Le 6 avril, l’Élysée publiait un communiqué de presse indiquant de manière laconique que « le président de la République a réuni un conseil de défense et de sécurité nationale » au cours duquel il avait décidé d’annuler la suppression de 9200 postes dans l’armée afin de renforcer la sécurité des Français après les attentats de novembre 2015. Mieux encore, il allait compléter ces effectifs avec quelque 800 militaires supplémentaires, principalement dans les unités opérationnelles et la cyberdéfense.
Nous voilà rassurés. Face au défi imposé par les organisations terroristes qui frappent toujours plus fort, toujours plus aveuglément et avec toujours plus de détermination, non seulement en France ou en Belgique mais également partout dans le monde, notre président a juste décidé de garder une armée en état de nous défendre. En clair : de ne rien faire ou presque.
Une armée française en perte de vitesse pour des raisons budgétaires
Car dire que notre armée est en état d’effectuer sa mission, c’est un peu prendre ses désirs pour des réalités. En effet, nos capacités militaires sont bien en-deçà de ce qui serait nécessaire et de nombreux cadres des armées ont plusieurs fois souligné l’indigence de nos forces, en dépit de l’engagement toujours infaillible des hommes et des femmes qui donnent parfois leur vie pour défendre nos libertés. Mais peu importe, l’économie dictant sa loi en dépit des risques externes ou internes, les mesures de restriction budgétaire qui se succèdent depuis quelques années effilochent peu à peu notre défense nationale, au gré des suppressions de postes notamment. L’argent manque aussi, surtout depuis le début de la crise de 2008, et, comme partout, la variable d’ajustement économique reste la masse salariale. Donc, on dégraisse les armées, la seule fonction publique qui ne râle pas quand on lui tape dessus.
Ainsi, la dernière charrette de militaires prévue par le gouvernement concernait la suppression de 33 500 postes d’ici 2019, en gros 9 à 10 000 par an, pour des économies pas franchement évidentes au premier coup d’œil. Or, les attentats sont venus bouleverser les calculs des comptables de la République et, politiquement au moins, François Hollande ne pouvait décemment plus valider la poursuite d’une telle hémorragie d’effectifs dans l’armée.
Pour autant, il convient de modérer la portée de cette décision. D’une part, c’est vrai que le gouvernement renonce à supprimer les 9 218 postes restant prévus par la dernière loi de programmation militaire, mais l’impact sur la sécurité intérieure sera particulièrement minime, les militaires n’intervenant finalement qu’assez peu sur le territoire français (même si certains régiments peuvent être déployés en cas d’urgence). D’autre part, l’annonce de la création nette de 800 postes supplémentaires précise que le recrutement s’étalera… sur trois ans, « au bénéfice des unités opérationnelles et de la cyberdéfense ». En clair, François Hollande va sans doute procéder au remplacement de certains départs en retraite et à la réaffectation des nouveaux arrivants dans des unités spécifiques. Toutefois, même si la mesure paraît finalement assez symbolique, les Français n’auraient pas compris qu’on continue à réduire le nombre de militaires dans un tel contexte d’insécurité.
La menace réelle du terrorisme en France
Pendant ce temps-là, les filières terroristes s’organisent. On sait qu’elles sont implantées dans plusieurs pays d’Europe (la Belgique est surtout un « point de ralliement« ) et que leurs effectifs ont récemment grossi avec l’arrivée de nouveaux combattants mêlés aux migrants qui fuyaient les combats en Syrie et ailleurs. On sait aussi que d’autres terroristes attendent aux portes de l’Union Européenne, en Turquie notamment, donnant une saveur particulière aux accords de coopération portant sur l’échange de migrants entre Bruxelles et Ankara. Enfin, le Premier Ministre lui-même, Manuel Valls, a récemment qualifié la menace jihadiste sur notre territoire de « préoccupante », évaluant à 1 573 Français ou résidents en France le nombre de personnes identifiées par les forces de l’ordre « pour leur implication dans ces filières terroristes ».
Dans les faits, on est en réalité plus près des 10 000, sachant qu’il y a actuellement en France 20 000 personnes fichées (les fameuses « fiches S ») dont la moitié au moins appartiennent à la mouvance islamique radicale et sont susceptibles d’entrer en action à tout moment. Pour être encore plus précis, selon le Ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, il y a aujourd’hui en France 138 combattants islamistes revenus formés d’Irak et de Syrie, tandis que les cellules djihadistes comptent plus de 5000 individus sur notre territoire, dont 10% (soit 500 !) ont réellement la volonté de passer à l’acte. Par conséquent, si les effectifs de nos forces armées, mais aussi de nos services de police ou de gendarmerie, sont particulièrement déficitaires en ce moment, il semble que ce ne soit pas encore le cas du côté des terroristes. Pour rappel, les récents attentats en France comme en Belgique ont été causés à chaque fois par moins d’une douzaine d’individus, complices inclus. Ainsi, même en nous basant sur un effectif minimum des « forces terroristes », il existe sans doute en ce moment-même plusieurs équipes similaires potentiellement prêtes à passer à l’action dès qu’elles en auront l’occasion.