La série Guyane, qui a pour cadre le monde de l’orpaillage illégal dans ce territoire français, revient en cette fin du mois de septembre sur Canal+. Et on se demande si les producteurs de la série ne sont pas investisseurs dans le projet « Montagne d’Or ». Parce que sur le coup, en terme de teasing, on ne pouvait pas mieux faire : les conclusions de la Commission Nationale du Débat Public sur ce projet d’exploitation de mine aurifère au sud de St-Laurent du Maroni (à 50km du village le plus proche) sortent au début du mois de septembre ; le nouveau ministre de l’environnement, à peine nommé, en parle dans sa première déclaration. On ne voudrait pas spoiler mais si le jeune stagiaire aventurier de Guyane devient directeur de la mine Montagne d’Or à la fin de la saison 2 il ne faudra pas « avoir l’air surpris » (Itinéraire d’un enfant gâté).
L’exploitation maîtrisée d’une mine d’or contre l’orpaillage illégal ?
Grâce à l’obligation de transparence du débat public, on dispose de nombreux documents sur ce projet de Montagne d’or. Notamment le document de « communication » au public du maître d’œuvre, la Compagnie minière Montagne d’Or (CMO) est publié, on trouve donc tous les arguments de l’entreprise. (On trouve aussi tous ceux des opposants, nous en parlerons plus tard.)
Ce qu’il y a d’intéressant dans cet argumentaire c’est qu’il est vraiment dans l’ambiance de la série Guyane. En effet, le territoire qui s’étend le long de la frontière du Suriname et aussi un peu plus à l’ouest où se trouve la Montagne d’or est le théâtre d’extractions illégales.
C’est le règne des orpailleurs, de la violence et de la pollution au mercure. Bienvenue dans la série Guyane : ses aventuriers, ses tueurs et ses explosions mais donc aussi dans la vraie vie.
On peut ainsi lire dans ce rapport :
D’après certaines estimations, la production illégale d’or serait de 5 à 10 tonnes par an, pour plus de 6 500 orpailleurs, d’après la Préfecture. Ces derniers, généralement originaires du Brésil et du Suriname voisins, travaillent sur de nombreux chantiers illégaux de taille variable. L’activité minière illégale est donc nettement plus représentée que l’activité minière légale. Ainsi, la Guyane ne bénéficie pas à sa juste valeur des richesses extraites de son sous-sol, notamment en matière de fiscalité et d’emplois. Pire, les impacts de l’orpaillage illégal sont particulièrement néfastes en termes environnementaux, humains et économiques. Les techniques utilisées sont rudimentaires (traitement au mercure à même le sol, alors que l’usage du mercure pour amalgamer l’or est interdit depuis 2006 en Guyane) et détruisent irrémédiablement l’environnement : destruction de la forêt, altération et pollution des cours d’eau, contamination des sols, etc.
Le projet de mine Montagne d’Or est à l’inverse un projet industriel qui répondra selon ses promoteurs à toutes les normes y compris européennes puisque qu’on vous le rappelle, nous sommes en France et donc il s’agit d’une frontière européenne…avec le Suriname.
Les actionnaires sont connus dans le monde de l’extraction d’or. Il s’agit d’une société russe NordGold dont le siège est à Londres, elle produit dans le monde 25 tonnes d’or. Deuxième actionnaire, canadien, Colombus Gold, spécialisée dans l’exploration et le développement de projets miniers aux Etats-Unis et en Guyane. Elle représente une capitalisation boursière de 50 millions de dollars.
La Montagne d’Or aurait un potentiel de 85 tonnes d’or
Ce projet est l’aboutissement d’un long chemin avec des explorations et des premières exploitations dans les années 80 qui n’ont pas donné les résultats escomptés. Mais de nouveaux carottages ont eu lieu et là, en revanche, un potentiel important d’or a été révélé. Selon les géologues de CMO, il y aurait dans la « Montagne » un potentiel de 85 tonnes d’or qui pourrait être extrait au rythme de 6,7 tonnes de minerai par an pendant 12 ans. Avec son exploitation déclarée, CMO considère qu’elle va apporter beaucoup à la Guyane : des emplois (700), des impôts, de l’activité.
Pour extraire ce minerai, une usine tournera 7/7 et 24h/24 sur le site. C’est une mine à ciel ouvert. Le minerai extrait est réduit en poudre après plusieurs concassages et broyages. Ce qui pose le plus problème aux opposants du projet c’est le projet de récupération de l’or.
La cyanuration est une technique de lixiviation des métaux, faisant partie des processus de traitement de récupération de l’or, utilisée actuellement dans le monde entier par les opérateurs miniers industriels, depuis plus d’une centaine d’années, notamment en Suède où se trouvent les plus grandes installations de cyanuration d’Europe.
La crainte, c’est bien sûr que les déchets de cyanure s’échappent et polluent l’environnement. En janvier 2000, une digue de l’exploitation proche de la ville de Baia Mare en Roumanie cède. 100 000m2 d’eau contenant du cyanure et autres métaux lourds se déversent dans les rivières, nappes environnantes jusqu’à polluer le Danube et la Mer Noire. Selon une ONG Allemande, plus de 25 ruptures de digues ont eu lieu depuis cet épisode. D’autres associations écologistes rappellent que la Montagne d’Or est proche de réserves biologiques « intégrales ».
L’autre réserve des opposants c’est la déforestation. Les porteurs du projet insistent sur l’organisation ramassée du site industriel. Le projet porte sur 800 ha avec une nécessité de déboiser environ 400 ha de forêt primaire. Et le site sera réhabilité après l’exploitation, l’entreprise s’y est engagée.
Le déboisement lié au cours de l’or.
Des chercheurs du CIRAD (recherche agronomique, du CNRS, de l’université de Guyane ont réussi à lier le cours de l’or et la déforestation. A l’aide d’observation d’images satellite et de recoupement avec les cours de l’once
Camille Dezécache, doctorant de l’Université de Guyane et premier auteur de cette recherche affirme :
Lorsque le cours de l’or était en deçà de 400$ l’once, voici une quinzaine d’années, environ 2000 hectares (ha) de forêts étaient annuellement déforestés par l’orpaillage. Quand il a flambé, pour atteindre 1600$ l’once en 2011-2012, cette déforestation a atteint près de 9000 ha par an.
Et donc avec un cours de l’or autour de 1200 $ ? Est-ce que les aventuriers de la série Guyane ont intérêt à aller risque leur vie sur des sites d’orpaillage illégaux ?
Sinon pour l’épisode 3 (et dernier) de la saison 1 de la Montagne d’or, la diffusion la réponse est attendue le 27 décembre 2018.