Quand on parle de guerre économique, on pense en général aux conflits commerciaux entre des Etats ou des communautés professionnelles. Des actions pour gagner des parts de marché face à des concurrents situés dans d’autres régions du monde comme par exemple la mise en place de barrières douanières ou de taxes ciblées.
Mais on sait aujourd’hui que la pression économique peut aussi être une arme bien plus importante qu’un simple problème de guerre commerciale. Affaiblissement d’un pouvoir politique ; déplacement de population pour fuir la misère ou un risque climatique ; mise sous tutelle de régions entières par la construction d’infrastructures ou bien le siphonnage de ressources naturelles, une sorte de nouvelle forme de colonisation qui ne dit pas son nom. Enfin, l’histoire est jalonnée de conflits pour obtenir des accès aux ressources naturelles, à la mer et plus récemment pour faire passer des pipelines (donc améliorer le commerce du pétrole ou du gaz).
Les élèves de l’Ecole de Guerre, passage obligé pour les officiers français qui veulent obtenir un commandement de haut niveau, assistent régulièrement à des conférences géostratégiques. A la fin du mois de septembre, deux économistes des éconoclastes Olivier Delamarche et Pierre Sabatier ont présenté un panorama sur l’état du monde économique afin de permettre aux futurs officiers supérieurs de prendre des décisions éclairées.
Voici quelques grandes thématiques de leur intervention.
Une reprise en trompe l’œil aux Etats-Unis
La présidence Trump « America First » consiste à doper artificiellement la croissance avec notamment la grande réforme fiscale qui revient à « acheter » cette croissance. Et ça marche ! 4% de croissance aux Etats-Unis.
Mais c’est aussi une augmentation des droits de douanes avec un vrai changement des règles du jeu puisqu’on change de paradigme avec moins de « libre-échange ».
Trump modifie les rapports de force. Il fait de la diplomatie avec de l’économie. Ces partenaires sont fragilisés. Cette fragilisation, notamment de la Chine, va semer du trouble.
Pour les deux intervenants, on peut considérer que c’est un jeu dangereux, notamment économiquement : « entrer en guerre avec la Chine, c’est entrer en guerre contre soi-même » affirme Olivier Delamarche. « De plus, la Chine a mis la main sur la quasi-totalité des terres rares et donc les représailles pourraient être très dommageables pour l’industrie américaine ».
Une grande fragilité financière
L’argent créé depuis des années est allé se placer là où il y avait de la croissance, c’est-à-dire dans les pays en voie de développement. On le voit aujourd’hui avec l’Argentine, le Brésil, la Turquie, ces pays qui sont en difficulté financière. C’est encore plus vrai quand le président américain décide d’attaquer directement la livre turque pour faire pression sur son gouvernement.
Qu’est-il en train de se passer ? Il faut financer le déficit américain. La banque centrale américaine finançait jusque là en faisant tourner « la planche à billets ». Aujourd’hui, la FED n’imprime plus, donc les capitaux en surplus, qui allaient dans les économies des pays émergents…restent aux Etats-Unis. Plus de financement, plus de croissance pour ces pays qui tournaient entre 5 et 8%.
Les GAFA cible future
Les grandes entreprises technologiques américaines deviennent plus puissantes que les Etats. Facebook, Apple, Google, Amazon, Tesla, Netflix, ont plus de fonds, plus de liquidités que les pays. Elles se permettent de conseiller les gouvernements. Elles prennent le pouvoir. L’histoire nous a montré que les gouvernants ne supportent pas que les opérateurs privés soient plus puissants qu’eux (cf. les lois anti-trust 1911). On peut donc s’attendre que Trump, dans la deuxième partie de son mandat, s’attaque à un ennemi de l’intérieur…ces grandes entreprises. « Des entreprises qui se regroupent deviennent une cible ». La capitalisation boursière de ces entreprises représentent 25% du Dow. Si elles flanchent, c’est le crack.
L’Italie sortirait de l’Euro ?
En ce moment, Matteo Salvini place aux postes clés du pays des économistes plus qu’eurosceptiques. Ils détestent vraiment l’Euro. La situation financière du pays est catastrophique avec 350 milliards de dette pourrie en Italie. (22% du PIB) Si la banque centrale européenne lâche le pays et donc laisse augmenter les taux, alors, le gouvernement italien pourrait prendre une décision encore plus brutale, la sortie de l’Euro.
Pourquoi le retour du souverainisme ?
Pour les deux experts, les populations constatent que les autorités n’arrivent pas à réinventer des modèles qui s’adaptent à ce monde qui change. Le sens du vote aujourd’hui, c’est de rejeter les politiques qui reproduisent toujours le même modèle. Si les gouvernants n’arrivent pas à trouver des solutions différentes, un peu comme à l’époque on a inventé la loi de 1901 ou les lois de la sécurité sociale après la guerre, alors, les citoyens choisiront la rupture.
En savoir plus : L’intervention d’Olivier Delamarche et Philippe Béchade lors de la journée Aucoffre.com