Nous avons évoqué lors de notre précédent dossier « La Grèce tient l’avenir de la zone euro entre ses mains » la structure même de la dette grecque et ses conséquences pour le pays. Nous nous penchons cette fois-ci sur les scénarios les plus probables qui attendent la Grèce, les plus ou moins catastrophiques pour la Grèce et l’urgence d’appliquer des solutions politiques et budgétaires communes positives, à l’ensemble des pays de la zone.
1. Le retour à l’ancienne monnaie nationale : une issue « drachmatique » !
Le 22 mai dernier, des rumeurs ont mis le feu aux poudres : des imprimeurs (comme le Britannique De La Rue) seraient prêts à dégainer la planche à drachmes. Elles sont notamment à l’origine d’une remontée du cours de l’or.
Un retour à la drachme implique nécessairement une sortie de la Grèce de la zone euro et l’utilisation d’une monnaie beaucoup plus faible, une monnaie de singe dévaluée à la hauteur du déficit du pays. Un retour à la drachme assorti d’une forte dévaluation favoriserait certes la croissance et contribuerait en partie à relancer la compétitivité grecque. Mais avant d’y arriver, il va falloir sortir les rames de la trirème ! Et qui dit monnaie faible dit faible, dit compétitivité au niveau de l’exportation, mais importations plus chères. Et Zeus sait si la Grèce, dont la principale richesse réside dans le tourisme et qui possède une faible industrie, importe beaucoup. Pour s’en sortir seul comme l’a fait l’Argentine, il faut avoir des ressources, produire au maximum son énergie.
Une dévaluation monétaire affecterait avant tout les classes modestes qui n’ont pas d’épargne à mettre à l’abri dans des coffres bancaires étrangers. Rappelez-vous, lorsqu’après la première guerre mondiale, 1 reichsmark s’échangeait contre 1.000 milliards de marks papier, les riches allemands avaient placé leur argent à l’étranger avant l’effondrement de leur monnaie.
Et le peuple grec ne serait pas le seul à être touché de plein fouet par la dévaluation monétaire qui accompagnerait de fait une remise dans le circuit des échanges monétaires de la drachme.
De lourdes conséquences pour la Grèce, la France et la zone euro
Avec une dévaluation de par exemple 50%, une conversion de la dette grecque en drachmes aurait des conséquences catastrophiques pour la France, très exposée à la dette grecque. Cela lui coûterait près de 20 milliards d’euros, si tant est que la Grèce soit en mesure de rembourser sa dette, même en drachmes. Rien que pour le Crédit Agricole, les pertes se chiffreraient à 2,5 milliards d’euros environ, et voilà comment la crise de la dette souveraine entraine dans son naufrage les banques en faillite.
Pour l’économiste Marc Touati, « un défaut grec augmenterait la défiance des investisseurs à l’égard de la France qui verrait ses finances publiques plombées par ces dizaines de milliards de dettes supplémentaires », un « cercle vicieux qui pourrait tourner au cauchemar ».
Au niveau européen, un retour à la drachme pourrait coûter aux Trésors Publics européens la bagatelle de 350 milliards d’euros et 100 milliards aux banques de la zone euro.
Pour l’instant en tout cas, si les imprimeurs sont sur le pied de guerre, rien n’est encore décidé. En cas de retour aux anciens billets et pièces grecs, on ne sait pas si les mêmes effigies seraient gardées. Qu’adviendrait-il alors des anciennes maquettes ? Et des distributeurs exclusivement adaptés aux euros ?
2. Un système bimonétaire ?
Une solution moins drastique consisterait à appliquer une double monnaie, pour laisser la perspective au pays de revenir un jour à l’euro. Ainsi la Deutsche Bank propose une monnaie parallèle, le Geuro (euro grec), qui serait indexée sur l’euro mais qui serait dévaluée de 50% environ par rapport à l’euro.
Le but de cette proposition : dévaluer pour relancer la machine tout en gardant la Grèce au sein de la zone euro, afin d’éviter le cercle vicieux de la défiance des investisseurs dont nous parlions plus haut.
Que serviraient à payer ces Geuros ? D’après la proposition faite par l’Allemagne… de la dette. Comme il ne s’agit que d’une proposition, nous utilisons le conditionnel. Le Geuro servirait en interne alors que l’euro continuerait d’être utilisé dans les échanges commerciaux.
Il pourrait servir à régler impôts et factures d’énergie par exemple. Les Geuros constitueraient d’autre part des sortes de bons débiteurs pour le gouvernement en cas de besoin de liquidités. Le Geuro serait alors utilisé comme une promesse d’un paiement de la Grèce à ses créanciers… dès que celle-ci aura assez de liquidités pour l’effectuer. Rassurant non ?
L’intérêt d’une monnaie parallèle est de pallier aux faiblesses de la devise officielle quand celle-ci ne remplit plus son rôle, ni de moyen d’échange, d’intermédiaire, ni de conservateur de richesse, sans couper le pays des moyens économiques existants. Mais dans ce cas, le Geuro ne sert qu’à reculer pour mieux s’effondrer et ne ferait que retarder l’échéance d’une faillite annoncée. Cette solution avait déjà été utilisée par l’Etat de Californie en 2009 avec la monnaie IOU (« I Owe You », « je te dois ») lorsqu’elle n’avait plus de dollars en caisse.
3. Une monnaie convertie à taux fixe indexée sur l’or, la solution ?
L’idéal serait une solution non pas adaptée à la Grèce seulement mais à l’ensemble de la zone euro. Car ce qui attend la zone euro avec la crise en Espagne, qui ne ressemble à aucune autre en Europe, est bien pire. La 4e puissance économique de la zone euro qui représente à elle seule 12% de l’économie européenne et celles de l’Irlande, de la Grèce et du Portugal réunis, ne pourra pas être sauvée avec quelques pansements sur une jambe de bois et de la monnaie de singe.
La crise espagnole est d’une toute autre nature ; comme celle des subprimes aux Etats-Unis, elle vient de l’immobilier, qui soutenait toute l’économie du pays. Avec une folie de l’immobilier dans les années 90/2000, l’Espagne se retrouve avec plus de permis de construire qu’aux Etats-Unis et les banques se retrouvent actuellement avec des millions de m² de terrains invendables.
Une solution péri-hellène doit donc être trouver rapidement car il ne s’agit même plus de stopper l’hémorragie mais de changer le système.
On parle d’un retour à l’or. Pour l’instant, il ne s’agit que de rumeurs mais la BRI (banque des règlements internationaux) propose de faire passer l’or des banques centrales comme actif de première catégorie. En clair, cela signifie qu’il serait considéré comme un actif au même titre que n’importe quelle devise et qu’il entrerait à nouveau dans le circuit des échanges. Une rumeur explosive ! Si cela se produisait, les banques centrales se rueraient vers l’or, et il y aurait de nombreux changements économiques et géopolitiques. On peut imaginer que l’Italie, 3e détenteur mondial d’or, ne serait plus si endettée que ça… Comme il n’y aurait pas assez d’or pour tout le monde, une telle mesure impliquerait une explosion immédiate du cours de l’or dont l’once passerait directement à 5000$ : imaginez ce que cela représenterait pour tous ceux qui ont placé leurs économies dans l’or ! Encore mieux que de jouer au loto.
Le professeur en économie Steve Hanke pour qui le système de changes flottants est synonyme de chaos, prône la création d’un « currency board » ou tableau de devises, qui permettrait de réintroduire l’or dans les échanges monétaires de façon moins drastique.
La monnaie serait convertie à un taux fixe dans une valeur de référence qui serait l’or. Ce système offrirait plus de stabilité aux pays qui l’adopteraient et une meilleure gestion budgétaire, car on ne peut pas tricher avec l’or ! Les quantités possédées sont bien réelles et ne sont pas des promesses de remboursement. Cette solution adoptée par 70 pays émergents a déjà fait ses preuves. Alors qu’attend-on pour suivre le pas ?