Malgré sa nature contracyclique, l’or semble ne plus réagir comme avant aux turbulences des marchés ou aux perturbations géopolitiques. Crise de confiance monétaire, pandémie, guerre en Ukraine, on aurait pu croire que les cours de l’or allaient exploser et pourtant il n’en fut rien.
Alors, c’est vrai, le cours de l’or se situe actuellement à des niveaux très respectables et il a même progressé de 25% entre mars 2021 et mars 2022, grosso modo jusqu’au moment où on a compris que les sanctions contre Vladimir Poutine allaient très probablement nous affecter aussi. Mais depuis, la valeur de l’once d’or ne cesse de s’éroder, un peu comme si le métal précieux suivait le rythme des marchés.
Serait-ce le signe que l’or devient un actif classique ? A-t-il perdu son rôle d’alternative aux marchés traditionnels ? Sans doute pas, mais la forte appréciation du dollar de ces derniers mois a quelque peu brouillé les capacités d’anticipation que l’or permet habituellement.
Par conséquent, si on veut déceler des signes d’une possible remontée de l’or à moyen ou long terme, sans doute faut-il désormais oublier les crises et regarder du côté des causes non financières qui pourraient très prochainement influer sur le cours du métal précieux.
Une demande en hausse
Ce qui ne change pas, c’est que l’or constitue une couverture efficace contre les risques géopolitiques, la volatilité des marchés et l’inflation, tout en restant liquide. Il offre également une performance à long terme, surpassant les obligations, les actions et certains actifs alternatifs sur une base de 10 et 20 ans.
Depuis la crise de 2012, on a vu que les Banques centrales n’avaient jamais cessé d’augmenter leurs réserves en or, et tous les experts s’accordent à dire que les investissements institutionnels dans l’or devraient augmenter au fil du temps. Les investissements chinois, en particulier, devraient augmenter, à mesure que les réformes financières sont introduites et que les contrôles des capitaux sont levés. Au total, selon les dernières publications du World Gold Council, les banques centrales ont ainsi acheté pour plus de 300 tonnes d’or depuis le début de l’année 2022.
Du côté des particuliers aussi, on note toujours un vif intérêt pour l’or, notamment chez les ménages allemands qui sont désormais les troisièmes investisseurs particuliers au monde. Une demande croissante qui est, là encore, de nature à tirer les cours vers le haut.
Le rôle vital de l’or dans la tech à venir
Le secteur des technologies a connu une croissance exponentielle ces dernières années et devrait poursuivre son expansion au cours de la prochaine décennie et au-delà.
L’or a un rôle incontournable à jouer dans ce secteur, car même s’il passe souvent inaperçu, il est solidement ancré dans notre vie quotidienne, ne serait-ce qu’à travers les smartphones qui constituent, pour certains experts, une véritable mine d’or, au sens littéral du terme. De nouveaux secteurs se développent également comme la voiture électrique et plus spécifiquement les fonctionnalités avancées de conduite autonome qui nécessitent toujours plus d’équipements électroniques, lesquels font, là encore, la part belle à l’or en raison de ses qualités électriques exceptionnelles.
D’ailleurs, si le secteur de l’électronique est la principale source de demande d’or dans les applications techniques, ses propriétés uniques en font également un métal de choix dans de nombreuses autres industries. Les technologies propres notamment en sont une bonne illustration, par l’utilisation croissante de ce métal sous forme de nanoparticules qui permet par exemple d’améliorer considérablement l’efficacité des cellules solaires et des piles à combustible.
La pandémie a boosté l’utilisation de l’or dans les soins de santé et la médecine.
Si vous avez utilisé un auto-test lors de la pandémie de Covid-19, vous avez sans le savoir manipulé de l’or pur à 24 carats. L’une des nombreuses caractéristiques physiques de l’or est sa capacité à modifier la nature des rayons lumineux qu’il renvoie vers notre rétine en les teintant… de rose ! Pour arriver à un tel résultat, on sait depuis le XVIIe siècle qu’il suffit de le réduire en minuscules particules avant de le mettre en suspension dans un liquide. C’est exactement ce procédé qui est mis en œuvre pour colorer nos autotests : du magenta bien franc de la bande de contrôle, au rose violacé plus ou moins foncé selon qu’on est au début ou à la fin de l’infection.
Quoi qu’il en soit, la recherche anti-covid a accéléré la mise sur le marché d’un grand nombre de tests du même genre permettant de diagnostiquer d’autres maladies telles que le paludisme et le VIH. Depuis 6 ans, la demande a ainsi nettement progressé en Afrique et en Asie pour les tests à base d’or permettant le diagnostic du paludisme, pour atteindre près de 400 millions d’unités par an.
L’auranofin, un médicament à base d’or initialement approuvé comme traitement de la polyarthrite rhumatoïde au milieu des années 1980, connaît un regain d’intérêt depuis un an ou deux, avec des essais cliniques actuellement en cours pour tester son efficacité contre des maladies allant de la dysenterie… au cancer de l’ovaire !
Une série de médicaments similaires utilisant l’or sont également en cours de développement en tant qu’antibiotiques, afin de contribuer à la lutte contre la crise mondiale de la résistance antimicrobienne croissante.
Certes, les volumes d’or utilisés pour chaque test sont peut-être infimes, mais le nombre de diagnostics réalisés et la grande variété de futures applications médicales de ces nouvelles technologies représente un marché en forte progression qui va contribuer à soutenir la demande en métaux précieux.
L’or comme nouveau catalyseur industriel totalement sain
L’industrie a souvent besoin de certaines substances plus ou moins toxiques pour favoriser des réactions chimiques nécessaires à la production de matières premières. Ces substances sont appelées catalyseurs et l’un des plus dangereux n’est autre que le mercure, métal particulièrement toxique qui se présente sous forme liquide à température ambiante et qui est à l’origine de nombreuses catastrophes sanitaires et écologiques.
L’une des industries qui utilise le plus de mercure en qualité de catalyseur est aussi celle qui produit l’une des matières les plus communes dans nos sociétés modernes : le PVC (pour PolyVinylChloride ou, en français polychlorure de vinyle). Ce « plastique » se retrouve dans à peu près tous les aspects de notre vie quotidienne, de la décoration à l’équipement automobile, en passant par les jouets, les articles ménagers ou encore le matériel de bureau, les emballages et même… les vêtements ! Difficile donc de s’en passer.
L’ennui, c’est que comme pour de nombreuses industries de masse, c’est en Chine qu’on trouve les plus gros fabricants de PVC (une centaine de producteurs pour près de 20 millions de tonnes de PVC par an), et ce secteur est d’ailleurs le premier consommateur de mercure au monde, responsable d’une très grande partie des centaines de tonnes de ce métal qui sont encore rejetées dans l’environnement chaque année. En effet, durant le processus de fabrication, une importante quantité du mercure contenu dans le catalyseur peut être perdue par évaporation ou diffusion, entraînant la libération du métal toxique dans l’air et dans l’eau environnants.
Certaines entreprises fournissant des solutions de catalyse à l’industrie ont donc commencé à travailler sur des alternatives plus responsables de l’environnement, et notamment Johnson Matthey (l’un des leaders du marché) qui propose désormais des solutions à base d’or pour la fabrication du PVC. Jusqu’ici, les coûts de développement ainsi que certains obstacles techniques avaient ralenti la recherche dans ce domaine. Mais, grâce aux formidables avancées technologiques de ces dernières années et la mise au point d’un tout nouveau procédé à la fois simple et économique, les solutions de catalyse à base d’or sont désormais parfaitement opérationnelles et économiquement viables. Quand on sait que la seule industrie du PVC nécessiterait 1000 tonnes de métal catalyseur par an en remplacement du mercure, on comprend l’impact d’une telle technologie sur la future demande en or.