Il faut croire que les Américains ont du mal à apprendre de leurs erreurs. Après avoir détruit une partie de l’économie mondiale avec leurs packs de crédits immobiliers totalement vérolés, voilà qu’ils réitèrent l’expérience, cette fois-ci avec les crédits auto dont le ratio de défaillances augmente de 10 à 25% chaque mois !
Les crédits auto, c’est un marché énorme aux États-Unis, supérieur à 1000 milliards de dollars. Mais c’est également un marché très risqué, en raison notamment de la nature même des produits achetés. En effet, autant on peut imaginer qu’un bien immobilier possède une valeur intrinsèque et qu’il la conservera dans le temps (voire qu’elle augmentera si le marché s’y prête), autant on sait qu’une voiture se décotera inéluctablement jusqu’à une valeur nulle en quelques années seulement. Dans ces conditions, il semblerait raisonnable de ne prêter de l’argent pour un achat automobile qu’aux seuls emprunteurs dont la capacité de remboursement est avérée, pour ne pas dire certaine.
Des prêts pour tout le monde !
Or, c’est exactement le contraire qui s’est passé au cours des dix dernières années aux États-Unis. Pire encore, confiants dans une économie qui faisait mine de reprendre, et grisés par les discours lénifiants de la FED qui assurait que la croissance était de retour, les prêteurs automobiles ont tout simplement hypothéqué l’avenir de leurs clients sur la base de ces lendemains radieux qu’on leur promettait. Ils sont alors devenus de plus en plus agressifs, ratissant de plus en plus large dans la recherche de nouveaux acheteurs et ils se sont mis à proposer des plans de financement à des gens de moins en moins solvables. The American Way of Life renaissait de ses cendres et il était hors de question que tous les Américains n’en profitent pas (en payant, bien sûr).
Alors certes, les mensualités de remboursement ont rarement été aussi élevées : la moyenne tourne aux alentours de 500 dollars par mois, pour un niveau de revenus avoisinant les 3000 dollars desquels il faut déduire les impôts, des loyers exorbitants, des frais de santé quasiment pas pris en charge par un système de sécurité sociale embryonnaire, et des frais quotidiens deux à trois fois supérieurs à ce qu’on connaît en France. Mais dans un contexte quasi euphorique de taux d’intérêts très bas (une aubaine pour une société basée sur le crédit !), avec une économie qui semble redevenue dynamique au point de créer chaque mois plusieurs centaines de milliers d’emplois, il a été facile de convaincre un maximum de personnes qu’elles n’auraient aucune difficulté à rembourser leur emprunt.
La dure réalité de l’endettement
Dans les faits, sans parler des populations les plus modestes, une bonne partie des salariés appartenant même à la classe moyenne n’ont pas les moyens de s’acheter un nouveau véhicule à crédit. Mais là encore, tout a été fait pour faire céder les dernières résistances, et devant les premières difficultés, certains prêteurs n’ont pas hésité à rallonger la durée des remboursements… endettant du même coup et de façon plus durable des millions d’Américains pris au piège.
La réalité de l’embellie américaine, c’est un dollar qui joue au yo-yo avec les autres devises, un pétrole certes au plus bas mais qui reste largement contrôlé par les pays de l’Opep en dépit des efforts des USA pour assurer leur autonomie énergétique (avec le pétrole de schiste notamment). Enfin, les millions d’emplois « marchands » créés l’ont surtout été dans l’industrie et les services qui demandaient de la main d’œuvre bon marché. Alors, forcément, quand cette réalité a rattrapé les acheteurs de voitures à crédit, les impayés se sont multipliés. Aujourd’hui, le taux de défaillance augmente de 10% chaque mois, avec des pointes supérieures à 20% parfois, et les principaux organismes prêteurs tablent déjà sur plusieurs centaines de millions de dollars de pertes. Ainsi, la Securities and Exchange Commission a annoncé que Ford avait provisionné 449 millions dollars pour des pertes sur créances en 2016, tandis que General Motors avait porté ses provisions pour impayés des crédits à l’achat à 864 millions de dollars pour la seule première moitié de l’année 2016.
Le retour des mauvaises habitudes
Mais le pire est sans doute encore à venir, car, comme pour les prêts hypothécaires douteux d’il y a dix ans, ces « subprime auto loan » ou « prêts automobiles à risque » ont été titrisés par les banques et redistribués aux investisseurs via divers produits financiers. Lorsque le taux de défaillance deviendra intenable et que les pertes s’accumuleront, à plus forte raison lorsque les premiers véhicules achetés arriveront en fin de vie et devront être remplacés (dans un an ? deux ans ?), comment pourra-t-on récupérer la valeur des millions de prêts en défaut ? Car, puisque les clients ne seront plus solvables et qu’il ne sera plus possible de tirer quoi que ce soit d’une éventuelle vente des véhicules (trop vieux, plus cotés…), alors tous ces prêts ne vaudront réellement plus rien, eux non plus, et on assistera de nouveau à des faillites bancaires retentissantes.
Sans doute une bonne raison de plus de ne pas laisser tous ses avoirs sous forme de lignes de crédit à la banque, car rien ne dit que la prochaine à faire défaut ne sera pas la nôtre, incitant peut-être les autorités à mettre à exécution la menace d’une ponction sur les comptes des épargnants pour éviter la banqueroute.