Tout au long du mois de septembre, nous avons retracé la genèse du système monétaire tel que nous le connaissons aujourd’hui. Au vu du peu d’espace qu’occupe cette thématique dans les médias mainstream, on pourrait penser que la situation est figée, voire éteinte. On nous rebat certes les oreilles avec la « guerre commerciale », mais on ne nous parle jamais de « guerre monétaire ». Il s’agit-là d’une grave erreur d’appréciation, si vous voulez mon avis…
Pour mieux comprendre les enjeux en présence, commençons par nous récapituler.
En dépit de la révolte de l’Europe et de la révolution de Satoshi, le dollar continue de régner en maître sur le système monétaire international
La séquence qui s’est déroulée entre le « Nixon Shock » d’août 1971 et les accords de la Jamaïque de janvier 1976 a entériné le basculement d’un monde fonctionnant sur la base d’un gold exchange standard centré sur la seule devise américaine, à un système de changes flottants avec une once d’or désormais librement cotée sur les marchés financiers et un dollar as good as Treasury bonds.
En cause, l’affaiblissement de la confiance portée par les Etats créditeurs en dollars dans la devise américaine, après que les Etats-Unis ont abusé de leur « privilège exorbitant » en imprimant des montagnes de dollars pour faire financer à bon compte leurs déficits par le reste du monde. Rappelons que ce phénomène s’est traduit par la hausse ininterrompue des demandes de conversion de dollars excédentaires en métal jaune, cette dernière aboutissant elle-même à l’annonce du 15 août 1971.
Ayant conscience du constat de Robert Triffin selon lequel tout système monétaire international assis sur une devise clé unique est instable, l’Europe a fomenté sa révolte dans les années 1970 en travaillant au développement d’une monnaie de réserve alternative à la devise américaine. L’introduction de l’euro en 1999 a été l’avènement de la première monnaie de réserve potentielle qui ne soit pas celle d’un Etat hégémonique, garantissant ainsi aux investisseurs institutionnels étrangers qu’aucun pays n’abuserait du « privilège exorbitant » que confère le statut de monnaie de réserve.
La monnaie unique n’est cependant pas exempte d’un énorme point faible. Il s’agit en effet d’une devise dont le destin est à la merci de l’action d’une banque centrale, laquelle n’est en pratique absolument pas indépendante du politique mais lui est au contraire absolument soumise. Depuis la crise des dettes publiques des pays périphériques et le « whatever it takes » de Mario Draghi (26 juillet 2012), la BCE a montré qu’elle est prête à tout pour garantir l’intégrité de l’euro, avec les conséquences que l’on sait sur son bilan. En cela, la monnaie unique fait l’objet d’un vice de forme identique à toutes les autres devises étatiques : un pouvoir d’achat qui s’érode au fil du temps et une candidature d’office pour succomber à terme sous le coup de la loi d’airain de la monnaie.
D’où la publication du livre blanc de Bitcoin en octobre 2008. En proposant une monnaie cryptographique dont le volume d’émission est déterminé à l’avance et inaltérable par la main de l’Homme, Satoshi Nakamoto avait avant tout à l‘idée de dépasser les limites inhérentes aux devises gérées par les duos Etat/banque centrale. Une révolution monétaire menée non pas par une nation mais par un seul homme (ou quelques individus), et qui a commencé à faire couler beaucoup d’encre après que le cours du bitcoin soit (à nouveau) entré en phase exponentielle en 2018, soit 10 ans après la création de la mère des cryptoactifs.
Mais il est un autre mouvement de fond dont on parle beaucoup moins, en tout cas dans les médias grand public. Je veux bien sûr parler de ce qui se trame du côté de la Chine, ce pays où l’or rentre pour ne (presque) jamais ressortir, et de la Russie. Ces deux géants sont les fers de lance de la « dédollarisation ».
Mais avant de voir comment le monde s’émancipe du dollar, il me semble nécessaire de revenir sur l’évènement qui a permis aux Etats-Unis d’assoir la domination hégémonique de leur devise dans le cadre du système monétaire international post-1971…
La naissance de pétrodollars : retour sur le « deal du siècle »
En juin 1974, les Etats-Unis de Richard Nixon sont arrivés avec l’Arabie saoudite à un accord bilatéral qui a changé la face du monde.
New York Times du 9 juin 1974 : « Signature d’un véritable accord « jalon » entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite »
En deux mots, il a été convenu dans cet accord de 6 pages que le pétrole extrait du Royaume des Saoud s’échangerait désormais dans la seule devise américaine. Comme le relèvent Ronald Stöferle et Mark Valek dans leur rapport In Gold We trust 2019, c’est Bloomberg qui a révélé le contexte des négociations dans un article du 31 mai 2016 :
« L’objectif : neutraliser le pétrole brut comme arme économique et trouver un moyen de persuader un royaume hostile de financer le déficit croissant de l’Amérique avec sa récente richesse en pétrodollars. Et selon Parsky [NDLR : Gerry Parsky, le négociateur américain], Nixon a clairement indiqué que revenir bredouille n’était tout simplement pas une option. Un échec mettrait non seulement en péril la santé financière des États-Unis, mais pourrait également donner à l’Union soviétique une ouverture pour faire une nouvelle percée dans le monde arabe. »
C’est ainsi que 3 ans après avoir unilatéralement décidé de la rupture du lien juridique qui unissait le dollar et l’or, Richard Nixon contraint le reste du monde à recourir au dollar pour le commerce du pétrole – et par conséquent pour le commerce de toutes les autres matières premières importantes –, verrouillant ainsi l’hégémonie de la devise américaine pour des dizaines d’années, et avec elle la pérennité du modèle déficitaire américain. C’est donc « jackpot » pour l’Etat fédéral qui a ainsi pu continuer d’imprimer des dollars par tombereaux pour en arriver à cet impressionnant résultat, sans pour le moment que cela ne pose la moindre difficulté.
Auparavant directement basé sur le métal jaune, le système monétaire repose désormais indirectement sur le commerce de la matière première la plus disputée au monde : l’or noir.
46 ans après le « deal du siècle », l’Arabie saoudite ne s’est jamais officiellement rebellée. Elle continue inlassablement de recycler ses dollars excédentaires en empilant les titres de dette publique américains. En tout cas pour le moment…
Evolution de l’encours de titres de dette publique américains détenus par les pays exportateurs de pétrole détenant au moins 1 Mds$ en bons du Trésor US
Il n’est donc pas très difficile de comprendre pourquoi les Etats-Unis font des poussées d’urticaire dès lors qu’un pays ou un bloc monétaire envisage d’acheter ou de vendre du pétrole dans une autre devise que le dollar. On ne s’étonnera pas non plus du fait que les dirigeants de pays producteurs de pétrole ayant eu de telles velléités aient vu leur espérance de vie subitement tendre vers zéro.
Seulement voilà : la Chine ne l’entend pas de la même oreille. Elle compte bien « se dédollariser ». Et le problème pour les Etats-Unis, c’est que Xi Jinping n’est pas du même calibre qu’un Saddam Hussein ou un Mouammar Kadhafi, comme nous le verrons lundi prochain.
Rien de nouveau sous le soleil…
Le cycle des monnaies en cours , notamment l’Euro qui est dans course descendante , se répète irrémédiablement toujours de la même façons.
-Naissance
-Développement
-Laxisme et corruption
-Dette
-NOUVELLE MONNAIE pour masquer la DEVALUATION effaçant la DETTE.
C’est vieux comme le Monde…
Reste à savoir sur quelle GARANTIE elle sera ADOSSEE.
Nous avons connu déjà TROIS monnaies
Vous parlez de la décision de l’Europe de créer une monnaie unique, l’euro, pour contrebalancer le dollars. Mais qui est l’Europe?? Des organes comme la Commission européenne qui sont aux ordres des USA. Il ne contrebalance rien du tout, l’euro profite à l’Allemagne et au Pays Bas. L’UE dépèce les derniers fleurons industriels français au profit des USA et de l’Allemagne comme EDF.