« Rien n’est éternel », « les arbres ne montent pas jusqu’au ciel », etc. : au sujet des bulles, les dictons boursiers ne manquent pas. La plus grosse bulle financière de l’Histoire pourrait bien être celle qui a explosé en 1929, mais attention : l’Histoire des bulles est pleine de mythes…
Qu’est-ce qu’une bulle boursière sur les marchés financiers ?
Finance : c’est quoi, une bulle spéculative ?
Pour qu’un actif puisse être qualifié de bulle spéculative, deux conditions cumulatives doivent être réunies :
- Les capitaux doivent y affluer de toutes parts dans un mouvement de masse auquel prennent part même ceux qui n’ont jamais investi ;
- Sa valorisation doit être déconnectée de la réalité qui l’entoure.
En pratique, le résultat est l’explosion à la hausse du cours de l’actif en question… avant son effondrement soudain. Une bulle est donc à la fois une magnifique occasion de gagner de l’argent… et d’en perdre.
Comment se forme une bulle spéculative ?
Le cycle de vie d’une bulle financière a donné lieu à de nombreux travaux académiques. La modélisation la plus célèbre est sans doute celle du canadien Jean-Paul Rodrigue.
Ce professeur d’Économie explique que la formation d’une bulle se déroule en 4 étapes, dont chacune est « soutenue par 500 ans d’histoire financière ». Voici comment MarketWatch résume ce processus :
- « Dans la phase d’investissement furtif (“stealth”), les initiés (“the smart money”) sont les premiers à prendre position sur le marché ;
- D’autres investisseurs prennent ensuite conscience (“awareness”) de l’opportunité pendant que les premiers entrants renforcent leurs positions, ce qui finit par attirer l’attention des médias ;
- La phase de folie (“mania”) se caractérise par une augmentation exubérante du cours provoquée par le déversement de flots d’argent sur le marché, renforçant la croyance des intervenants et poussant les prix à des niveaux stratosphériques. Les médias évoquent l’avènement d’un “nouveau paradigme” et ont la conviction que “cette fois, c’est différent” ;
- La phase finale, l’éclatement de la bulle (“blow-off”), se produit lorsque le château de cartes s’effondre sous son propre poids et les derniers à être entré sur le marché (généralement le grand public) payent les pots cassés, alors que les initiés sont se sont retirés longtemps auparavant ».
Concentrons-nous sur la dernière phase…
Effondrement : comment va éclater une bulle spéculative ?
Ce que nous dit cette modélisation, c’est que la nature humaine ne change pas : seules les bulles changent. Ce qu’il faut comprendre par-là, c’est que le comportement humain, immuable, conduit l’argent à migrer d’un actif à l’autre selon les mêmes ressorts psychologiques.
Par conséquent, même a posteriori, il n’est pas toujours simple d’identifier avec certitude quelle épingle a fait éclater une bulle. Et pour cause : la mécanique d’une bulle reposant avant tout sur des ressorts psychologiques, la valorisation de l’actif en question est déconnectée de ses fondamentaux.
Petit historique des grandes bulles spéculatives en bourse
La bulle des tulipes : mythe, ou réalité ?
Tout le monde a entendu parler de la « Tulipomanie ». Enflammant les Pays-Bas au XVIIᵉ siècle, cette crise passe pour avoir été la première bulle spéculative de l’histoire.
Et pourtant, Jacques Favier, historien de formation et figure majeure de la cryptosphère française, a expliqué en long, en large et en travers pourquoi, en 1637, « il n’y a pas eu réellement de fièvre des tulipes. »
En réalité, explique Favier, l’emballement de 1637 :
- Fut loin de se cantonner aux tulipes (le blé était aussi concerné)
- N’était pas le fait de la foule, mais d’un milieu de marchands avisés.
- N’a pas résulté en une « crise financière », comme on le lit à tort et à travers.
La « Tulipomanie » a au contraire d’excellentes chances d’être un mythe forgé par un certain Charles Mackay (1787-1857), journaliste, écrivain et poète écossais, lequel ne donnait pas exactement dans la recherche historique critique.
La Bulle Internet des années 1990 et sa chute
La « Bulle Internet », ou « bulle des dot-com », est beaucoup plus tangible.
Elle s’est formée à la fin des années 1990, avec une hausse spectaculaire des valeurs des entreprises technologiques et des start-ups internet.
L’euphorie spéculative a conduit l’apogée de mars 2000, après quoi le marché a subi un effondrement brutal lorsque les investisseurs ont commencé à douter de la viabilité de leurs investissements.
Résultat des courses : de nombreuses faillites d’entreprises, et des milliards de dollars de valorisation boursière qui ont rejoint le paradis des souvenirs financiers.
De la Bulle immobilière à la Crise financière mondiale de 2007-2008
La Crise financière mondiale de 2007-2008 aurait été causée par la spéculation immobilière et l’éclatement de la bulle immobilière américaine, raconte la légende.
En réalité, la crise a été déclenchée par une série de causes bien identifiées :
Comme le résume Guillaume Nicoulaud, « la crise des subprimes est principalement née d’une combinaison de facteurs que sont :
- la politique monétaire de la Federal Reserve,
- les politiques pro-accession à la propriété du gouvernement américain (Freddie Mac, Fannie Mae, le CRA…),
- l’aléa moral instauré par le sauvetage systématique [“too big to fail”] des banques depuis 40 ans,
- une réglementation bancaire qui favorise arbitrairement les crédits immobiliers (et la dette souveraine) aux dépens des crédits aux entreprises et une réglementation des mortgages qui favorise les défauts stratégiques. »
Comme bien souvent en matière de bulles, les autorités publiques figurent en première place sur le banc des accusés.
Le bitcoin est-il la nouvelle bulle financière ?
Nombre d’analystes respectés ne croient pas dans le projet Bitcoin.
Par exemple, le spécialiste des métaux précieux Jeffrey Christian fait le distinguo entre l’or et le crypto-actif. Pour lui, « les matières premières [or inclus] ne sont pas des bitcoins, ce ne sont pas des roches de compagnie (“pet rock”), ce ne sont pas non plus des [actions de] sociétés Internet en 1999 », c’est-à-dire juste avant l’explosion de la bulle des dotcom.
Le bitcoin serait-il un pur actif spéculatif en situation bullaire ?
Je fais le pari contraire : de mon point de vue, la courbe de prix du bitcoin n’est pas la courbe d’une bulle, mais une courbe d’adoption d’une nouvelle technologie (cf. la « courbe en S » d’Everett Rogers). Autrement dit, je pense que le bitcoin est là pour rester, et non pour rejoindre sa valeur intrinsèque. D’ailleurs, le bitcoin s’est toujours relevé après chaque corrections de 80% ou plus, ce qui en en fait un actif unique en son genre.
Alors, quelle est la plus grosse bulle financière de l’histoire ?
Les candidats étant légion, il est difficile de trancher.
Je vous propose de nous baser sur l’étendue des répercussions de l’explosion de la bulle à l’échelle mondiale.
Selon ce critère, la bulle financière qui a éclaté lors de la crise de 1929, faisant entrer les économies avancées dans la Grande Dépression, figure sans doute parmi les plus sérieux candidats au titre de « plus grosse bulle financière de l’Histoire ».
Mais le débat est ouvert.
La plus grosse bulle de l’histoire est celle des dettes souveraines qui continue de gonfler actuellement.
Lorsqu’elle finira par éclater elle entraînera toutes les autres avec elle (immobilier, actions etc.).