C’est le style d’information que vous repérez au milieu du flux, cette petite lumière qui brille dans cet océan de news dont on ne sait pas si elle sont « fakes » ou sérieuses.
« Victime oubliée de la crise de 2008, l’épargnant va encore souffrir pendant 10 ans« . C’est le titre « cash » de cet article d’Emmanuel Garessus. Il est publié en ligne sur Le Temps.ch, média qui s’annonce comme le média de référence de Suisse Romande et Francophone. Comme cette publication va servir de socle à cette note, pour en valider le sérieux, je suis même allé jusqu’à lire la charte rédactionnelle du Temps (pdf)qui se présente comme un journal libéral, respectueux des institutions et des libertés de chacun. Pour les plus anciens d’entre nous, on pensera ici au Quotidien de Paris ou à l’Opinion, le journal créé en 2013 par Nicolas Beytout.
Les épargnant victimes de la crise de 2008
Il n’est pas mauvais de rappeler qu’en bout de course, quand le système s’effondre en 2008 avec la faillite de Lehman Brothers, il y a des « vrais » gens qui trinquent. On a beaucoup vu pour le dixième anniversaire de la crise des images de personnes en costume/cravate qui quittent Wall Street avec, dans les bras, leur carton d’affaires personnelles. C’est une réalité, mais il y aussi celle de ces millions d’américains qui doivent quitter leur maison parce qu’elle est saisie. Il y a cette déflagration mondiale avec des défaillances d’entreprises sur toute la planète. L’Insee vient de publier le nombre d’entreprises en redressement judiciaire en 2017. On est retombé au niveau de 2007, enfin ! La défaillance de la finance aura donc pesé pendant 10 ans sur la « petite économie », celle du quotidien, des TPE/PME.
Les banques centrales ne favorisent pas l’épargne
La réponse à la crise en 2008, c’est une politique monétaire avec des taux d’intérêt en baisse pour répondre à la logique économique : si l’argent n’est « pas cher » alors les entreprises vont investir et les ménages vont consommer. En théorie, les prix des biens et des services en raison de l’augmentation de la demande se mettront à augmenter. La spirale vertueuse se remet en place : augmentation des prix, de la production, des salaires, du PIB, des taux d’intérêt. Le surplus est alors épargné. L’épargne est utilisée pour les investissements. C’est la logique du livret A par exemple.
Malheureusement, on a constaté dans les années 90 au Japon (la décennie perdue) et donc en 2008/2009 un peu partout que cette baisse de taux d’intérêt ne suffisait pas à relancer la consommation. On était dans un phénomène de « trappe de liquidités ». Les banques centrales ont créé un outil le Quantitative easing (QE) pour sortir de cette situation paradoxale où la liquidité est gratuite voire rémunérée avec des taux négatifs mais personne ne prête ou n’emprunte. Pour obliger inciter les banques à prêter et donc à injecter du carburant de le moteur économique, les Banques Centrales proposent donc d’acheter le risque, de couvrir le système. C’est ainsi que certains économistes affirment qu’on a transformé avec ce système de la dette privée (entreprises, particuliers, banques) en dette publique. Si les banques centrales assument le risque dont les défaillances de remboursement, cela revient à déresponsabiliser le prêteur et l’emprunteur au profit du public, des Etats. Ces outils ont été déployés en Angleterre en 2008, en Europe en 2009, aux Etats-Unis en 2010.
La masse monétaire est donc entièrement tournée vers la consommation, le développement économique. Les actions retrouvent en 10 ans leur plus haut. L’économie américaine est au top : plein emploi, inflation qui remonte…taux qui se redressent. Le plan fonctionne aux Etats-Unis.
Des épargnants victimes de répression financière ?
On pourrait s’étonner que, dans un contexte d’économie libérale, une partie des citoyens soit totalement délaissée, certains parlent même de répression financière. Ces taux d’intérêt au plancher ne servent pas l’épargne. Aujourd’hui, avec des rémunérations en deçà de l’inflation, épargner coûte ! Il s’agit bien évidemment tout d’abord d’une problématique morale.
Pourquoi ne pas vouloir consommer est-il sanctionné ? Si on pousse la réflexion jusqu’au bout, on pourrait même considérer que la moindre consommation dans un contexte d’épuisement des ressources naturelles est plus vertueuse que la croissance à tout prix.
Le logiciel des gouvernements est en permanence alimenté par ces données en faveur de l’investissement et de la consommation. Le plan c’est visiblement zéro épargne ! En France, les professionnels du bâtiment (quand le bâtiment va, tout va) poussent dans le sens des taux bas qui permettent de maintenir un marché dynamique malgré des prix qui augmentent. C’est ainsi que l’immobilier est devenu un produit d’épargne, à crédit. Les banques ne prêtent quasiment que pour l’immobilier et la voiture. On va dire que tant que le marché tient, tout va bien. Que se passerait-il en cas de crise de l’immobilier ? Les locations « pirates » via les plateformes sont aujourd’hui chassées par de plus en plus de collectivités ce qui risque de faire baisser brutalement la rentabilité des biens acquis pour cet usage. Défaillance ? Éclatement d »une bulle ?
Et ça va durer longtemps ces taux bas ?
Comme l’économie est dans une phase très positive, normalement, l’inflation et les taux devraient monter. Mais, tout ceci n’est pas normal. A la fin du mois de septembre, la FED a annoncé sa volonté d’une remontée des taux américains jusqu’en 2020. Les taux longs sont portés à 2,25% pour une inflation à 2,1% et une croissance prévue de 3%. En clair, on évite la surchauffe mais on ne paye toujours pas l’épargne !
Une des raisons avancées pour un maintien des taux bas concerne la dette des Etats. En effet, la dette publique est remboursée par l’emprunt. Chaque augmentation des taux directeurs ajoute mécaniquement des centaines de milliards en plus aux compteurs des pays. Les politiques et les administrations n’ont pas du tout envie de se retrouver comptables de ces mauvais chiffres de montants d’intérêt de la dette.
Alors, ils préfèrent pointer du doigt l’épargnant, bon gestionnaire de son budget.