L’affinerie Rand est la plus grande au monde. C’est ici qu’on transforme l’or en lingots, en pièces, en placages et en fils. Près d’un tiers de l’or extrait dans toute l’histoire de l’humanité a franchi les portes de l’affinerie Rand. Il y a de fortes chances pour que l’or de votre montre, de votre bague ou encore à l’intérieur de votre bouche provienne directement de ce haut lieu. Chaque jour en Afrique du Sud, des hélicoptères font la navette non-stop entre la mine et l’affinerie puisant dans l’inépuisable manne, on est bien loin du chercheur d’or solitaire, de sa modeste batée et de ses beaux rêves. Reportage.
Johannesburg, Afrique du Sud. Les équipes au sol se préparent pour l’arrivée d’un hélicoptère. La tension est élevée et la sécurité renforcée. C’est l’un des nombreux hélicos qui atterrissent ici chaque jour. La cargaison ainsi que sa provenance sont un secret bien gardé. A bord, ni leader international ni PDG d’un grand groupe, mais une seule marchandise : de l’or. Sa valeur, plus d’un million de dollars. Les voleurs ne sont pas nombreux car ils savent que l’or est dorénavant capable de révéler leurs empreintes digitales grâce à un nouveau type d’analyse chimique capable notamment d’indiquer précisément le lieu de provenance du métal.
Cet or provient du bassin du Witwaters Rand, la région des terrains aurifères d’Afrique du Sud, les plus riches du monde, et les plus profonds.
Ça ressemble à une répétition pour la descente aux enfers. On sent qu’on est bien loin de la réalité du Voyage au centre de la Terre de Jules Vernes. Nous sommes dans une mine située dans la région du Transvaal en Afrique du Sud. Ses puits serpentent jusqu’à 5km sous la surface de la Terre. Chaque mois, la mine traite une moyenne de 209000 tonnes de roches et de résidus. En un an, elle produit plus de 28 tonnes d’or. Ces mines d’or plongent à 5 km sous terre. C’est là qu’une force de travail équivalent à celle d’une petite ville creuse 24h/24. Des hommes qui triment pour extraire un métal ayant toujours joué un rôle crucial à travers les civilisations. Aucune autre richesse, en effet, n’a autant présidé à la destinée de l’humanité.
La découverte des plus grandes réserves d’or qui soient est située dans l’un des environnements géologiques les plus rentables et les plus exceptionnels de la Terre. La signification de cette région pour l’industrie de l’or est simple, elle a produit à ce jour près de 40% de tout l’or extrait à travers l’histoire. Un jour de 1886, un fermier du nom de George Harrison travaille à déterrer des pierres afin de construire une maison dans la banlieue de Johannesbourg lorsqu’il tombe sur un véritable filon. Harrison, autrefois chercheur d’or pendant la ruée en Australie, comprend ce qu’il a heurté avec sa pelle. Ce n’est pas une pépite d’or massif, mais du minerai du fer contenant de l’or. Il vient en fait de trouver un minuscule gisement de surface qui n’est autre que la partie affleurante d’une immense réserve d’or souterraine, laquelle s’étend sur des centaines de kilomètres à travers la campagne sud-africaine. Il n’existe au monde aucune autre formation de ce type.
L’Afrique du Sud est un cas tout à fait extraordinaire dans le sens où l’on est en présence d’un gisement dont les géologues prétendent qu’il provient d’un très vaste lac souterrain alimenté par des rivières. Ce serait donc cette géologie unique qui a généré la plus grande région productrice d’or au monde.
Comme pour toutes les autres découvertes de gisements, la nouvelle de celle de Harrison se répand comme une trainée de poudre. Le problème, c’est que la majeure partie de cet or est enfouie loin sous la surface. On a affaire à des filons d’or qui s’enfoncent très, très profondément dans le sol. Ils descendent jusqu’à 3,5 km, vous comprenez que ce n’est plus du domaine du petit chercheur d’or.
L’or ne s’enfonce pas seulement loin, il est également difficile à traiter. Il faut écraser cinq tonnes de roche pour en extraire moins de 30 grammes d’or. Comme pour les autres grandes découvertes d’or à travers le monde à la fin du XIXe siècle, les rêves de Georges Harrison comme d’autres chercheurs d’or vont être récupérés. L’époque où il s’agissait de saisir la prochaine grande découverte est révolue. L’extraction de l’or en Afrique du Sud, en Australie et aux Etats-Unis, s’effectuent dorénavant sous le contrôle de grandes firmes. Tout à coup apparaissent des compagnies minières dotées d’un gros capital qui investissent massivement dans le développement des mines d’or. Elles sont suivies par une très large main d’œuvre prête à travailler au fond de ces mines pas toujours dans les meilleures conditions.
En 1900, l’Afrique du Sud produit un quart des réserves annuelles mondiales en or. Plus on trouve d’or, plus les puits s’enfoncent profondément. Certaines de ces mines descendent pratiquement jusqu’à 5 km avec des galeries qui serpentent encore sur d’autres kilomètres et dans toutes les directions. Les mineurs qui y travaillent pénètrent dans un autre monde. Tout commence par une descente à pic en ascenseur qui dure un quart d’heure. Vous enlevez tous vos vêtements et vous revêtez une tenue spéciale avec un casque. Ensuite, vous rejoignez cette immense cage, il y a énormément de bruit et de grondement tout autour de vous. C’est comme si vous descendiez littéralement au centre de la Terre. Et plus vous avancez plus il fait chaud.
Sans la présence d’un des plus gros climatiseurs jamais imaginés, la température dans ces mines atteindraient les 60° C. Nous sommes ici dans les mines les plus profondes de la terre, celles où le travail est aussi le plus intense.
En Afrique du Sud, les filons d’or s’étendent sur des centaines de kilomètres et personne ne sait jusqu’à quelles profondeurs ils s’enfoncent, on sait juste qu’ils sont très minces. C’est un peu comme si l’on observait la viande à l’intérieur d’un sandwich, on a cette ligne très étroite qui sont les écailles d’or emprisonnées dans la roche. C’est à ça qu’on doit s’attaquer, on s’échine à dégager et à sortir de là cette tranche à 3,5 km sous terre.
Une fois extrait du sol, l’or est affiné sous forme de barre brute c’est-à-dire contenant 80 à 90% d’or pur. De la taille d’un petit pain, une barre brute pèse tout de même jusqu’à 32 kg. Une plaisanterie dans les mines d’Afrique du Sud consiste à dire que si vous parvenez à soulever l’une de ces barres il vous suffit alors de l’emporter. Ensuite on place ces barres dans un hélicoptère pour les convoyer. Pour des raisons à la fois de sécurité et de vitesse, la cargaison est déposée le matin avant 11h. En l’espace de 36 heures, cette barre brute aura été transformée en or fin. Et 48 heures plus tard, elle sera probablement déjà dans le coffre d’une banque quelque part dans le monde.