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Certains commentateurs, en particulier dans la sphère des goldbugs, estiment que l’Everything Bubble a été percée le 19 février. Elle aurait vocation à continuer de se déglonfler, quoi qu’en disent les « pigeons » qui achètent le rebond sur les marchés actions, cet ultime piège baissier – en tout cas selon eux.

Peut-on en être si certain ? Pour répondre à cette question, il faut d’abord regarder ce qui se passe sur le marché des dettes souveraines.

Une première fissure dans la mère de toutes les bulles, la bulle des dettes souveraines

En cas de crise, les dettes d’Etats jouent traditionnellement le rôle de valeur refuge. La raison en est très simple : les Etats sont plus solides que les agents économiques privés car ils disposent souvent d’un patrimoine considérable et ils peuvent lever l’impôt.

En toute logique, dans le déroulement de la Crise, ce seront donc les dernières entités à être attaquées. Le jour où nous vivrons de fortes turbulences sur les dettes publiques, il faudra vraiment s’inquiéter.

Or, le 21 mars, c’est bien à un krach obligataire que l’on assistait. En deux semaines, la valeur des obligations mondiales avait plongé de 5000 Mds$ pour atteindre les 55 500 Mds$. C’était alors la panique sur les marchés, les obligations souveraines ne jouaient plus leur rôle de valeur refuge et les banques centrales semblaient avoir perdu le contrôle. On a bel et bien assisté à un premier craquement sur le marché des dettes souveraines.

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Cependant, une semaine plus tard, les choses semblaient rentrées dans l’ordre. Comme l’écrivait Bruno Bertez le 28 mars : « Contrairement aux affirmations que l’on entend un peu partout, la bulle mondiale n’a pas éclaté. Il suffit pour s’en persuader de considérer le graphique ci-dessous qui montre l’évolution de la bulle des obligations d’état dans le monde.

Le capital mondial placé en fonds d’état est de 57,9 trillions et, pour ceux qui ne comprendraient pas comment cela fonctionne, il faut préciser que ce capital a progressé de 2,3 trilllions grâce au début des achats des banques centrales. Les banques centrales ont re-soufflé dans la bulle en grossissant l’actif de leur bilan. Le rendement du 10 ans US a baissé de 16 pbs à 0,67% comme celui du Bund qui se retrouve à -0,48%. Le « tout en bulle » reste en place, simplement les « hernies » se sont un peu déplacées, elles se répartissent différemment entre les actions, les obligations, les emprunts investment-grade, les emprunts junks et les money market funds. »

Aujourd’hui, les taux des 10 ans US et allemands ont légèrement remonté (à respectivement 0,74% et -0.32%), mais le constat de Bruno Bertez reste valable : on a certes eu premier soubresaut sur ce marché, mais la situation est rapidement revenue sous contrôle. Les marchés ont finalement conservé leur confiance aux autorités publiques, et la fissure qui s’est dessinée sur la bulle des dettes d’Etat a pu être colmatée.

Tant que les dettes d’Etats font office de de refuge, la situation est gérable. Les autorités publiques peuvent donc continuer de prolonger artificiellement l’agonie du système économique et financier.

La bulle des dettes souveraines reste sous contrôle mais, pour la première fois, on a vu que le roi est nu

La dernière fois que la politique de la Fed a été mise en cause, c’était au quatrième trimestre 2018. Alors que la Fed avait annoncé qu’elle comptait « normaliser » sa politique monétaire, les marchés actions avaient essuyé une sévère correction – le S&P500 avait chuté de presque 20%. Ils étaient cependant repartis de plus belle après que Jerome Powell avait retourné sa veste.

Ce qui s’est passé dernièrement est très différent, et atteste d’une véritable rupture d’avec la période qui a suivi la crise de 2008.

Nous venons en effet de vivre une situation où plus aucun commande ne répondait. Chaque annonce des banques centrales (Fed, BCE, BoJ, BoE…), y compris le plus retentissant coup de bazooka monétaire de l’époque contemporaine, a été vendue par les marchés.

23 mars : « 2019 : pas de marché haussier sans intervention de la banque centrale. 2020 : pas de marché haussier même avec l’intervention de la banque centrale. »

Comme le constatait Bruno Bertez le 18 mars, « il n’est pas exagéré de dire que la situation est chaotique. « Ils » ont perdu le contrôle. Les dégâts sont irréparables, sachez-le. »

Pour le moment, la confiance a suffisamment été rétablie pour que les marchés se reprennent.

Mais rien ne sera plus jamais comme avant.  

2020 ne sera pas un remake de 2008 : les autorités publiques sont obligées de changer de braquet ; c’est à un changement de régime que nous assistons !

En 2008, les gouvernements se sont certes fait plaisir niveau politique budgétaire, mais ils ont tout de même agi avec une certaine retenue. C’est essentiellement les outils de la politique monétaires qui ont été mobilisés pour lutter contre les effets de la crise.

Dernièrement, les mesures d’assouplissement quantitatif « illimités » annoncées par la Fed le 23 mars n’ont pas plus réussi à rassurer les marchés que cela n’a été le cas des coups de bazookas monétaires de la BCE et des autres banques centrales. Pour que les marchés daignent redresser le bout de leur nez, il a en effet fallu que les gouvernements entrent en piste pour annoncer que la politique budgétaire allait elle aussi prendre des proportions gargantuesques.

Et oui, contrairement à ce que nous racontent les banquiers centraux, la situation est bien plus détériorée qu’en 2008 et les recettes de la décennie précédente sont déjà complètement dépassées.

Comme l’explique Bruno Bertez, « 2008. Est-ce que ce sera la même chose cette fois encore ? Vous savez que depuis quelques jours nous répondons : non. Nous répondons non parce que la situation n’est pas comparable. En particulier la situation budgétaire ; ici vont coexister à la fois une stimulation monétaire et une impulsion budgétaire. C’est une différence considérable, en 2009 nous étions dans le régime ancien qui faisait considérer les déficits budgétaires comme dangereux, ici les esprits ont évolué, on est quasi en MMT [Théorie Monétaire Moderne], et on ne craint plus ni les déficits, ni les dettes. Et personne ne songe à imposer le moindre soupçon d’austérité ! »

Il est bien trop tard pour nettoyer écuries d’Augias du système économique et financier. Les autorités ont poussé le déni si loin que le système ne pourrait désormais plus le supporter, comme en a témoigné le quatrième trimestre 2018. Il n’y a plus désormais de retour en arrière possible.

Les autorités publiques en ont pris acte, et elles sont en train de mettre en œuvre des mesures dignes des période de guerre, comme nous le rappellent fièrement certains chefs d’Etat.

Le 20 mars, Marc Fiorentino décrivait parfaitement la situation : « Vous entendez ce bruit ? Non ? Mais si, ils se rapprochent. On entendrait presque la Walkyrie comme dans Apocalypse Now […] Ce sont les hélicoptères. Ils sont partout. Et ils déversent de l’argent. Beaucoup d’argent. Une pluie d’argent. Et derrière les hélicoptères, les Canadair gouvernementaux. Eux aussi arrosent. Pour éteindre les incendies déclenchés partout par le coronavirus. De l’argent pour les entreprises. Et de l’argent bientôt pour les particuliers. C’est simple, les États vont multiplier les plans de relance, ils vont faire exploser les déficits. Les dettes des États vont exploser aussi. Les banques centrales vont racheter massivement les dettes des États, mais pas seulement. Les dettes des grandes entreprises. Puis les dettes des petites entreprises. Helicopter money, Canadair et planche à billets. »

Les Titans sont enfin réunis pour pousser encore plus loin leur expérience tragique. Comme l’explique Jim Grant, nous allons contempler « le résultat de deux forces titanesques de notre époque : a) une intervention monétaire agressive et sans précédent et b) les perspectives d’une intervention budgétaire tout aussi agressive et peut-être tout aussi sans précédent ».

Pour la première fois depuis 2008, l’Everything Bubble a donc été sérieusement remise en question. Sans surprise, les autorités publiques viennent de passer en mode all in pour la perpétuer. La semaine prochaine, nous verrons comment cette pièce de théâtre pourrait se terminer.

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Nicolas Perrin
Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence "Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir", il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Twitter : @Nikookaburra

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