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À l’occasion d’une interview pour la BBC, Emmanuel Macron a reconnu que si un référendum avait lieu en France sur une éventuelle sortie de l’Union Européenne, le oui l’emporterait certainement.

Alors qu’il était interrogé sur la politique européenne, le président français a dû faire face à une question pour le moins tendancieuse du journaliste de la BBC, Andrew Marr, qui s’attendait surement à une énième démonstration de langue de bois dont les hommes politiques sont si friands. Au lieu de ça, il s’est retrouvé quelque peu décontenancé par un Emmanuel Macron avouant sans détour que si la France avait organisé le même référendum que le Royaume Uni, dans des conditions similaires à celles qui prévalaient en Grande Bretagne en 2016, il aurait eu les mêmes résultats qui ont conduit aujourd’hui au Brexit.

Le ras-le-bol des classes moyennes systématiquement lésées

« Je n’ai pas à juger ou à commenter la décision du peuple anglais« , poursuit-il, « mais mon interprétation est que beaucoup de gens ont le sentiment d’avoir été les perdants de la mondialisation et ils ont tout naturellement décidé que tout cela n’était plus pour eux. » Une décision sans doute brutale, a ajouté le chef de l’État Français, mais qui est parfaitement compréhensible et qu’on pourrait retrouver dans beaucoup d’autres pays, y compris la France. Évidemment, il s’est empressé de nuancer sa réponse en arguant que le contexte n’était pas le même dans les deux pays, et que c’était justement ce qui faisait toute la différence. Mais, la façon dont il a mis en avant les préoccupations d’une certaine partie de la population a été plutôt bien accueillie.

Car parmi les gens qu’il estime les plus lésés par les politiques européennes de ces dernières décennies, il pointe les classes moyennes qui ont systématiquement fait les frais des différentes mesures visant à favoriser tantôt les plus fragiles, tantôt les plus riches, exonérant les uns, permettant des échappatoires fiscales aux autres, le tout sur fond de politique fiscale dont la charge est aujourd’hui presque exclusivement assumée par les « Français moyens », ceux qui paient les impôts et qui ne bénéficient que des compensations minimum de la part de la société. Mais aussi en grande partie ceux qui ont voté pour lui en mai dernier…

Un référendum en France qui présenterait certains risques

Par conséquent, il est probable qu’un référendum identique à celui proposé aux Anglais en juin 2016 aurait donné des résultats similaires et plongé la France dans un processus complexe (et dangereux !) où il aurait fallu choisir entre refuser le choix de l’opinion publique – et ouvrir la voie à une grave crise politique sans précédent dont les feux couvent pourtant déjà depuis des années, prêts à être rallumés par les partis les plus extrémistes –, ou au contraire suivre la décision démocratique au risque de plonger toute l’Union européenne vers sa perte.

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Car n’oublions pas que, avec l’Allemagne, la France EST l’Union européenne. Qu’un de ces deux pays se désengage et c’est toute le château de cartes qui s’effondre, emportant avec lui la relative stabilité économique du continent, la monnaie unique (qui comporte néanmoins ses propres travers) mais aussi peut-être la sécurité géopolitique maintenue depuis plus de 70 ans au point qu’on envisage aujourd’hui une éventuelle future armée commune. Tout cela serait purement et simplement balayé. Et si certains imaginent qu’il s’agirait d’une bonne chose, en permettant par exemple un retour aux monnaies nationales, ils commettent une grave erreur qui ne tient pas compte de l’évolution du monde de ces 20 dernières années.

La France hors UE n’aurait plus d’existence internationale

Non, la France hors UE n’aurait plus aucune existence, plus aucun poids et risquerait même de perdre l’essentiel de la confiance acquise dans le monde depuis les années 1990. Et on peut s’interroger sur les raisons qui ont poussé Emmanuel Macron à faire ce genre de confidence qui sonne presque comme un aveu d’échec anticipé, alors qu’il aurait dû au contraire rester dans son rôle de garant des institutions françaises et européennes, ne serait-ce que pour donner le change.

Même si le système est éminemment perfectible. Même si l’euro est loin d’être une devise idéale (y compris pour la France auquel son niveau n’est pas adapté). Mais au lieu de ça, il distille un doute qui pourrait passer pour une maladresse de communication… si on ne connaissait pas l’intelligence dialectique du personnage. Difficile en effet de croire qu’il a involontairement laissé échapper une telle bombe, même en l’entourant des précautions oratoires d’usage.

Macron sait que la France joue un rôle majeur dans l’UE

Alors quelles pourraient être ses objectifs ? Car il peut y en avoir plusieurs. Le premier, le plus évident mais aussi le moins probable, c’est qu’à peine huit mois après sa prise de fonctions, notre président ait pris conscience des difficultés de gérer un pays irréformable comme la France. Et d’imaginer alors que le peuple français, insoumis par nature (ou du moins est-ce ainsi que certains aimeraient le voir), ne cherche qu’à s’émanciper d’une tutelle européenne à laquelle ils n’adhèrent pas.

Or, dans les fait, les Français sont plutôt favorables au maintien du pays dans l’Union européenne (selon un sondage réalisé en 2016 juste après l’annonce du Brexit), et cela, Emmanuel Macron le sait pertinemment. Mais étant lui-même un « unioniste » convaincu, il a surtout très bien compris que la France a désormais une partie fondamentale à jouer au sein de l’UE, surtout maintenant que l’Allemagne de Merkel est affaiblie et que son aura internationale à lui est à un niveau rarement atteint par un président français.

Macron, nouveau stratège de la communication économique ?

En réalité, il y a une autre raison pour laquelle Emmanuel Macron aurait pu se laisser aller à faire mine de craindre un « Frexit« , et c’est une raison aussi stratégique qu’économique. En effet, avec un euro qui ne cesse de s’apprécier face à un dollar , lequel n’a plus que la peau sur les os et un capital confiance qui s’érode à vitesse grand V, les exportations européennes ne se portent pas très bien. Les produits du Vieux Continent sont trop chers, en particulier en France où le déficit du commerce extérieur ne cesse de se creuser année après année. Induire une légère inquiétude auprès des marchés quant à la stabilité européenne, en laissant par exemple planer le doute sur un éventuel départ de la France, voilà qui pourrait éventuellement affecter la parité euro-dollar en faisant redescendre la devise communautaire à des niveaux plus favorable à la reprise des exportations.

Si tel est l’objectif, rien ne dit que cela fonctionnera. Mais surtout rien ne dit non plus que c’est le but visé (et caché) du président Macron. Ce dont on peut être sûr en revanche, c’est qu’en dépit de son jeune âge, il est assez malin pour savoir masquer sa stratégie à long terme et ne pas dévoiler son jeu trop vite afin de conserver systématiquement un coup d’avance sur ses adversaires. Et s’il ne cesse de surprendre les analystes (le plus souvent favorablement) en mettant en œuvre les actions promises lors de la campagne électorale de 2017 (chose suffisamment rare pour être soulignée), il sait également très bien jouer de l’effet de surprise afin d’aller là où on ne l’attend pas. Reste à savoir ce que cache cette fausse inquiétude sur un hypothétique et très improbable Frexit…

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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