Huitième et dernier volet de notre dossier « Or vs Bitcoin. » Maintenant que nous avons comparé l’or et le bitcoin sous (presque) tous les angles, l’heure est venue de trancher : quelle place ont chacun de ces deux actifs dans nos portefeuilles financiers ?
Résumons-nous.
Le bitcoin, une protection face au débasement monétaire : vraiment ?
« Pourquoi le Bitcoin* a-t-il un prix positif ? » alors qu’il n’a pas de valeur intrinsèque, s’interroge Patrick Artus. (* il conviendrait plutôt d’écrire bitcoin avec un b minuscule, s’agissant du token.)
Contrairement à Patrick Artus, qu’y n’y voit qu’une bulle, la réponse me semble être double. Comme c’est le cas de tout actif, le cours du bitcoin intègre une composante valeur intrinsèque et une composante spéculation, laquelle n’est nulle part aussi exacerbée que sur les cryptoactifs. Lors de chaque correction majeure, la composante spéculation du cours du bitcoin se réduit comme peau de chagrin pour ne plus laisser apparaître que ce que le marché perçoit comme étant la première.
La valeur intrinsèque du token bitcoin découle de sa rareté sur le réseau Bitcoin, sans lequel il ne serait rien. L’or et le bitcoin sont côte à côté face à la folie centralisée et aux monnaies fiat en perdition.
Enfin ça, c’est la théorie.
Car si l’or et le bitcoin ont pour point commun d’être envisagés par le marché comme des alternatives aux monnaies fiat, la comparaison s’arrête là. En pratique, les cours de ces deux actifs ne sont que très peu corrélés.
Corrélation glissante à 90 jours au 2 février 2021 : la corrélation entre l’or et le bitcoin reste faible malgré une augmentation observée en 2020
S’il faut pointer une corrélation entre le bitcoin et une autre classe d’actifs, ce serait plutôt du côté des actions qu’il faudrait chercher une réponse, comme en témoignent ces graphiques du Conseil mondial de l’or qui portent sur les 5 dernières années à compter du 25 janvier 2021.
Le cours de l’or a tendance à augmenter lorsque les valeurs technologiques chutent, mais ce n’est pas le cas jusqu’à présent pour le bitcoin
Comme le détaille le Conseil mondial de l’or, « Ici, l’or et le bitcoin se distinguent. L’or a tendance à présenter une corrélation négative avec les actions lors des chutes importantes des marchés boursiers – comme le montre le comportement entre l’or et le NASDAQ (graphique 5a). En revanche, le bitcoin a été tout aussi susceptible d’augmenter ou de diminuer pendant les périodes où le NASDAQ a chuté (graphique 5b). »
Sven Heinrich a fait le même travail mais sans prendre en considération l’ampleur des corrections sur les actions, et en considérant le S&P500 plutôt que le NASDAQ. Il en ressort une corrélation beaucoup plus élevée entre le cours du bitcoin et les actions.
Cours du bitcoin vs cours du S&P500 (2017 – 25 mars 2021)
En-dessous de ce graphique qui date de fin mars 2021, on constate que la corrélation entre les deux indices a passé l’essentiel des 12 derniers mois au-dessus de 0,8. C’est ce qui amène Sven Heinrich à conclure qu’ « Il s’agit du même trade, bien que le bitcoin soit le plus volatil à la hausse comme à la baisse. […] Voici mon point de vue global : le bitcoin restera un actif spéculatif fructueux tant que les actions continueront à monter et que la confiance pourra être maintenue et accélérée. Jusqu’à présent, le bitcoin a prouvé qu’il pouvait dépasser les actions sur le chemin de la hausse. L’affirmation selon laquelle il s’agit d’une couverture contre la monnaie fiduciaire reste, à mon avis, un mythe non prouvé à ce jour. »
Je partage cet avis : jusqu’à présent, rien ne garantit que le bitcoin puisse protéger contre un effondrement boursier ou monétaire. Ce n’est qu’une possibilité.
Qu’en retenir pour vos investissements ?
Comme l’écrit Jacques Favier, « Depuis 2008, Bitcoin a gagné deux combats de taille : d’une part , il est toujours là et d’autre part, chacun a fini par l’admettre. Et bien qu’encore considéré comme expérimental, ce protocole est en pleine croissance. »
Nous vivons à l’époque du « print ou crève », pour reprendre l’expression de Bruno Bertez. Dans ce contexte, la « première monnaie organique » – comme l’appelle Nassim Taleb – et les cryptos dans leur globalité « sont encore toutes petites par rapport aux classes d’actifs traditionnelles et ont donc beaucoup de potentiel de hausse. Cependant, il semble également clair que l’or occupera toujours une place centrale dans le système financier. » […] « Alors que l’or est une constante intemporelle, le bitcoin est actuellement un actif en croissance. Les deux offrent des opportunités. »
Sur le plan de la performance financière, le bitcoin évolue comme une sorte de proxy sous stéroïdes des marchés actions américains. En conséquence, son potentiel de gain est bien supérieur à celui de l’or. Le revers de la médaille est qu’il s’agit d’un actif beaucoup plus risqué.
Résumé des principaux paramètres de risque basés sur les rendements hebdomadaires
Volatilité quotidienne moyenne annualisée
Que mes lecteurs de la génération Z se rassurent : je ne fais pas partie des nostalgiques d’un monde où l’or ne connaissait aucun challenger. J’ai écrit mon livre sur le métal jaune fin 2012 – début 2013 et mes premiers articles sur le bitcoin l’année suivante. J’ai fait mes premiers achats d’or en 2010 et mes premiers achats de cryptos en 2013. A l’heure où j’écris ces lignes, l’or comme le bitcoin sont toujours présents dans mon portefeuille.
A tort ou à raison, je ferai sans doute partie de ceux qui conserveront leurs cryptoactifs jusqu’à la résolution finale de la Crise. Je ne fais que très peu de trades de court terme. Au moment précis où j’écris ces lignes (le 19 mai), mon portefeuille de cryptos vient de se prendre près de -50% en une semaine et pour tout vous dire, ça m’en touche une sans me faire bouger l’autre.
J’en ai vu d’autres et pour résumer, je joue la carte « l’or pour la stabilité, et le bitcoin pour la convexité » – et ce sur le long terme.
25 février 2021 : « « L’or pour la stabilité, le bitcoin pour la convexité ». Dans mon interview avec Daniela Cambone, nous avons parlé de la rivalité entre l’or et le bitcoin… il n’y a pas de rivalité ! C’est comme comparer un SUV Volvo à une Ducati Panigale V4. Les risques et les groupes cibles sont différents. »
(Attention, je ne suis pas en train de dire l’or n’est pas un actif risqué : il l’est évidemment, mais il est beaucoup moins volatile que le bitcoin).
Autrement dit, j’applique le conseil de Charlie Morris :
9 décembre 2020 : « Mon article sur le bitcoin et l’or. Ces actifs sont différents, mais ils se complètent. Ce n’est pas une alternatove, il faut posséder les deux. »
Et comme d’habitude, à la question « quelle quantité ? », je réponds : ce qui vous permettra de dormir sur vos deux oreilles, peu importe comment se comporte le cours.
D’autres, comme Bruno Bertez, proposent une réponse plus précise : « L’or est un en-soi. Le bitcoin est une convention. […] Le bitcoin est une protection relative, un pari sur la continuité des institutions et de nos arrangements sociaux, le bitcoin est un avatar de l’esprit de jeu. Mais cela ne m’empêche pas d’y être favorable , surtout quand il sera accessible au grand public dans deux ans, mettons pour 5% de ses avoirs si on est déjà aisé bien sûr et si on a déjà de l’or-métal chez soi. »
Si vous lisez ces lignes, il y a de grandes chances pour que vous soyez majeur et vacciné : à vous de sonder vos entrailles pour jauger votre tolérance au risque !
Voilà pour le bitcoin !
La semaine prochaine, je commencerai à vous parler du tout nouveau rapport In Gold We Trust.
A lundi !
Articles intéressants (moi aussi je possède les 3 actifs, or, argent, btc)
Juste une précision sur la menace d’interdiction étatique commecela a pu avoir lieu en Chine : c’est peu efficace. Il est impossible à une entité étatique de détruire le btc d’un claquement de doigts ou même d’empêcher les transactions. Et les moyens d’être anonyme existent toujours.
D’où l’importance d’insister sur la nécessité de posséder sa clef privée, sinon on reste à la surface des choses, lié au système bancaire, et le btc est un actif certes intéressant, mais comme un autre.