C’est un effet pour le moins inattendu du Brexit. Depuis quelques semaines, les grandes manœuvres semblent se jouer autour du gigantesque marché de l’or institutionnel. Et plus l’échéance approche, plus un souffle de transparence semble porter les gros acteurs dont la très secrète Banque d’Angleterre. Bienvenue dans un monde où les barres de 12,5 kilos d’or sont la référence.
L’or et l’Angleterre c’est une grande et longue histoire. A la fin du XIXème siècle, la référence de l’économie c’est la Livre Sterling seule monnaie garantie par l’or. C’est le Banking Act de 1844. Il faut se souvenir qu’à l’époque, une banque centrale devait pouvoir fournir en or l’équivalent de ses liquidités. On est bien loin des pratiques de « planche à billets » de la FED et de la BCE après la crise de 2008 pour sauver les banques.
L’histoire de l’or chez la « Perfide Albion ».
La guerre de 14-18 mettra fin à cette pratique vertueuse avec en point culminant la crise de 1929. En 1944, le pouvoir a changé de rive. Les américains imposent, avec les accords de Bretton Woods, l’usage du dollar comme monnaie référente. Le billet vert sera lui seul adossé sur l’étalon or. Les anglais ont perdu la bataille de l’or ? C’est mal connaître les sujets de sa Majesté, créateurs de la City !
A la fin des années 50, sous l’impulsion du directeur des devises de la Banque d’Angleterre mais aussi du Lord en charge de cette Banque Centrale, les britanniques et les européens se retrouvent à pouvoir emprunter en dollars à taux faible.
Résultat, des torrents de billets vert inondent le vieux continent. L’Euromarket et ses eurodollars se multiplient. Et comme on se souvient qu’avec Bretton Woods, la seule monnaie liée à l’or, c’est le dollar, des Banques Centrales, dont celle d’Angleterre demandent régulièrement la conversion. Le 12 août 1971, les britanniques demandent la conversion de 750 millions de dollars en or. C’est trop pour le Président Américain Richard Nixon qui met fin brutalement aux accords le 15 août 1971. L’étalon or a vécu. Dorénavant, chaque matin, les cours du dollar et des autres monnaies seront adossés au marché.
Des coffres bien remplis !
La Banque d’Angleterre est assez fière de ses réserves d’or. Elle se positionne en volume et donc en valeur derrière la réserve fédérale de New-York. L’an dernier, certaines sources estimaient à 300 milliards de dollars la fortune stockée dans les sous-sols londoniens. La Banque Centrale anglaise annonçait officiellement une valeur de 100 milliards de dollars et 400 000 barres en 2016. Information qui accompagne la petite vidéo pédagogique produite par la Bank of England elle-même, ci-dessous.
Aujourd’hui le marché du lingot, le London Bullion Market est animé par une association la LBMA qui regroupe un peu plus de 150 acteurs. Il s’agit de banques mais aussi de grosses sociétés de trading. Ces personnes indiquent quotidiennement le cours de l’or selon les transactions observées sur ce marché de grès à grès. Ce qui questionne sur la problématique du contrôle (ou de la maîtrise) des cours.
Transparence sur le marché. Really ?
Cette association a décidé de communiquer sur les transactions qu’elle organise. Ainsi, à la mi-novembre 2018, 940 tonnes d’or ont été échangées, soit, au cours du moment, l’équivalent de 36,9 milliards de dollars. C’est plus que le volume réalisé sur les actions des GAFA sur la même période.
Certains spécialistes pensaient que ce volume serait plus important. En effet, les volumes échangés sur les marchés à terme à New-York (Comex) , Shangaï ou Hong-Kong (London Metal Exchange) sont plus importants.
Dollar fort, stocks d’or renforcés.
Les tonnes d’or circulent beaucoup en ce moment. En effet, lorsque le climat géopolitique se tend, des pays renforcent leurs stocks. C’est notamment le cas des nations qui sont dans le collimateur de Donald Trump et de son dollar fort. Ainsi, au premier semestre 2018 comme vous nous le disions dans notre revue du web fin septembre, la Russie, le Kazakhstan et la Turquie ont acheté beaucoup d’or. Le World Gold Council évoque plus de 193 tonnes d’or pour les six premiers mois de l’année. La Turquie notamment, cherche par tous les moyens à se « dédollariser » afin de maintenir sa Livre à flot malgré les attaques du Président américain.
L’idée du London Bullion Market est de se moderniser et surtout de pouvoir exister dans une configuration de Hard Brexit. Evidemment, les voisins commencent à sortir du bois et à montrer quelques ambitions de récupération. C’est le cas de la Banque de France qui jusque là n’avait pas trop montré d’appétence pour ce marché. L’institution de la rue de Valois vient en effet d’ouvrir un compte or à JP Morgan afin de permettre les transactions sur le métal précieux.
Le marché de l’or n’a pas fini de fasciner.