La réélection de Xi Jinping comme Secrétaire général par le XXème congrès du Parti Communiste chinois était attendue. En revanche, l’orientation de son discours et l’expulsion en direct de l’ancien président Xu Jintao de la salle du Palais du Peuple prouvent une volonté d’une nouvelle orientation en Chine : moins de développement économique, beaucoup plus de politique.
La Chine un géant économique ? Ça, c’était avant !
Dans son discours de président réélu, Xi Jinping ne dit le mot « marché » que 3 fois. Un tel désamour a immédiatement provoqué une forte baisse des bourses de Shangaï et de Hong Kong. La Chine ouverte vers le monde, quasi totalement dédiée au développement économique comme nous la connaissons depuis plus de 30 ans, c’est terminé. La stratégie zéro COVID mise en application par Xi Jinping au détriment des résultats économiques le prouve bien. Les autorités chinoises n’hésitent pas à reconfiner des régions entières même si elles sont industrielles ou commerçantes. Et pour bien insister, si certains n’avaient pas encore compris, en plein Congrès, des hommes sont venus sortir de la salle l’ancien président Xu Jintao. Il avait mené cette stratégie d’ouverture économique vers l’extérieur pour l’Empire du Milieu. Xi Jinping, avec ses pouvoirs renforcés et du temps, va conduire la Chine autrement. Le mot à retenir dans son propos c’est « lutte », prononcée une vingtaine de fois. Un retour au Marxisme, à la lutte finale ? Pas vraiment non plus.
Retrouvez le texte intégral du discours du 20ème congrès sur le site du ministère des affaires étrangères chinois.
Xi Jinping : le président qui rêve d’une Chine impériale
Le leader « prolongé » des Chinois déteste que son pays soit dépendant d’autres puissances. Avec une aversion particulière pour la dépendance aux États-Unis et accessoirement à leur monnaie, le dollar. Son idée est donc de sortir de l’emprise du modèle libéral (américain surtout) et de développer son contre-modèle économique.
Que reproche-t-il au modèle libéral ?
On pourrait citer plusieurs raisons :
- Le risque de créer une oligarchie sur le modèle russe.
Des personnages indépendants au cœur du pays peuvent influencer tout ou partie du peuple avec leurs millions ou milliards. Jack Ma, patron d’Alibaba en a fait les frais. Mais d’autres dirigeants ont aussi disparu puis réapparu après avoir accepté de faire profil bas.
- Une interdépendance entre les différents pays producteurs de matières premières ou de produits manufacturés.
On a l’impression d’être très dépendants des usines chinoises, mais pour produire du côté de Shangaï, il faut aussi importer de nombreuses ressources. C’est ainsi que Pékin a lancé un vaste programme pour rendre la Chine autonome en semi-conducteurs en particulier et en technologie en général. Les semi-conducteurs sont vraiment symptomatiques de cette lutte de pouvoir. 60 % des puces sont produites depuis Taïwan : on les trouve dans tous les appareils électroniques et informatiques. Si les tensions avec l’île augmentent, de nombreuses industries seront en difficulté. Pour les mêmes raisons, depuis des dizaines d’années, les Chinois sont présents en Afrique notamment pour y capter les ressources naturelles qui leur manquent.
- Le développement d’une classe moyenne demande beaucoup de croissance.
C’est un fait, en quelques décennies, la population chinoise s’est enrichie. La classe moyenne notamment est devenue très importante. Et pour permettre à ces « nouveaux riches » (toutes proportions gardées) de financer leurs crédits ou d’acheter de nouveaux biens, il faut que la machine économique tourne pour que les salaires tombent voire augmentent. Cela tombe mal, en ce moment, la croissance à Pékin est en berne, autour de 3 %. Résultat l’immobilier est en crise, le chômage augmente.
- Difficile de devenir leader d’un monde libéral qui en a déjà un !
Dans son précédent discours devant le Congrès du PCC en 2017, le même Xi Jinping affirmait vouloir « hisser la Chine au premier rang du monde ». Il a donné une date : 2049, pour célébrer le centenaire de la République Populaire de Chine. Et s’il y a bien une chose qu’on peut accorder au président chinois, c’est de dire ce qu’il va faire et de faire ce qu’il a dit. En 2049, la Chine sera « au premier rang du monde ».
Pour l’instant, dans un monde plutôt libéral, ce sont les États-Unis qui sont sur la première marche du podium. Le plan chinois est donc de contourner l’obstacle en créant un contre modèle avec notamment les « nouvelles routes de la soie », un monde centré sur l’Asie et pas sur les Amériques. Le retour de l’Empire du Milieu.
La Chine : un géant au pied d’argile comme toujours ?
Il est difficile de prévoir l’avenir pour la Chine. D’abord, la structure politique du pays permet à ses dirigeants d’imposer des choses qu’on ne pourrait jamais mettre en place dans des démocraties libérales. Imaginez la politique de l’enfant unique en France ou encore la destruction de centaines de milliers de mètres carrés de logements pour éviter un effondrement des prix de l’immobilier (parce qu’un appartement c’est fait pour se loger pas pour spéculer, rappelle Xi Jinping). Même la poursuite des confinements deux ans après le début de la pandémie serait bien compliqué.
Un plan qui se déroule sans accroc ?
C’est un fait, le plan existe, il est public. Donc on voit mal comment Xi Jinping ne le mettrait pas en place jusqu’au bout : une Chine leader, autosuffisante et indépendante. C’est ce qui est prévu et annoncé. Avec notre schéma mental d’Européens, on se dit que sans croissance économique, avec la poursuite de confinements drastiques et des tensions avec les « clients » importants en occident, la crise économique risque d’être terrible. Les mouvements sociaux pourraient alors se multiplier et le président (quasiment à vie) être destitué. Mais c’est en Chine que cela se passe… donc cela ne se passera pas.