La stagflation désigne la situation économique caractérisée par la conjonction d’une tendance à la stagnation ou à la récession et à la poursuite de l’inflation. Il s’agit du climat macroéconomique idéal pour le cours de l’or.
Une activité économique en baisse doublée d’une inflation en hausse : voilà la recette pour qu’une économie sombre dans la stagflation. Ronald Stöferle et Mark Valek (S&V) figurent parmi les analystes qui ont annoncé depuis plusieurs années que la grande expérience monétaire en cours nous amènerait à essuyer de fortes turbulences stagflationnistes. La guerre russo-ukrainienne pourrait bien précipiter la matérialisation d’un tel scénario. Il est donc crucial d’avoir à l’esprit les conséquences qu’il est susceptible d’avoir sur le cours de l’or.
La stagflation : le scénario de base d’Incrementum depuis 2017
Sur ce graphique du Conseil mondial de l’or, on constate qu’entre les années 1970 et le 2ème trimestre 2021, la stagflation (périodes hachurées en gris) est un environnement qui a été à la fois fréquent et durable.
Est-ce le scénario vers lequel nous nous dirigeons à nouveau ?
Les liens qui unissent le cours de l’or et la stagflation sont un sujet que S&V ont commencé à aborder dans leur rapport In Gold We Trust 2017.
Ronald Stöferle poursuivait la réflexion d’Incrementum dans une conférence d’avril 2020. C’est l’un des scénarios « auquel on pourrait assister au cours des deux prochains années », indiquait-il à l’époque.
Dans leur rapport IGWT publié en mai 2020, S&V confirmaient tabler sur un scénario de type stagflationniste dans le cadre d’un ralentissement de l’activité économique qui risquait de durer. Et pour cause, « L’expansion de la masse monétaire, le contexte de taux d’intérêt réels négatifs et la croissance disproportionnée de la dette ont encore accru la fragilité du système mondial », écrivaient-ils.
Voici leur diagnostic de l’époque en termes de timing : « À notre avis, un changement de paradigme sur les marchés – vers des tendances inflationnistes croissantes – se produira dans les années à venir. Il semble que nous nous soyons considérablement rapprochés de ce scénario. Nous sommes actuellement au milieu de la plus grande crise économique depuis les années 1930, et la tendance à l’inflation va s’inverser à moyen terme. Nous pensons qu’il est tout à fait possible que nous soyons confrontés à un moment donné à une phase de stagflation prononcée dans la décennie à venir. » Les deux analystes indiquaient que la croisée des chemins « ne prendra[it] réellement effet que lors de la prochaine phase de reprise du cycle, à l’instar de la Grande Dépression. » Voilà toutes les raisons qui amenaient S&V à annoncer que nous nous situons à l’aube d’une nouvelle « décennie dorée ».
12 mois plus tard, voici ce que S&V écrivaient dans l’édition mai 2021 de leur rapport IGWT : « Nous nous sentons confirmés dans cette prévision, car nous sommes encore actuellement dans la zone de confort de l’inflation – mais il nous faut insister sur le « encore ». Au vu des données d’inflation d’avril, qui attestent d’une hausse de l’inflation américaine à 4,2%, ce « encore » doit être révisé en « seulement« . […] Nous considérons qu’une hausse de l’inflation au-dessus du niveau observé ces dernières années est très probable », avec à la clé un « changement de climat monétaire » et une « décennie dorée » pour le cours de l’or.
Une dizaine de mois plus tard, il semble que les deux Autrichiens aient encore tapés dans le mille.
Taux d’inflation (IPC) annuels (1 an glissant) dans le monde au 27 février 2022
Reste bien sûr à confirmer que cette inflation sera durable, et que la croissance économique va stagner, pour ne pas dire s’inverser.
Or il se pourrait bien que la guerre russo-ukrainienne donne raison à S&V dans d’épiques proportions.
La guerre russo-ukrainienne sera-t-elle l’étincelle qui fera basculer nos économies dans la stagflation ?
Voici le point de vue qu’exprimait Charles Gave dans son billet du 27 février :
« L’Europe est dans une situation impossible. Les dettes étatiques y sont gigantesques, les déficits budgétaires incontrôlables si les taux d’intérêts retrouvent un niveau normal, les déficits extérieurs inévitables si les prix de l’énergie continuent à monter, les taux d’intérêts réels sur les obligations à 10 ans profondément négatifs.
[…] si la Russie coupe ses exportations de gaz et de pétrole, l’Europe rentrera immédiatement dans une très forte récession inflationniste, un peu comme la Grande-Bretagne en 1976-1977, et l’euro disparaîtra devant la fureur des peuples, ce qui engendrera une autre crise. »
Historiquement, une flambée des prix de l’énergie suggère une récession
Charles Gave aurait également pu faire référence par exemple au prix du blé.
Ajoutez à cela le fait que les sanctions économiques annoncées à l’encontre de l’assaillant russe vont probablement être encore plus dommageables à nos économies européennes – et tout particulièrement à la France – qu’à l’égard de Moscou, et l’on a d’excellentes raisons de penser que la France est en train de quitter l’économie Boucles d’or pour de bon.
En zone euro comme aux Etats-Unis, les banques centrales semblent prises au piège.
2 mars 2022 : « L’inflation en zone euro a atteint un niveau record de 5,8 % en février – avant l’escalade [militaire entre la Russie et l’Ukraine]. Elle devrait dépasser les 6% dans les mois à venir. Il s’agit d’un choc de stagflation de proportions épiques. »
1er mars 2022 : « Faîtes vos jeux : – Plus de hausses de taux, effondrement de la demande = récession. – Moins de hausses de taux, plus d’inflation = récession »
1er mars 2022 : « Inflation en hausse à 7,5%. Croissance du PIB en baisse à 0% [aux Etats-Unis]. Comment on appelle ça, déjà plus ? »
Mais quid de la performance de l’or dans un tel scénario ?
Comment le cours de l’or évolue-t-il en période de récession ?
Dans une conférence d’avril 2020, Ronald Stöferle distinguait historiquement 4 phases en matière de récession aux Etats-Unis :
- Phase 1 : le trimestre qui précède la récession ;
- Phase 2 : la période entre le début de la récession et la publication officielle des chiffres de croissance du PIB par le bureau des statistiques ;
- Phase 3 : la récession officielle ;
- Phase 4 : le dernier trimestre de la récession.
Au cours de ces différentes étapes, la performance du S&P 500 tend à s’effondrer et celle de l’or en dollars à exploser.
Mais quid d’un scénario stagflationniste en tant que tel ?
Récession + inflation élevée = tempête parfaite pour le déchaînement du cours de l’or
Pour S&V, la conjonction d’une récession et d’une inflation élevée est le scénario idéal pour que le cours de l’or se déchaîne.
Le graphique suivant, qui nous est proposé par le Conseil mondial de l’or, permet d’aboutir à une réponse chiffrée. Il présente le rendement moyen réel (c’est-à-dire corrigé de l’inflation) en dollars des principales classes d’actifs entre 1973 et 2021. Comme on peut le constater, avec 32,2% de rendement annuel réel en moyenne, « l’or a été un vainqueur incontestable en période de stagflation ».
Les autres chiffres du Conseil mondial de l’or collent assez bien avec ce que nous avons vu précédemment : un environnement Boucles d’or est bien la pire situation pour l’or (-3,1% de performance réelle annuelle), un environnement reflationniste lui est profitable (+8,4%) tandis qu’un environnement déflationniste est tout sauf un obstacle à sa performance (+12,8%).
Voilà, nous en avons terminé avec l’étude des relations qu’entretiennent le cours de l’or et les différents scénarios macroéconomiques standards.
Mais ce n’est pas tout.
Comme la situation pourrait être encore pire que cela n’est le cas aujourd’hui, il me faut également vous présenter les liens qui unissent le cours de l’or à différents scénarios de crise, voire de catastrophe.
Comme je ne voudrais pas que vous preniez une balle perdue, je vous invite à me retrouver la semaine prochaine équipé de votre casque et de votre gilet pare-balles.
A lundi !