuis un galion espagnol du 18e siècle.
La société détient en fait les droits exclusifs d’exploration pour cinq des onze navires de la célèbre « flotte de 1715 ». En juillet 1715, douze navires quittaient Cuba vers l’Espagne, pour rapatrier un immense trésor accumulé dans le Nouveau Monde. Onze de ces douze navires étaient coulés dans une tempête, avec équipages, cargaisons… et trésors. Qui font donc l’objet d’intenses recherches.
Celles menées par la famille Schmitt ont conduit à la découverte de ce trésor en juin. Elles ont permis de remonter des profondeurs 51 monnaies d’or, et plusieurs mètres de chaînes d’or. Elles proviendraient du Capitana, le vaisseau-amiral de la flotte.
Trois siècles plus tard, c’est un petit tas d’or qui a de quoi faire rêver. Mais qui pose néanmoins la question de la légitime propriété. Dans un article du 4 août 2015, le site Sciencesetavenir.fr se demande justement quelle va être la réaction de l’Espagne, qui avait déjà « réussi à contraindre en 2012 une autre société privée, Odyssey, à lui restituer un autre trésor trouvé au large de la Floride . » Selon la législation américaine, l’Etat de Floride peut en effet conserver 20 % du trésor, le reste étant partagé entre la société 1715 Fleet-Queens Jewels et la famille Schmitt.
Et en France, « à qui appartiennent les épaves » ? C’est une autre question soulevée par le site d’information. La réponse n’est pas simple : si une épave est localisée, elle devra être déclarée à la Direction régionale des épaves maritimes (DRAM). Les états sont propriétaires du fond de la mer, du sol et du sous-sol sous-marin dans la mer territoriale et la mer contiguë. Il faut ensuite déterminer s’il s’agit d’un bien culturel ou non.