Le hold-up, « forme illégale d’appropriation apparue aux Etats-Unis au lendemain de l’Indépendance » s’est institutionnalisé. Dans cet essai, Paul Vacca remonte aux fondements même du hold-up puis explique comment le capitalisme s’en est emparé pour détrousser le monde. Un livre pertinent et intelligent qui fait le pont entre toutes les arnaques à grande échelle de la fin du XXe siècle et du début du XXIe siècle : dette souveraine, manipulation des taux directeurs, du cours de l’or… Le plus grand banditisme n’est sûrement pas celui que l’on croit, le crime organisé a pris une autre forme.
Hold-up : le flingue a changé de forme et de main
Actuellement, la société est bien loin des figures emblématiques du hold-up : Jesse James, Bonnie & Clyde, Spaggiari et Mesrine… Fini les casses du siècle, et pourtant, le hold-up n’est mort avec ces légendes. Aujourd’hui, le capitalisme intègre au cœur même de son système le hold-up dont il fut jadis victime.
Dans le système bancaire, à travers les dérèglementations, assureurs et agences de notation se tiennent la main et deviennent tous des « robins des bois à l’envers », en volant les pauvres pour donner aux riches.
Mais aussi dans la nouvelle économie où les sociétés braquent les marchés via internet, comme un coffre. Des sociétés comme Facebook, Google, Amazon, Facebook ou Apple visent à se constituer en monopole. Dès lors, le nouveau mot d’ordre du capitalisme est « tout, tout de suite ».
On assiste à une véritable extension du domaine du braquage où le hold-up devient un paradigme global et intériorisé en chacun de nous. « L’homme devient un braqueur pour l’homme ». Nous vivons actuellement dans une société du hold-up généralisé.
Que raconte le livre ?
Dans une première partie, l’auteur raconte l’histoire des premiers hold-up, des « casses » à l’ancienne qui font presque passer les braqueurs d’antan pour des enfants de chœur, avec un charme un peu désuet.
Paul Vacca tente ensuite de définir le concept de hold-up à travers une approche philosophique, quels sont les traits communs à chaque hold-up à l’ancienne, caractérisé par le sens du défi. Il dresse un portrait du braqueur, en héros mythologique, star de cinéma et termine par le hold-up dans sa version moderne.
Dans la seconde partie « Extension du domaine de braquage », à partir d’exemples actuels complets, l’auteur explique comment « le hold-up, jadis ennemi n°1 du capitalisme, renaît mystérieusement de ses cendres au cœur même du système néolibéral : dictant sa loi au sein des banques, dans la vie économique et dans la sphère culturelle et médiatique… ».
Il évoque évidemment les banksters, la déréglementation financière et la circulation de produits financiers extrêmement toxiques (swaps, CDOs, dérivés…), le « casse des subprimes », premier braquage de pauvres à grande échelle, le gang des hedge funds, des banques « too big to fail »…
« Les banksters, contraction de bankers et gangsters »
Si vous êtes un lecteur assidu de loretlargent.info, vous connaissez sans doute notre point de vue sur la rapacité des grands holdings financiers. C’est notamment pourquoi nous prônons au maximum la débancarisation (Simone Wapler est très engagée sur le sujet) et les solutions de placement hors circuit bancaire comme l’or physique, les terres agricoles ou encore les diamants.
En juillet 2012, nous condamnions la non-condamnation des banques impliquées dans le scandale du LIBOR.
De même, le trading haute-fréquence n’est-il pas la forme la plus aboutie de hold-up ? Ne relève-t-il pas du crime organisé ?
Il y a deux ans, presque jour pour jour, Arte diffusait un excellent reportage que nous relayions dans cet article, « Le bal des vautours » qui évoquait la rapacité des banques dansant sur la crise.
Si JPMorgan Chase & Co, à l’origine de la création d’armes financières de destruction massive, a été mise au pas, nous rappelions que les crédits dérivés étaient toujours en circulation…
Les exemples de hold-up « en col blanc » ne manquent pas, le plus récent concernant les très forts soupçons de manipulation des cours de l’or et de l’argent.
En juin dernier, dans labourseauquotidien.fr, Gilles Leclerc expliquait que le fixing de l’or « était déterminé non pas par les transactions effectuées directement sur le marché et par ses intervenants, mais par un groupe de 5 banques [Barclays, Deutsche Bank, HSBC, Nova Scotia et Société Générale] qui, d’un commun accord, décidaient chaque jour après simple consultation téléphonique entre elles du prix à accorder au métal précieux ». Suite à de forts doutes sur l’intégrité du procédé, une réforme de ce dernier est envisagé.
Nous expliquions dans ce dossier les enjeux de cette manipulation. Cet article relayé dans 24hgold explique parfaitement pourquoi elle n’a « pour objectif que la suppression du prix de l’or ».
Nouveau récit du capitalisme : la fin d’un système ?
Enfin, pour illustrer les cas de braquage relevant du capitalisme, Paul Vacca aborde ensuite les monopoles : ceux d’internet (Google, Facebook, Amazon, Youtube…). Le hold-up est également présent dans la société du showbiz avec Hollywood et ses blockbusters. Tous ces braquages institutionnalisés se déroulent à notre insu, sans que nous en ayons conscience, avec même notre consentement.
La troisième partie traite de la géopolitique de la cupidité, ou « comment le hold-up est devenu le principe structurel de notre société et le fondement d’un nouveau récit du capitalisme ».
Nous ne pouvons pas évoquer ce chapitre sans parler de l’économiste américain Jeremy Rifkin, dont l’interview accordée à Télérama a été très consultée. Il parle de son livre, un autre grand succès, « La Nouvelle Société du coût marginal zéro » dans lequel il explique que « ce qui a permis le succès inouï du capitalisme va se retourner contre lui ». Ce qui a fait le succès d’un système (nouvelles technologies pour améliorer la productivité de son entreprise, réduire les coûts marginaux…) va le conduire à sa perte.
Peut-on se réjouir de la chute de Rome ? Il ne faut hélas pas s’attendre à ce que les bandits soient tous punis et les crimes commis par les dérives du capitalisme soient réparés… Le problème est que la chute de l’empire né du capitalisme passera d’abord par la population (tous aux abris !) et quant à savoir quand, on ne le sait pas, ce peut être lent et douloureux… Paul Vacca conclut par un « besoin d’utopie » pour mettre fin à cette goinfrerie mondialisée. Personnellement, nous préférons opter pour des solutions plus concrètes à un niveau plus individuel, mêlant épargne personnelle et survivalisme. Mais les deux ne sont pas incompatibles, au contraire !
– « La société du hold-up / Le nouveau récit du capitalisme », éditions Mille et une nuits 2012
Disponible dans toutes les bonnes librairies indépendantes et sur le site de la FNAC