À l’occasion d’une audition auprès des commissions des lois, des finances et des affaires économiques du Sénat, le ministre des Finances et des Comptes publics, Michel SAPIN, a défendu son projet de loi en rappelant son ambition d’assainir l’économie française en s’attaquant en priorité aux lobbies et aux entreprises corrompues.
Mais il en a également profité pour tacler pêle-mêle les mutuelles de remboursement de frais de santé, les organismes proposant des placements risqués, les banques qui ne favorisaient pas assez le développement durable, la rémunération des dirigeants d’entreprises cotées, etc., etc., etc. En fait, la seule chose qu’il a visiblement oublié d’aborder, c’est les relations pour le moins ambigües qui existent entre le business et le monde politique lui-même.
Protéger les épargnants… et les banques
Quoi qu’il en soit, la principale ambition affichée par Michel Sapin reste la protection des consommateurs et des épargnants. Ainsi, il rappelle qu’il a purement et simplement interdit toute forme de publicité pour les plateformes internet qui proposeraient « des instruments financiers très risqués » qu’il compare à des paris sur lesquels « plus de 90% des personnes concernées auraient perdu de l’argent, et parfois des sommes très conséquentes« . Principales activités visées, celles portant sur les CFD (qui permettent de miser sur la variation à la hausse comme à la baisse du cours d’une action ou d’un indice) et les produits de Forex. Or ces activités ne sont pas illégales par elles-mêmes ; elles ont juste le mauvais goût de canaliser l’épargne des investisseurs débutants en-dehors du circuit bancaire traditionnel. Et s’il y a une chose que les banques n’aiment pas, c’est bien qu’on détourne cette population peu instruite des arcanes financières qui constitue le cœur de cible des produits financiers sur lesquels elles gagnent le plus d’argent.
Favoriser un régime de retraite « prudentiel »
L’argument premier avancé par le gouvernement c’est une meilleure maîtrise de l’épargne des Français dont la destination prioritaire doit être « le financement de l’économie par les investisseurs privés« . Et c’est justement à ce titre qu’un projet de loi est en préparation visant à créer « un régime prudentiel adapté pour les régimes de retraite supplémentaires, en maintenant un niveau de protection élevé des assurés« .
En clair, il serait assez aisé d’interpréter cette déclaration comme les prémices d’une transformation des régimes de retraite par répartition vers des fonds de pension à l’américaine. Mais le ministre se veut rassurant en expliquant que, loin de favoriser l’activité de ce qu’il appelle les « fonds vautours », ces nouvelles dispositions offriront « des perspectives de rendement accrues pour les épargnants et permettront de dégager plusieurs dizaines de milliards d’euros pour le financement des entreprises françaises. » Soit.
Aider au développement de l’économie sociale et solidaire
En contrepartie des concessions accordées aux banques (l’ostracisation des produits financiers extérieurs au circuit classique), ces dernières devront s’engager à favoriser l’économie sociale et solidaire (qui représente 10% du PIB en France) par l’intermédiaire notamment du Livret de développement durable : « Concrètement, les banques proposeront annuellement à leurs clients détenteurs d’un LDD d’en affecter une partie au financement d’une personne morale relevant de l’économie sociale et solidaire. »
Reste toutefois à connaître les conditions que devront remplir les « entreprises solidaires d’utilité sociale » pour entrer dans la liste de celles qui seront recommandées par les banques françaises. Nul doute que, là encore, transparence et probité seront de mise…
Réguler et harmoniser le marché des mutuelles
Enfin, toujours afin de garantir la protection des Français, et en particulier des assurés, Michel Sapin insiste sur la nécessité de mettre en place un système de régulation renforcé visant à harmoniser les fonctionnement des mutuelles, lesquelles ont par ailleurs besoin « d’une gouvernance modernisée pour faire face à ces nouveaux enjeux de régulation. »
Le gouvernement propose donc tout simplement de prendre en main le système privé de protection sociale privé, quitte à « travailler par voie d’ordonnance« , donc sans passer par le Parlement, pour procéder à ce que Michel Sapin qualifie sobrement de « toilettage technique« . Gageons que les quelque 33 milliards d’euros de cotisations par an, ainsi que l’excédent annuel de 250 millions d’euros, ne sont pas pour rien dans l’intérêt soudain du gouvernement pour le marché de l’assurance complémentaire.