Alors que la plupart des opérateurs des marchés financiers essaient de se convaincre (et de nous convaincre) que tout va bien en prenant pour référence la remontée récente des principaux indices boursiers occidentaux, la Banque centrale européenne vient d’émettre un communiqué qui va à contre-courant de l’exaltation ambiante. En effet, la BCE semble avoir réévalué les risques pesant sur la stabilité économique de l’Union européenne pour les deux prochaines années, et le moins qu’on puisse dire c’est que le résultat n’est pas très encourageant.
Un autre effet Trump ?
Il faut dire qu’en plus de prendre de court tous les pronostics qui avaient la faveur des médias depuis plusieurs mois, l’élection de Donald Trump a créé de facto une certaine incertitude quant à l’évolution de la politique économique aux États-Unis. Pour la BCE, cela pourrait avoir des conséquences sur l’économie même de la zone euro, notamment à travers un changement possible des échanges commerciaux avec les USA, mais aussi en raison d’une probable hausse des taux d’intérêt de la FED. La banque centrale craint aussi que les marchés financiers anticipent un peu trop rapidement une future inflation américaine, avec des effets de bord préjudiciables à la monnaie unique.
En effet, le dollar a très nettement augmenté par rapport à l’euro au cours des trois dernières semaines, ce qui peut favoriser à court terme la zone euro en la rendant économiquement plus compétitive (en particulier à l’export). Mais à terme, si le dollar devait continuer à s’apprécier face à l’euro, la note énergétique pourrait commencer à peser lourdement sur le budget des pays européens (le pétrole est vendu en dollars) tandis que les importations pourraient elles aussi devenir hors de prix.
Or, tout indique qu’un dollar fort fait partie du fantasme d’une Amérique toute puissante telle qu’elle est ancrée dans les ambitions de Donald Trump, lequel semble calquer sa politique à venir sur celle que Ronald Reagan avait mené dans les années 80, en se souciant finalement assez peu des effets d’une mondialisation dont il ne maîtrise visiblement pas tous les rouages.
Les banques de la zone euro restent vulnérables
De la même manière, si les États-Unis ont plus ou moins laissé la crise de 2008 derrière eux, ce n’est pas tout à fait le cas en Europe, et la BCE craint que d’importantes vulnérabilités subsistent pour les banques de la zone euro, lesquelles restent encore lourdement handicapées par d’importants encours en créances douteuses (on évoque très souvent la Deutsche Bank mais d’autres gros acteurs financiers, notamment français, sont également concernés). Ces mêmes banques ont d’ailleurs beaucoup de difficultés à se moderniser, à se réformer, et elles souffrent également de coûts opérationnels particulièrement élevés alors que l’heure devrait au contraire être aux économies drastiques.
Au passage, la BCE souligne qu’une centaine d’établissements de crédit ont disparu dans la zone euro durant ces douze derniers mois.
Dette souveraine et fonds d’investissement hypothèquent la stabilité financière de la zone euro
La soutenabilité de la dette des emprunteurs souverains et du secteur privé non financier constitue également une préoccupation majeure pour le BCE, qui voit d’un bien mauvais œil l’éventualité d’une remontée des taux d’intérêts dans un contexte de faible croissance nominale, avec en prime une certaine incertitude politique qui pourrait amener les autorités de différents pays européens (et en particulier la France) à se recentrer sur ses besoins domestiques, nationaux, au détriment de la croissance à l’échelle européenne.
Enfin, les risques pour la stabilité financière de la zone euro proviendraient également du secteur financier non bancaire, et en particulier des fonds d’investissement qui ont enregistré une croissance rapide ces dernières années, au détriment le plus souvent de la sécurité de leur positions. Très interdépendants des établissements de crédits et souffrant d’une pénurie chronique en liquidités, ces fonds pourraient, toujours selon la BCE, « amplifier le moindre choc affectant les marchés avec des effets de contagion possible à l’ensemble du système financier« .
Peut-on se protéger ?
En clair, non seulement la Banque centrale européenne ne voit pas d’amélioration de la situation économique en zone euro pour les deux années à venir, mais elle aurait même tendance à prédire une plus grande instabilité financière dont les répercussions sur les économies nationales restent encore à découvrir. Bien évidemment, dans un tel contexte, on ne saurait que trop conseiller d’orienter une partie de son patrimoine vers des valeurs refuge, au premier rang desquelles l’or et l’argent gardent une place de choix, surtout en ce moment alors que les cours légèrement en baisse rendent les métaux précieux particulièrement attractifs.
Néanmoins, ce type de placement ne devrait concerner que 5 à 10% d’un capital disponible, ce qui implique de renforcer certaines positions et d’en couper d’autres sur le reste du patrimoine. Ainsi, en dépit de l’apparente bonne santé des marchés actions en ce moment, rien ne dit qu’elle durera et on peut même supposer que l’enthousiasme actuel va s’essouffler assez vite face aux dures réalités à venir : certes, la hausse probable des taux d’intérêt pourrait pénaliser les marchés obligataires et donc favoriser mécaniquement les actions, mais les sombres perspectives émises par la BCE semblent laisser entendre que ce ne sera pas suffisant. Il est donc sans doute plus raisonnable de ne pas investir l’essentiel de ses capitaux sur ce type de marché et privilégier au contraire les « placements de bon père de famille » (livrets d’épargne, immobilier, …) en évitant toutefois l’assurance-vie qui risque fort de connaître une année 2017 particulièrement décisive… pour ne pas dire dangereuse.