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Dans cette période de crise sanitaire liée au coronavirus, s’ajoute un risque élevé de crise économique et de crise monétaire. Sur les chaînes d’informations, nous entendons jour après jour des sommes astronomiques débloquées par les états et par les banques centrales du monde entier pour soutenir l’économie et éviter l’effondrement. C’est à coup de milliers de milliards d’euros et de dollars que les banques centrales annoncent soutenir le système économique mondial.  Mais d’où vient tout cet argent ?

L’article original a été publié sur la page Linkedin de Régis Chaperon.

Je vous propose donc d’y voir plus clair sur ce qu’est une monnaie à travers son histoire dans notre pays qu’est la France, les mécanismes financiers permettant l’émission de monnaie, et une petite histoire pour imager la valeur d’une monnaie fiduciaire dans le temps. Qu’est-ce qu’une monnaie ?Selon Aristote et jusqu’à nos jours, une monnaie est un actif qui répond à trois critères précis :

  • Unité de compte. On doit pouvoir tenir une comptabilité en utilisant cette unité.
  • Réserve de valeur. En épargnant cet actif pour le dépenser plus tard, on doit avoir la certitude que cet actif aura conservé sa valeur. Sans cette garantie, économiser serait inutile car nous serions incapables de savoir la valeur de nos économies 5 ans plus tard par exemple. 
  • Instrument d’échange accepté par tous. L’actif doit être accepté par une majorité d’agents économiques en échange d’un produit ou d’un service. 

J’y ajouterai la notion de convention sociale, qui permet de diviser le travail et sert d’intermédiaire d’échange pour une communauté. En effet, lorsque la monnaie n’était pas utilisée, le troc pouvait être difficile pour identifier quelle valeur de travail pouvait égaliser une autre valeur de travail (Combien de valeur de travail pour fabriquer un sabot à échanger contre un cheval adulte ? Et quoi faire de plusieurs paires de sabots pour le vendeur de chevaux ?).

L’or comme monnaie

Dans notre histoire, les métaux précieux ont servi de monnaie pendant plusieurs millénaires. Mais on trouve par exemple une « monnaie de pierre » sur les îles de Yap, constituée de gros disques de pierre pouvant aller jusqu’à 2 mètres de diamètre, trouées en leur centre. 

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L’or, depuis l’Antiquité, en passant par l’époque Romaine, le moyen-âge et la renaissance, l’époque moderne, et jusqu’en 1971 lors de la fin des accords de Bretton Woods, a servi de monnaie et d’étalon monétaire pour la plupart des civilisations humaines. 

Encore aujourd’hui, même après l’abandon de l’étalon or, toutes les banques centrales du monde détiennent en leur coffres fort plusieurs centaines de tonnes (parfois milliers de tonnes) de lingots d’or et continuent d’en acheter chaque année. 

D’où viennent tous ces milliards déversés par les Banques Centrales ?

Plusieurs mécanismes coexistent pour apporter de la monnaie dans un système.  

La dette

A partir de 1993, avec le traité de Maastricht, l’état ne peut plus emprunter auprès de la banque de France. De nombreuses personnes imputent à tort cette interdiction à la loi dite « Pompidou Giscard Rothschild » de 1973, mais c’est bien lors du traité de Maastricht que cette loi sera écrite. A partir de 1993, l’état est donc obligé de passer par les marchés financiers pour financer ses dépenses. Ces empreints génèrent des intérêts à rembourser et donc de la dette. 

Le crédit

Dans notre système monétaire, ce sont les banques commerciales qui ont le droit de créer de la monnaie « ex nihilo » (à partir de rien). Tout repose sur la « réserve fractionnaire ». Ne partez pas tout de suite, c’est très simple. Lorsque vous déposez 1000€ sur votre compte bancaire, cet argent ne vous appartient plus. Il devient propriété de la banque et vous avez un titre de créance.  

C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons tous sur nos comptes courants un plafond de retrait, et un plafond de paiement glissant sur 30 jours. Votre banque, devenue propriétaire de votre argent lorsque vous lui avez confié, s’autorise à limiter votre accès à vos fonds par contrat (les petites lignes en bas de votre contrat que vous n’avez pas lues).

Une banque commerciale n’est tenue de conserver qu’une partie des dépôts et peut prêter le reste. En général cette partie à conserver est de l’ordre de 10%. C’est la réserve fractionnaire. Sur vos 1000€, elle va conserver 100€, et pouvoir prêter 900€ à votre voisin Paul. Paul dépose ces 900€ à sa banque qui du coup va pouvoir prêter 810€ à Jacques (900€ de dépôt, moins 90€ de réserve), qui a son tour va déposer cet argent à sa banque qui a son tour va pouvoir prêter 729€ à Gustave (810€ – 81€ de réserve), etc. Votre dépôt de 1000€ aura donc « créé à partir de rien » la somme totale de 900 + 810 + 729 = 2 439€ de monnaie supplémentaire. Imaginez maintenant la quantité de monnaie créée à partir de ces réserves fractionnaires sachant qu’en 2019, l’épargne des français était estimée à plus de 5000 milliards d’euros…

La création monétaire

Autrefois réservée à la banque de France, la création monétaire par l’impression de monnaie est aujourd’hui réservée aux banques centrales et dans notre cas à la BCE (Banque Centrale Européenne). Les « Quantitative Easing » (ou QE) mis en œuvre par les banques centrales lors de la crise de 2008 consistaient à injecter de la monnaie « ex nihilo » (autrement appelé « la planche à billets ») dans les marchés financiers par l’achat d’actifs obligataires ou boursiers. Par ce système, les bilans des banques centrales ont largement augmentés dans les années qui suivirent, sans pour autant déclencher d’inflation des prix pour les citoyens, au profit d’une bulle boursière. En effet, les sommes injectées n’ont jamais atteint l’économie réelle, n’influant donc pas sur l’inflation par l’augmentation de la masse monétaire en circulation. 

Histoire courte de la monnaie Française 

L’Ecu

Jusqu’en 1263, au moyen-âge, la monnaie ayant cours dans le royaume de France est la livre tournois. Mais Louis IV réforme le système monétaire du royaume et fait frapper le denier d’or à l’écu, d’un poids moyen de 4,04 grammes d’or, la première émission d’or depuis plus de 250 ans, dont le nom fut abrégé en écu

Le Franc à cheval 

En 1360, le roi Jean II le bon, prisonnier des anglais, fait frapper le premier franc français, monnaie d’or à 24 carats pesant 3,88 grammes, émise pour financer sa rançon. Bien que le nom « franc » signifie « libre », il est plus probable que le nom de la monnaie vienne tout simplement de l’inscription Francorum Rex gravée sur la pièce. Le franc fut émis à la valeur d’une livre tournois, et le mot franc devint vite synonyme de livre.

Le Franc à pied

À la suite du succès rencontré par un premier franc or, le franc à cheval, frappé sous le règne du roi Jean II le Bon, son fils et successeur Charles V va également faire frapper un franc or en 1365, cette devise est remplacée par le franc d’argent en 1575 sous le règne d’Henri III de France.

Le Louis d’or

louis d'or

En 1640 sous Louis XIII, la mécanisation de la frappe monétaire des métaux précieux en France donna naissance au louis d’or frappé au balancier. Il y a trois sortes de pièces : le louis, le double louis et le quadruple louis. Le louis d’or, valant 10 livres tournois, avec un diamètre de 25 mm et un poids de 5 deniers et 6 grains, soit 6,75 g d’or.

Le Franc germinal et le Napoléon

Fruit de la révolution Française, par la loi du 7 germinal an XI du calendrier Républicain (27 mars 1803), le Premier Consul, Napoléon Bonaparte, fixe la valeur du franc et lui donne une base stable. La loi du 7 germinal définit la pièce de 1 Franc par «5 grammes d’argent au titre de neuf dixièmes de fin»(autrement dit, elle contient 4,5 grammes d’argent pur).

20 francs or napoleon étalon or

L’or, plus rare, est réservé aux pièces de grande valeur. C’est ainsi qu’est créée une pièce en or de 20 francs, d’un poids de 6,45 grammes, dont 5,801 grammes d’or fin, joliment nommée… Napoléon. La parité entre l’or et l’argent est ainsi fixée par la loi de manière irréfutable à 1 unité d’or pour 15,5 unités d’argent. Il sera à l’origine de la pacifique Union latine instaurée en 1865 par Napoléon III, neveu du précédent. Mais il sera mis à rude épreuve suite à l’enchérissement de l’argent par rapport à l’or, avec l’arrivée en Europe de grandes quantités d’or, suite aux découvertes de Californie, de Sibérie ou encore d’Australie et d’Afrique du sud. Mais la France n’en arrivera pas moins à maintenir la stabilité du franc germinal jusqu’en 1914.

Le Franc Poincaré

Le 25 juin 1928, le gouvernement français dévalue le franc des 4/5e de sa valeur. La monnaie nationale ne vaut plus que le cinquième de la contrepartie en or du franc d’avant 1914, le franc Germinal, créé par Napoléon Bonaparte un siècle plus tôt. Les pièces d’or et d’argent valent donc plus en poids de métal précieux que leur valeur affichée sur leur face. Les pièces sont donc retirées de la circulation (démonétisées) par thésaurisation. 

Pas dupes, les Français surnommeront « le franc à quatre sous » (en opposition au franc à vingt sous) cette nouvelle monnaie née dans des conditions de crise économique mais qui aura pour effet de donner un véritable coup de fouet à l’économie… tout en laminant le pouvoir d’achat des rentiers.

Le Franc Pinay, le nouveau Franc

5 francs 1960 prix

De 1928 à 1958, après plusieurs autres dévaluations, le franc ne vaut plus que 1,8 Mg d’or, soit 33 fois moins que le franc Poincaré. La crise de 1958 a ramené le général de Gaulle au pouvoir. Début juin, celui-ci forme un gouvernement d’union nationale et se consacre à une tâche de stabilisation.

De Gaulle décide de procéder à une nouvelle dévaluation (17,55 %) et annonce la création d’un « franc lourd » qu’il confie à son ministre des Finances, Antoine Pinay, et à l’économiste Jacques Rueff. Le « nouveau franc » est mis en circulation dix-huit mois plus tard : il vaut 100 anciens francs. Au cours du XXe siècle, le franc français a connu dix-sept dévaluations dont la plupart au cours des années 1950. La dernière eut lieu en 1986. Les dévaluations des années 1980 ont été effectuées par rapport au mark allemand, considéré comme un modèle de stabilité monétaire.

L’Euro 

euro pièces de monnaie souveraineté nationale

Le 31 décembre 1998, à la veille du lancement de l’euro, prévu par le traité de Maastricht, les taux de conversion définitifs sont dévoilés en grande pompe à Bruxelles: il faudra 1,95583 deutschemarks allemand, 6,55957 francs français ou encore 1.936,27 lires italiennes pour un euro. 

Deux dates qui ont changé le monde

1944

En juillet 1944, au Mount Washington Hôtel, se tiennent des conférences où sont signés des accords pour mettre en place une organisation monétaire mondiale et favoriser la reconstruction et le développement économique des pays touchés par la guerre. C’est lors de ces accords que sera créé, entre autres, le Fond Monétaire International (FMI). Pour la plupart des pays en ruine, le retour à l’étalon or est impossible. Les représentants des États créent un Gold-Exchange Standard fondé sur une seule monnaie, le dollar américain : toutes les monnaies sont définies en dollar et seul le dollar est adossé sur l’or. Le dollar devient ce jour-là la monnaie de référence internationale sur la base de 35 dollars américains l’once d’or. Les différentes monnaies nationales (autres que le dollar américain) ont un taux de change fixe mais ajustable en cas de besoin sous réserve de l’accord des partenaires.

Aucun contrôle n’ayant été instauré par les accords de Bretton Woods sur la quantité de dollars américains émis, les États-Unis ont la possibilité de ne pas respecter leurs engagements et de faire déraper le rapport entre la masse monétaire en dollars et la quantité d’or détenue, biaisant la valeur de référence de 35$ pour 1 once d’or.  

1971

Le 18 décembre 1971, la conférence de Washington au Smithsonian Institute signe la fin du système monétaire international défini en 1944 à Bretton Woods. Cette conférence prévoit l’inconvertibilité or du dollar (qui dans les faits n’existait plus que pour les banques centrales depuis 1968) et la dévaluation de la monnaie américaine de 7,89%, ce qui fait passer l’once d’or de 35 à 38 dollars. Il passe aussi par la réévaluation de plusieurs monnaies étrangères par rapport au dollar. C’est notamment le cas du yen (+16,88%) ; du deutsche mark (+13,57%) et du franc belge (+11,57%). A partir de 1957, le système se désagrège peu à peu du fait des poussées inflationnistes aux Etats-Unis qui entraînent une perte de confiance dans le dollar. A la fin des années 60, le dollar fluctue énormément, mouvements que les banques centrales ne parviennent plus à arrêter. La guerre du Viêt-Nam et la course à l’espace dans un contexte de guerre froide avec l’URSS fini de faire exploser l’impression monétaire du dollar au point où il était devenu impossible pour les Etats-Unis de maintenir la convertibilité du dollar en or.

Techniquement, c’est la République fédérale d’Allemagne, très sensible en matière d’inflation, qui met fin aux accords de Bretton Woods en cessant de mettre en œuvre ses dispositions. Les demandes de remboursements des dollars excédentaires en or commencent. Les États-Unis ne veulent pas voir disparaître leur encaisse-or. Ils suspendent la convertibilité du dollar en or le 15 août 1971. Le système des taux de change fixes s’écroule définitivement en mars 1973 avec l’adoption du régime de changes flottants.

A partir de cette date, les monnaies fluctuent entres-elles selon le principe de l’offre et la demande. Chaque jour, les cours des monnaies s’ajustent les unes par rapport aux autres sans référence fixe. C’est un univers de papier. Et c’est là à mes yeux le principal problème.

Si toutes les monnaies tendent vers zéro en même temps et à la même vitesse, le taux de change flottant reste sensiblement le même, tandis que la valeur s’effondre. C’est un peu comme l’expérience mentale sur l’apesanteur : Il n’y aura aucune différence pour un observateur placé dans un ascenseur à l’arrêt sur terre, et le même observateur dans un ascenseur placé dans le vide absolu ayant une accélération constante. Sans point de référence, l’observation est la même : il ne se passe rien. La seule référence qui subsiste, pour peu qu’on la considère comme telle, reste comme depuis des millénaires l’or.

Mais soyons clairs, l’or pourrait valoir 1 Million de dollars ou d’euros que vous n’en seriez pas riche pour autant. Le pouvoir d’achat de l’or reste le même dans le temps, comme nous avons pu le voir par des exemples dans un article précédent. Si l’once d’or valait 1 million de dollars, alors cela signifie qu’il vous faudra plusieurs milliers de dollars pour acheter votre baguette de pain.

Ce n’est pas l’or qui augmente. C’est la monnaie dans laquelle on l’exprime qui baisse.

Conclusion

Comme nous avons pu le voir, la monnaie fiduciaire (monnaie papier) repose avant tout sur un seul pilier essentiel : la confiance des peuples. Si la confiance envers une monnaie s’effondre, alors sa valeur s’effondrera aussi. Mais bien d’autres paramètres viennent impacter la valeur d’une monnaie, comme sa masse monétaire (la quantité de monnaie en circulation), son taux de change sur les marchés, la stabilité économique du pays, la vélocité de la monnaie pour créer de la richesse, le taux obligataire du pays, etc.

Rien n’interdit de penser qu’après l’impression monétaire mondiale et massive pour faire face à cette crise les états soient si endettés et que les banques centrales aient tant imprimé pour soutenir l’économie réelle, le système entier fasse un reset total. Un reset des dettes qui ne seront jamais remboursées, un reset des monnaies avec pourquoi pas une nouvelle monnaie mondiale, ou un retour à des monnaies nationales en Europe, ou encore la naissance de monnaies cryptographiques d’état, permettant une traçabilité totale de nos dépenses et revenus, optimisant la taxation des citoyens pour prélever l’impôt.

Tout est possible. Mais une chose est sûre : Le monde changera après cette pandémie. Il y sera contraint, par un choc de simplification de nos sociétés, par une déconnexion totale du système financier de l’économie réelle, et par la volonté des peuples qui souhaiteront, comme à la fin de la première guerre mondiale : « Plus jamais ça ! ».

Prenez soin de vous.

Régis Chaperon

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Régis Chaperon
Consultant en organisation et gestion de projet. Expert en maîtrise des risques

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