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Établissements sans salariés, employés sur-productifs imaginaires, artifices comptables : les cinq principales banques françaises s’autorisent tous les coups tordus pour éviter de payer des impôts en France. Ainsi, l’an dernier, c’est un tiers de leurs bénéfices qui a échappé au fisc pour se retrouver bien au chaud dans les paradis fiscaux.

À la mi-février, le gouverneur de la Banque de France voulait nous convaincre de la bonne santé des banques françaises. Au début de la semaine dernière, soit un mois plus tard, Mario Draghi annonçait quant à lui que la BCE allait injecter 20 milliards de plus tous les mois pour soutenir l’activité du secteur bancaire à la peine.  Mais alors, au final, elles sont en difficulté, les banques, ou pas ?

Des banques au comportement ambigü

La réalité est un peu plus complexe, mais si on voulait la résumer sans se préoccuper d’être politiquement correct, on pourrait dire que les banques françaises savent présenter un profil alarmiste, à la limite de l’insolvabilité, quand il en va de leur intérêt… tout en préservant leurs confortables bénéfices de la convoitise administrative. En clair, tandis qu’elles acceptent les liquidités dont la BCE les abreuve abondamment, elles externalisent une bonne partie de leurs excédents vers des régions du monde moins gourmandes en impôts, appelées aussi plus couramment « paradis fiscaux ».

Depuis 2014, les établissements bancaires ont l’obligation de publier les résultats de leurs filiales internationales, et le moins qu’on puisse dire c’est que les chiffres sont troublants. Ainsi, alors que la lutte contre les paradis fiscaux semble désormais inscrite dans toutes les chartes de bonne conduite, aussi bien politiques que financières, les cinq premières banques françaises (BNP-Paribas, Banque Populaire-Caisse d’Épargne, Société Générale, Crédit Agricole et Crédit mutuel-CIC) continuent de déclarer un maximum de bénéfices dans des pays fiscalement plus avantageux que la France : Luxembourg, Bahamas, Îles Caïmans, etc. Les banques en question assurent que leurs bonnes performances dans ces pays (en moyenne 60% plus élevées) sont purement fortuites, et que c’est surtout le hasard qui veut que leurs filiales les plus rentables sont aussi celles qui se trouvent dans des paradis fiscaux. Un hasard qui ferait bien les choses, donc…

D’ailleurs, le terme même de paradis fiscal gêne les banques lorsqu’elles sont interrogées sur ce sujet. Pour BNP-Paribas, par exemple, la définition est ambigüe, et entre la liste établie par l’OCDE et celle mise en place par les services français, il existe quelques différences qui montrent à quel point certains États ont été injustement déconsidérés. Le Luxembourg, par exemple, ne devrait pas être ainsi pointé du doigt par la France puisqu’il ne fait pas partie des pays non conformes selon l’OCDE. Argument également soulevé par le Crédit mutuel-CIC… mais qui omet de dire que cette sortie de la liste noire ne date que de la fin 2015.

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Agences fantômes ou équipes de sur-hommes

En tout, ce sont plus de 5 milliards d’euros de bénéfices, sur les 15 milliards globalement déclarés par les banques, qui ont été reportés vers les filiales peu ou pas imposées. Le plus souvent grâce à d’habiles manœuvres comptables, ne nous leurrons pas. Pour preuve, les observateurs notent que la productivité par employé affichée pour certaines filiales offshore est plus de 40 fois supérieure à la productivité d’un employé français. Ce qui signifie par exemple qu’un employé de la Société Générale basé à Singapour ou en Irlande ferait autant de chiffre en une seule journée que ce que réalise en deux mois son collègue travaillant en France. Difficile à croire. Mieux encore, des agences basées aux Îles Caïmans ou dans les Bermudes dégageraient plusieurs millions d’euros de bénéfice chaque année… sans avoir un seul employé ! Y compris des agences BNP Paribas déclarées pourtant comme des banques de détail censées offrir des services bancaires de base (avec des conseillers, des guichets d’accueil, et tout ce qu’on s’attend à trouver dans une agence de proximité).

Le moins complexé de tous les groupes bancaires, c’est le Crédit mutuel-CIC, qui délocalise pas moins de 44 % de ses profits mondiaux dans des paradis fiscaux. Mais en valeur nette, les champions incontestés restent BNP Paribas et la Société générale qui ont su écarter respectivement 2,4 et 1,3 milliards d’euros de la convoitise du fisc français.

À moins de deux semaines de l’examen en Conseil des ministres d’un projet de loi sur la transparence de la vie économique, peut-être serait-il judicieux d’y ajouter un volet sur la fiscalité des banques concernant leurs bénéfices offshore, une idée pourtant déjà très avancée concernant les autres entreprises commerciales.

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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