Etrange cette impression de se répéter… Lundi 28 septembre, la COMCO (Commission de la concurrence suisse) a ouvert une enquête pour entente sur le prix des métaux précieux contre UBS et Julius Baer (deux banques suisses) et 5 banques étrangères : l’allemande Deutsche Bank, l’anglaise HSBC, les américaines Barclays et Morgan Stanley (déjà impliquées dans d’autres enquêtes similaires) et la japonaise Mitsui Holdings. En Suisse, il existe une loi sur les cartels depuis 1995, qui permet à la COMCO d’enquêter et même de sanctionner les coupables depuis 2004. Quelles répercussions cette enquête peut-elle avoir ?
Les dessous de l’enquête
« Ces sept banques sont soupçonnées de s’être entendues sur le prix de vente et d’achat de l’or, de l’argent, du platine et du palladium afin de réaliser une marge – le « spread » – la plus avantageuse possible », précise Le Monde dans l’article du 29 septembre. Comme dans les plupart des affaires de manipulation des cours des métaux précieux, les ententes se faisaient par téléconférence. L’enquête étant très complexe et les employés de la Comco relativement peu nombreux (70) pour la tâche, les conclusions ne sont pas attendues avant 2017.
D’autres enquêtes et puis ?
Il ne s’agit pas de la première enquête sur le sujet, la dernière remontant au mois de février dernier et impliquant HSBC, Bank of Nova Scotia, Barclays, Crédit Suisse, Deutsche Bank, Goldman Sachs, J.P. Morgan, Société Générale, Standard Bank et UBS. Elle était alors menée du côté des Etats-Unis, par le Département américain de la Justice et le CFTC (Commodity Futures Trading Commission). Sur quoi ont-elles abouti ? Depuis que le « London Silver Price » a pris le relais sur le fixing de l’argent à Londres en août 2014 suite à un assainissement des institutions en charge du fixing, la cotation n’a plus lieu en temps réel mais a été établi à un cours par jour, avec l’accès public au carnet d’ordres qui permet de voir qui vend quoi à quel moment et pour quel montant.
Les cours sont plus « transparents », mais avec toujours autant d’enfumage autour.
Toute la presse en parle…
Le Monde, Les Echos, Boursier.com, Boursorama, Reuters, Europe 1, La Tribune, Le Vif, Le Soir, L’Orient le Jour… Toute la presse, spécialisée et grand public en a parlé cette semaine : française, belge… et suisse bien sûr.
Cette enquête ne fait que corroborer ce que les spécialistes de l’or physique s’évertuent à dénoncer depuis des années : que le cours des métaux précieux papier sont bel et bien manipulés. Mais cette enquête aura-t-elle un résultat sur le cours « réel » des métaux ? On peut en douter car il ne s’agit pas de la première enquête sur le sujet. Les banques s’en sortent généralement avec une forte amende (minime pour elles), mais sans réajustement de la façon dont sont fixés les prix des métaux précieux.
Ces investigations ne sont en fait menées que parce que les soupçons de manipulation deviennent tellement évidents que la triche est trop visible pour continuer d’être cachée. On peut supputer que l’enquête est destinée à rassurer, mais qui ? Les bijoutiers et les professionnels de l’or physique sûrement…
Mais pas le grand public en tout cas, qui risque hélas de faire la confusion entre l’or papier dont le cours est truqué et l’or physique sécuritaire. Tout ce battage médiatique autour des soupçons de manipulation du cours de l’or est une mauvaise presse pour le métal jaune, « actif de tricheur », « qui ne rapporte rien »… Tous les épargnants savent-ils faire la distinction entre cet or dont le cours est décrié et les pièces en or ? Savent-ils qu’en pic de crise comme en 2008, le cours de l’or peut s’effondrer et le prix du Napoléons 20F flamber ?
L’or papier complètement déconnecté de la réalité
Comme le rappelait Martin Prescott dans l’interview qu’il nous avait accordée en mai dernier, à propos de l’or papier, « ce sont des produits dérivés qui n’existent pas. Théoriquement, il est censé y avoir des réserves physiques qui supportent ces transactions, alors qu’en réalité, il y a 100 fois plus de transactions inscrites qu’il y a de matière physique de protection ».
Ce mercredi encore, JC Boutelier, ancien conseiller chez AuCOFFRE.com nous expliquait sa défiance vis-à-vis de tous ces produits dérivés : « Les Warrants, trackers ou ETF pour les marchés indiciels, et bien d’autres encore, sont des créations purement financières, et je dirais même diaboliques, qui, dans le cas du marché des actions, ne profitent nullement aux secteurs et entreprises sous-jacents impliqués. On estime que seulement 8% de ces types d’opérations vont réellement à l’entreprise. »
« L’or « papier » n’a plus les garanties du sous-jacent ; et d’ailleurs, certains établissements financiers ont bien dit qu’ils ne donneraient pas suite à des demandes de livraison de l’or support » et de conclure « C’est donc plus pour une clientèle » casino », loin du caractère sécuritaire de l’or physique ».