Le ministère de l’économie espagnol a confirmé l’information hier soir : l’Espagne va nationaliser partiellement la quatrième banque du pays, Bankia. Une première depuis plus de vingt ans, qui confirme les craintes sur la santé fragile du secteur bancaire et la gravité de la crise immobilière espagnole.
Plombée par les prêts immobiliers toxiques, Bankia avait sollicité il y a quelques jours l’état espagnol pour une nationalisation partielle de son capital. Le scénario s’est hier concrétisé avec cette annonce du ministère de l’économie espagnol : le gouvernement serait en passe de devenir l’actionnaire majoritaire de la banque, en acquérant 45% du capital de Bankia, soit 4,465 milliards d’euros. Le Fonds public de soutien aux banques espagnoles (Frob), créé en 2010, sera sollicité pour subvenir à cette très conséquente dépense.
Pour Bankia, cette nationalisation vise à rassurer les investisseurs. Les marchés n’ont pas été rassurés pour autant et ont durement sanctionné le secteur bancaire : suite à l’annonce, les cours des principales banques espagnoles ont chutés de près de 5% en bourse (-5,84% pour Bankia). Les agences de notation ont également sanctionné cette décision, Standard & Poor’s a décidé de dégrader les notes de dix établissements bancaires espagnols.
L’Espagne fait partie des pays d’Europe les plus durement touchés par la crise et cumule les fardeaux qui pèsent sur son économie : près de 25% de chômage, une crise immobilière sans précédent, un taux d’emprunt à 6%, des banques affaiblies par les prêts à risque, des investisseurs frileux,… Cette acquisition risque de fragiliser plus encore l’économie du pays, déjà fortement endetté.
La nationalisation des banques est-elle la solution à la crise espagnole ?
Il y a eu des précédents en Europe. En Irlande, en Belgique, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, des banques ont été nationalisées. Cela n’a eu bien souvent que pour seule conséquence de creuser le déficit des comptes des états, d’augmenter la dette et d’augmenter les taux d’emprunts. En sauvant ses banques, le pays déplace le problème mais ne le résout pas. D’autant que, compte tenu de l’ampleur de la tâche, l’Etat espagnol ne pourra pas nationaliser toutes les banques, si de nouvelles se déclarent en difficulté. Seule solution pour l’Espagne : faire appel à la solidarité européenne, via le Fond Européen de stabilité financière.
Pour anticiper les risques liés aux prêts immobiliers à risque, faire face à la difficulté des « cajas », ces caisses d’épargnes plombées par les actifs immobiliers, le gouvernement avait demandé aux banques, en février 2012, de réaliser des provisions à hauteur 53 milliard d’euros. Demain, vendredi 11 mai, le gouvernement espagnol devrait demander une provision supplémentaire de 35 milliards d’euros. Mais comment ces banques pourraient-elles mettre une telle somme sur la table alors que les investisseurs sont de plus en plus réticents et font payer cher cette instabilité, faisant s’envoler les taux d’emprunts ? Le serpent économique espagnol se mord la queue. Les plans d’aide et leurs milliards défilent mais la crise reste.