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Une ruée vers l’or inspirée par Le comte de Monte-Cristo, des rêves de fortunes fabuleuses attirant des prospecteurs anonymes mais aussi Rockfeller et le fondateur de la dynastie Trump, des catastrophes en série faisant passer en quelques années le site de ville champignon à ville fantôme : c’est l’histoire vraie, digne des plus grands romans d’Alexandre Dumas, de la ville de Monte Cristo.

En 1893, la vallée de Monte Cristo, bien loin du lieu sauvage et complètement inhabité qu’elle était encore dix ans plus tôt, s’enorgueillit de la présence d’une ville en son coeur : une ville baptisée Monte Cristo elle aussi, qui concentre toutes les activités de la région.

« Ville », à dire vrai, est un bien grand mot. Il s’agit en fait d’un gros village dont la population ne dépassera jamais guère les 1000 habitants. Tout à fait typique des villes champignons de l’ouest américain, Monte Cristo s’organise autour d’une rue principale, appelée Dumas Street pour rendre hommage à l’illustre écrivain français. Tracée à flanc de montagne sur une pente des plus raides, la rue est un bourbier tellement impraticable que l’on a jeté des planches en travers pour pouvoir y passer. 

Un univers terriblement masculin et Mercedes Street

De part et d’autre de cette artère acrobatique s’alignent les principaux bâtiments: plusieurs saloons, le Monte Cristo Hotel, le General Store, « supermarché » de l’époque où les mineurs trouvent tout ce dont ils ont besoin, etc. Tous ces édifices sont construits en bois, la somptueuse forêt de la vallée ayant payé un lourd tribut au développement accéléré de l’activité humaine. Une seule autre rue mérite de porter un nom: Mercedes Street, baptisée d’après la fiancée d’Edmond Dantès dans Le comte de Monte-Cristo, afin, on s’en doute, d’évoquer une présence féminine dans ce petit monde terriblement masculin. 

Une description assez précise de la ville, appelée tout simplement « Monte » par abréviation dans le langage courant, est donnée dans l’autobiographie d’Elof Norman, jeune Danois arrivé sur place en 1902 à l’âge de 8 ans avec sa mère et sa soeur pour rejoindre son père qui y travaillait. « La rue principale, couverte de planches, de Monte, édifiée sur une arête très étroite longue d’environ un pâté de maison, s’appelait Dumas, lit-on dans The Coffee Chased Us Up, Monte Cristo Memories (Editions The Mountaineers, Seattle, 1977). Cette arête séparait deux torrents. Au nord se trouvait Glacier Creek, et au sud 76 Creek. Les deux se rejoignaient en bas de la ville, pour former la rivière Sauk. La voie principale du chemin de fer traversait la rivière à cet endroit et entrait en ville. Un pont de bois étroit jeté en travers de 76 Creek reliait le dépôt à la ville ».

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La naissance d’une véritable communauté

Les pentes sur lesquelles était édifiée la ville étaient telles, souligne l’auteur, que « la rue de planches et toutes les maisons étaient soutenues par des étais en contrebas ». La rue de terre partant vers la droite, Mercedes Street très certainement, « menait à l’école, au bureau de tests géologiques et à quelques belles maisons appartenant aux propriétaires des mines et aux contremaîtres ». Pendant les – brèves – années de gloire de Monte Cristo, de 1894 à 1897, une vraie communauté se crée. Une école ouvre pour les quelques dizaines d’enfants présents sur place. Monte Cristo compte alors « environ mille personnes, quatre hôtels, quatre restaurants, six saloons, deux églises (baptiste et presbytérienne), une école, un hôpital avec un docteur, trois barbiers, une épicerie, deux bouchers, un agent immobilier, une boutique de vêtements, un journal et les maisons closes habituelles de villes minières », comme le décrit le Monte Cristo Area, A Complete Outdoor Guide (Harry M. Majors et Richard C. McCollum, Northwest Press, 1977).

La bourgade incarne la civilisation pour les mineurs, qui vivent dans des conditions très difficiles. Ils travaillent dans des mines situées sur les hauteurs de la vallée et logent sur place dans des dortoirs sans le moindre confort. Mais les besoins en hommes sont tels qu’ils peuvent se permettre quelques mouvements revendicatifs. 

Lors de leurs rares moments de loisirs, ils descendent donc en ville, attirés par les hôtels et les saloons. « La plupart des ouvriers célibataires venant en ville logeaient ici (dans les hôtels), dans les nombreuses chambres des étages, raconte Elof Norman. Il y avait toujours de la place pour les mineurs quand ils venaient en ville dépenser leur argent si durement gagné. Et quand ils n’avaient plus un sou, ils mendiaient une bouteille de whisky et une nouvelle salopette, et ils retournaient dans les mines pour un mois ou deux. »

Un certain monsieur Trump

Fournir à ces hommes éprouvés par leur travail et leur vie quotidienne mais pas trop mal payés quelques moments d’évasion, voilà qui donne des idées à certains… On connaît l’adage selon lequel « dans une ruée vers l’or, les seuls qui sont certains de faire fortune sont les vendeurs de pelles et de pioches ». La même maxime s’applique bien sûr aux fournisseurs d’alcool et de filles. C’est ainsi qu’un obscur homme d’affaires vient investir à Monte Cristo dans un saloon de mauvaise réputation. Le commerce des boissons fortes et des filles faciles lui rapportera beaucoup d’argent et contribuera à l’édification de la fortune familiale. Son nom? Frederick Trump. Oui, Trump comme un certain magnat de l’immobilier et récent président des Etats-Unis, qui n’est autre que le petit-fils de ce bien réel Fred Trump! Gageons qu’Alexandre Dumas, qui s’y connaissait en sagas romanesques et rebondissements improbables, aurait été époustouflé de voir la réalité dépasser ainsi la fiction…

En ce milieu des années 1890, tout semble sourire à Monte Cristo : hommes et argent abondent, les mines produisent, la ville prospère. Mais comme tous les lecteurs de romans feuilletons le savent, les périodes heureuses ne sauraient durer… La belle histoire de Monte Cristo va très vite très mal tourner.

Un destin tragique à découvrir dans la troisième et dernière partie de notre saga.

Partie 1 – L’envol – à lire ici

Partie 3 – La chute – à lire ici

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Patrick de Jacquelot
Patrick de Jacquelot est journaliste, spécialiste des oeuvres littéraires inspirées par Alexandre Dumas. Il en présente des centaines sur son site « Alexandre Dumas, suites, plagiats, pastiches, hommages et bandes dessinées »

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