La Banque Mondiale vient d’annoncer que l’Inde passait devant la France dans le classement des plus grandes puissances économiques mondiales, faisant reculer notre pays de la 6e à la 7e place.
La semaine dernière, tandis que les télésportifs bleu-blanc-rouge se réjouissaient de voir la France en demi-finale de Coupe du Monde de ballon rond (ils sont désormais en finale), les quelques journalistes qui avaient décidé de ne pas tomber dans la facilité footballistique ont choisi de reprendre avec plus ou moins d’exactitude l’autre actualité internationale de ce début de mois de juillet : la relégation de la France à la septième place des puissances économiques mondiales, juste derrière l’un des premiers marchés de l’or de la planète : l’Inde.
« Tout ça, c’est la faute à… »
Voilà, la messe est dite, la France n’est plus la 6e puissance mondiale, l’Inde lui a ravi le titre. Il n’en fallut pas davantage pour que la vox populi en tire deux conclusions aussi fausses que largement appuyée par le traitement accordé par les médias à l’information en question :
- La France de Macron est pire que celle de Hollande, laquelle était déjà pire que celle de Sarkozy, qui était déjà pire que… bref, c’était mieux avant !
- La France est en train de quitter la table des grandes nations pour s’inviter dans le Tiers-Monde, ou presque (« Pensez donc, même l’Inde est plus riche que nous aujourd’hui ! »)
Expédions rapidement le premier point qui ne demande pas davantage qu’un petit paragraphe. Le seul et unique critère sur lequel la Banque mondiale s’est appuyée pour décider que l’Inde était désormais la 6e puissance économique de la planète et la France seulement la 7e, c’est le Produit intérieur brut (PIB), autrement dit la richesse brute produite par le pays en une année. Or, ce PIB s’exprime internationalement en dollars et il dépend donc du taux de change avec l’euro qui se révèle très fluctuant (deux années avec la même richesse produite peuvent en revanche donner deux sommes différentes en dollars suivant le cours de la devise américaine).
Le PIB Français n’a jamais cessé de progresser
Mais plus important encore, le PIB de la France n’a jamais cessé d’augmenter intrinsèquement année après année : 1998 € en 2010, 2059 € en 2011, 2091 € en 2012, 2115 € en 2013, 2141 € en 2014, 2181 € en 2015, 2228 € en 2016, 2291 € en 2017, pour ne reprendre que les 8 dernières années au cours desquels la France a connu pas moins de 3 présidents de la République.
Certes, les économistes ont l’habitude de dire que l’année 2012 a marqué un léger recul dans la progression du PIB français, comme pour la plupart des pays européens d’ailleurs, suite à la crise de la Zone Euro. Mais, dans les faits, personne ne s’accorde vraiment sur les chiffres et, 2012 ayant été une année d’élections présidentielles, les statistiques ont tellement été triturées dans tous les sens pour les rendre favorables au nouveau gouvernement qu’il est très difficile aujourd’hui de se faire une idée précise de la situation. Ce qu’on sait, en revanche, c’est que le vrai creux significatif date de 2008 (le fameux raz-de-marée des subprimes qui a juste failli faire s’écrouler le château de cartes financier de la planète tout entière). Et que depuis, ça monte de manière régulière.
La France n’est pas moins forte, c’est l’Inde qui va mieux
Pour le reste, tâchons de rester factuels. Tout d’abord, si l’Inde a dépassé la France dans le hit parade du PIB (et uniquement dans celui-ci, si on excepte celui de la croissance démographique ou, là encore, l’Inde nous laisse sur place), ce n’est pas parce que la France n’avance plus (voire recule), mais bien parce que l’Inde améliore sa situation générale. Même s’il reste encore énormément de travail à accomplir (manque d’infrastructures et système éducatif défaillant ; lenteur et corruption endémique de l’administration ; tensions politiques persistantes, notamment concernant la province du Cachemire ; peu ou pas de ressources énergétiques intérieures ; endettement croissant des entreprises privées ; mauvaise santé des finances publiques ; etc.)
Et ce n’est pas non plus parce que l’Inde accumule de l’or depuis des décennies au point d’en recouvrir les monuments et d’en faire des vêtements.
Officiellement la France détient un peu moins de 2500 tonnes d’or en termes de réserves « financières », tandis que l’Inde n’en détiendrait que 560 tonnes environ (même si certains avancent le chiffre phénoménal de 20000 tonnes d’or cachées dans les temples et chez les particuliers, soit 4 fois la Réserve fédérale américaine).
Les Indiens restent 20 fois plus pauvres que les Français…
Ensuite, comme son nom l’indique, le produit intérieur brut est « l’agrégat représentant le résultat final de l’activité de production des unités productrices résidentes« . En termes clairs, il traduit la richesse produite par le pays tout entier et ses habitants. En France, nous sommes environ 67 millions, tandis qu’en Inde, la population s’élève à… 1,34 milliards d’individus, soit 20 fois plus.
Dit autrement, l’Inde commence à faire mieux que nous globalement avec 20 fois plus de personnes actives. Et s’il fallait un autre indicateur pour symboliser tout cela, il suffit de constater que le PIB per capita (qu’on pourrait traduire grossièrement par la richesse moyenne produite par individu) est de 1700 USD par an pour l’Inde contre 37000 USD pour la France.
Ces chiffres varient suivant la méthode de calcul, mais la proportion reste la même. Et surtout, la conclusion s’impose d’elle-même : non, l’Inde n’est pas devenue plus riche que la France (ni la France plus pauvre que l’Inde, d’ailleurs).
… mais l’Inde progresse 3 fois plus vite que la France
Néanmoins, et c’est sans doute le point le plus important, la progression du PIB indien est considérablement plus forte que celle du PIB français. D’ailleurs, le PIB par habitant de la France a tendance à diminuer légèrement depuis 2010. Depuis 2014, il est même passé en-dessous du PIB moyen de la zone OCDE. Toutefois, ce repli peut également être vu comme une sorte de consolidation car, la dernière fois où le PIB per capita a connu un « creux », c’était en 2000-2001 au moment de la crise des nouvelles technologies : le PIB de la France était alors de 22 000 USD par habitant… avant de repartir en flèche pour atteindre 45 000 USD en 2008 (juste avant la crise des subprimes).
Et ce cycle se répète puisque la fois précédente, en 1984, le PIB per capita de la France était tombé à 9400 USD avant, une fois de plus, de doubler en quelques années (21 000 USD en 1990) voire davantage (27 000 USD en 1995). On peut aussi évoquer la décennie précédente (3000 USD en 1971 contre 12 000 USD en 1980) mais on comprend vite que le schéma est cyclique, rythmé par les différentes crises économiques majeures, toujours suivant une tendance générale haussière.
Le PIB de l’Inde, qu’il soit global ou per capita, suit quant à lui une progression à peu près similaire, mais selon une courbe beaucoup plus raide.
Ainsi, on constate que si le PIB français a connu une croissance moyenne de 3% par an sur les 15 dernières années, cette croissance a été supérieure à 10% par an pour le PIB indien.
Quant à l’avenir, les prévisions de l’OCDE sur la tendance du produit intérieur brut à long terme donnent pour la France un PIB de 4600 milliards de dollars à l’horizon 2060… contre 39 000 milliards de dollars pour l’Inde.