La « confiscation » étatique de son or est le scénario de l’horreur pour l’épargnant en métaux précieux. Dans leur rapport In Gold We Trust 2021, Ronald-Peter Stöferle et Mark J. Valek concentrent leur analyse sur les Etats-Unis. Aujourd’hui, je vous raconte comment les choses se sont passées pour ceux qui ont osé élever la voix pour défendre leurs droits constitutionnels face à la politique menée par le président Roosevelt au début des années 1930.
Retour sur l’executive order 6102 du 5 avril 1933 et le Gold Reserve Act du 30 janvier 1934
Récapitulons-nous. Après avoir édicté l’ordonnance 6102 le 5 avril 1933, laquelle a permis de réquisitionner 30 à 50% des plus ou moins 1530 tonnes d’or des Américains, l’Etat fédéral américain a passé le Gold Reserve Act le 30 janvier 1934. Grâce à cette loi, le président Roosevelt a pu se permettre de faire passer le prix légal de l’or de 20,67 $ à 35 $ l’once, tout en permettant au Trésor de s’approprier les réserves d’or de la Fed, tout cela en interdisant « au Trésor et aux institutions financières de racheter des dollars contre de l’or », comme on peut le lire ici.
En somme, « Avec le Gold Reserve Act, FDR a obtenu le contrôle total de tous les actifs en or des États-Unis et pouvait utiliser cet or pour ses projets de dépenses budgétaires », comme le résument Stöferle et Valek(S&V). Par ailleurs, avec cette hausse de presque 70% du cours de l’or par rapport au dollar (et une dévaluation du dollar par rapport à l’or de près de 41%), non seulementceux qui avaient conservé leur or se sont enrichis, mais « de nombreux propriétaires étrangers d’or ont saisi l’opportunité de réaliser des bénéfices exceptionnels et ont converti leurs avoirs en or en biens américains », comme le rappellent les deux Autrichiens.
Comment une démocratie traite-t-elle les contrevenants lorsque l’Etat a décidé de spolier les épargnants de leur or ?
On peut légitimement s’interroger sur le caractère démocratique de ces mesures. J’ai déjà évoqué le fait que les contrevenants à l’executive order 6102s’exposaient à « une amende maximale de 10 000 $ et […] une peine d’emprisonnement de 10 ans au plus, ou les deux ».
Par ailleurs, comme je l’écrivais dans mon livre, « Yannick Colleu explique que cette décision exceptionnelle constitua un véritable « passage en force » de Roosevelt au sens où son fondement juridique était sans rapport avec l’objet de l’ordonnance. Justifiée par la nécessité de « couper court à la ruée vers les guichets des banques des détenteurs de dollars papiers », elle fut en effet signée « sans contrôle parlementaire » et en vertu du Trading with the Enemy Act de 1917, une loi initialement votée pour l’entrée en guerre des États-Unis contre l’Allemagne. »
Enfin, comme le relèvent S&V, le Gold Reserve Act a donné lieu aux fameux « Gold Clauses Cases », ces 4 affaires judiciaires qui ont été portées devant la Cour suprême afin de remettre en question la validité de l’executive order 6102 et du Gold Reserve Act. S&V rappellent les conditions dans lesquelles ces affaires, dans le cadre desquelles les plaintifs dénonçaientune violation de leurs droits constitutionnels relatifs à la propriété, la vie, la liberté et la quête du bonheur, ont été jugées par la plus haute instance judiciaire américaine : « Dans ces quatre affaires, la Cour suprême, que Roosevelt avait menacé de remplir de loyalistes, a confirmé de justesse les restrictions relatives à la possession d’or. […] À titre de référence historique, notons qu’aucune de ces actions en justice contre le gouvernement n’a jamais été tranchée en faveur du plaignant. »
Il faut cependant raison garder. FDR n’a en effet pas poussé le bouchon jusqu’à saisir jusqu’au dernier gramme d’or détenu à titre privé sur le sol américain. En effet, outre le fait que les Américains ont pu conserver jusqu’à 5 onces de métal chacun ainsi que certains bijoux et pièces de collection, « on estime que seuls 30 à 50% des lingots et pièces d’or ont été livrés [aux autorités publiques] », écrivent S&V. Par conséquent, « Le faible taux de conformité à l’executive order 6102 indique que [les poursuites judiciaires vis-à-vis des contrevents et les jugements de la Cour suprême] étaient davantage un exercice de théâtre monétaire plutôt qu’une tentative sérieuse de saisir tout l’or privé. En d’autres termes, il s’est agi d’un vol rapide et bâclé typique. […] En dehors des quelques cas de poursuites judiciaires marquants de la période mai 1933-avril 1934, la question de l’application de la loi s’est estompée. »
L’histoire ne s’arrête cependant pas là.
Epilogue : la législation américaine vis-à-vis de la détention d’or de 1961 à 1974
Comme le rappellent S&V, « En 1961, le président Dwight D. Eisenhower a étendu l’interdiction de la détention d’or à titre privé aux citoyens américains vivant à l’étranger, et le président John F. Kennedy a interdit la détention de pièces d’or antérieures à 1933. » Que voilà d’assez oppressants tours de vis…
Que s’est-il passé ensuite ? Comme je l’ai écrit dans mon livre au sujet de l’executive order 6102, « si cette mesure a particulièrement marqué les esprits, c’est avant tout parce que les citoyens américains ont dû attendre 1975 pour avoir à nouveau le droit de posséder de l’or physique. » En effet, « L’executive order 11825 du 31 décembre 1974 signé par le président Gerald Ford est venu abroger l’executive order 6102. » […] Et « Ce n’est qu’en 1977 que [le Trading with the Enemy Act de 1917] a été modifié par le Congrès qui est venu restreindre la possibilité de la « confiscation » aux situations de guerre. »
A ce stade, vous vous demandez peut-être ce qui a bien pu amener le président Ford à autoriser à nouveau la détention d’or par le secteur privé ? C’est justement ce que je vous raconterai dans mon prochain billet ! A lundi !