L’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) a rendu public fin mars les chiffres du quatrième trimestre 2011. Cette publication a fait grand bruit car un chiffre, celui du taux d’épargne des ménages français, a particulièrement retenu l’attention de la classe politique et économique.
Les Français n’ont jamais autant épargné depuis 30 ans, depuis 1983 pour être précis. Avec un taux d’épargne de 16,8 %, c’est une progression de 0,7 point qui est constatée par rapport à 2010. On est encore loin du taux record de 1975 (21,2%) mais le chiffre n’en reste pas moins significatif : ce sont près de 220 milliards d’euros qui ont été épargnés par les Français sur l’année 2011 !
Au niveau européen, dont le taux d’épargne moyen se situe à 12 %, seuls nos voisins belges enregistrent un taux d’épargne supérieur au nôtre avec 17,2 %, les Allemands, eux sont passés d’un taux de 17,1 % en 2010 à 16,6 % en 2011. Alors que justifie un taux si important et en quoi illustre-t-il la conjoncture économique actuelle ?
Entre perte de confiance et incertitudes économiques
Philippe Crevel, économiste et secrétaire général du Cercle des épargnants, donne des premiers éléments de réponse dans un article du journal Les Echos du 29 mars dernier. Tout d’abord il l’explique par un aspect sociologique : « Il y a une forte tradition d’épargne de précaution, qui doit correspondre à nos racines paysannes, et le développement du crédit à la consommation est bien plus limité que dans les pays anglo-saxons ou d’Europe du Sud ».
L’analyse est pertinente et nous retiendrons surtout une expression : celle d’« épargne de précaution ». Il est certain qu’un taux d’épargne si haut est avant tout la traduction d’un malaise économique, d’une perte de confiance des Français en la politique gouvernementale et sa capacité à mener la France hors de la crise. Lorsque l’on sait que les ménages épargnant le plus ne sont autres que les ménages les plus aisés (selon l’INSEE, les ¾ de l’épargne totale des ménages sont générés par les 20 % des ménages les plus aisés), cela traduit pleinement le contexte actuel : cette perte de confiance s’étend à toutes les classes sociales, même les plus riches.
Dans sa note de conjoncture de mars 2012, l’INSEE explique que les Français ont constitué une épargne de précaution dès le début de la crise en 2008. Au plus fort de la crise, en 2009, le taux d’épargne atteignait les 16,5 % : il est aujourd’hui encore supérieur et à même atteint un pic de 17,1 % au troisième trimestre 2011 ! Qu’est ce qui explique un tel taux en 2011 ?
Selon Libération les raisons sont multiples :
Chômage en hausse, faible croissance, incertitude sur les revenus, crédits plus rares, hausse future des impôts… Tout cela conduit à une « incertitude sur le futur économique des ménages ». Résultat ? Les Français préfèrent sécuriser leurs économies plutôt que consommer. Et justement, quels sont les choix privilégiés des Français pour sécuriser leur épargne ?
The French paradox ?
Là encore l’année 2011 dénote : les Français se sont détournés de l’assurance-vie en septembre qui a subi une décollecte historique de 8,4 milliards d’euros, au profit du livret A qui a enregistré, lui, une collecte record de 21,6 milliards.
Paradoxalement, alors que tous les ingrédients semblent réunis (perte de confiance dans la politique économique, « épargne de précaution », « incertitudes économiques », volonté réelle de « sécuriser son épargne »…) l’or n’apparaît pas dans les bilans de l’INSEE ou du Sénat. Pourtant il semble être le placement le plus approprié dans un tel contexte comme le rappelait récemment Charles Sannat.
L’absence de l’or des différents rapports économiques est d’autant plus surprenante lorsque l’on sait que 77 % des Français le considèrent comme un placement sûr et qu’il est le 4ème placement préféré des Français selon le sondage IFOP d’AuCoffre.com.
Au vu de ces données, on se doute que le métal précieux ne doit pourtant pas être négligeable en terme de part d’épargne ! A titre d’information : Didier Bruneel, Directeur Général honoraire de la Banque de France, rappelle dans son livre « Les secrets de l’or » que « les professionnels du marché de l’or estiment que les Français détiendraient entre 3000 et 5000 tonnes d’or », c’est à dire plus que les réserves de la Banque de France (près de 2500 tonnes)… Voila qui semble mettre les choses au point !