En France, on estime que plus d’un milliard d’euros « dormiraient » sur des comptes inactifs, depuis parfois plusieurs décennies, au point d’être même oubliés par leurs ayant-droits. Une manne que l’État n’entend pas laisser passer en ces périodes de vaches maigres. C’est pourquoi, depuis le 1er janvier 2016, la loi Eckert l’autorise à récupérer les sommes détenues sur des comptes bancaires ou d’assurance-vie inactifs, sans possibilité de restitution à leurs légitimes propriétaires.
Ami lecteur et épargnant prévoyant, si vous aviez l’intention de déposer un petit capital sur un compte bancaire afin de le laisser faire des petits sans plus vous en occuper — pour vous constituer par exemple un petit trésor de guerre destiné à vos vieux jours — , oubliez tout de suite cette idée ! Idem si vous envisagiez de placer l’héritage de votre arrière-grand-tante sur un livret d’épargne en prévision des études universitaires du petit dernier, qui vient de fêter ses deux ans. Ou plutôt, si vous le faites, veillez à ne pas laisser votre banquier sans nouvelles de vous pendant plusieurs années, car il a désormais de nouvelles obligations à l’égard des comptes oubliés ou ignorés de leurs titulaires ou leurs héritiers.
Un futur moteur de recherche des sommes non réclamées
En l’absence de tout mouvement sur un compte pendant douze mois consécutifs, hormis ceux initiés par la banque (perception de frais, versements d’intérêts, etc), ce compte sera considéré comme inactif. Après une certaine durée d’inactivité (20 ans pour les plans d’épargne logement, 10 ans pour tous les autres comptes bancaires ou d’assurance-vie… mais 3 ans en cas de décès, quel que soit le type de compte !), l’établissement financier devra alors transférer les fonds à la Caisse des dépôts qui, là encore passé un certain délai (20 ans en général), l’inscrira définitivement au patrimoine de l’État.
De fait, pour les comptes qui ont déjà atteint ou dépassé la période d’inactivité « autorisée », leur transfert à la Caisse des dépôts interviendra d’ici la fin de l’année 2016. À charge ensuite pour cette noble institution de mettre à la disposition du public un service de recherche en ligne destiné à faciliter la restitution des sommes non réclamées. Date prévue pour le lancement de ce site : janvier 2017. Et cette fois, ce sera aux éventuels titulaires ou à leurs ayant-droits de se manifester et de faire les démarches nécessaires pour éventuellement récupérer des sommes qui leur reviendraient.
Mais attention, dès le 1er juillet prochain, l’État pourra recevoir directement des banques les sommes issues des comptes et des contrats d’assurance-vie inactifs depuis plus de 30 ans. Et là, plus question de faire des recherches en ligne ou d’attendre une information de la part de votre banque, l’argent deviendra automatiquement propriété de l’État et il sera impossible alors d’en demander la restitution.
Des garde-fous… basés sur la bonne volonté des banquiers
Bien évidemment, le législateur a prévu plusieurs garde-fous qui sont autant d’étapes évitant la spoliation des fonds privés. Tout d’abord, les banques ont dorénavant l’obligation d’informer les titulaires ou leurs représentants légaux ou ayant-droits de l’état d’inactivité de leurs comptes, au moins 6 mois avant le transfert des sommes à la Caisse des dépôts. Encore faut-il qu’elles puissent les retrouver. Car il n’est pas rare que certains fonds disparaissent des radars au décès de leur titulaire. Par exemple, la succession d’un papy un peu brouillon dans son administration domestique peut très bien ne plus faire état d’un obscur placement datant des Trente glorieuses et dont les derniers relevés se sont peu à peu taris au gré des déménagements successifs. Toujours dans le cas des héritages, certains dossiers de succession prennent des années pour se finaliser sans qu’on puisse trouver de titulaire à certains comptes. Enfin, un jeune ayant ouvert un livret d’épargne au début de sa vie active peut très bien en avoir oublié l’existence à l’âge de la retraite, d’autant plus qu’une carrière passée à voyager, à plus forte raison à l’étranger, a pu « faciliter » cet oubli, y compris du côté de la banque qui n’aura peut-être pas été en mesure de suivre les différents changements de domicile de son client sur plusieurs décennies.
Alors, certes, la banque a bien l’obligation de s’assurer que les titulaires sont vivants, mais tout va dépendre des moyens qu’elle va déployer pour cette activité qui peut se révéler particulièrement coûteuse et chronophage (et dont les frais resteront à sa charge). Sachant que les banques devront sans doute mettre en place un véritable service de recherches chargé, notamment, de s’informer de l’éventuel décès des titulaires, en croisant les fichiers clients avec le registre national d’identification des personnes physiques (RNIPP) de l’Insee, on peut imaginer que certains établissements montreront un peu moins de zèle que d’autres…