Le 7 mars 2016, Jeanne-Marie PROST, présidente de l’Observatoire des délais de paiement, a remis son rapport sur l’impact des retards de paiements entre les entreprises à Emmanuel MACRON, ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique. Ses conclusions laissent apparaître une situation dégradée qui, en plus des milliards d’euros perdus par les entreprises en attente de règlement, fait courir le risque d’une défaillance en cascade des PME les plus fragiles, et constitue un frein très net à la création d’emploi.
En 2015, les retards de paiement ont touché un tiers des entreprises françaises. Toutefois, les petites et moyennes entreprises (PME) on su redresser la barre et réduire considérablement leurs délais de paiement jusqu’à 28 jours en moyenne, ce qui reste en-deçà de la barrière des 30 jours communément admise. En revanche, les délais de paiement sont en forte hausse chez les grandes entreprises, ce qui peut avoir de lourdes conséquences pour leurs fournisseurs, majoritairement des PME, qui attendent le règlement de leurs factures.
Une dégradation générale malgré des efforts dans le public
Même si le milieu de la construction reste toujours particulièrement touché par les retards de paiement (la CAPEB rappelle la situation économique délicate du secteur avec un chiffre d’affaires en recul pour la quatrième année), la situation semble s’être globalement dégradée en 2015, tous secteurs confondus. D’après de nombreuses enquêtes menées par la CGI, la FIM, la FIEEC, la Fédération de la plasturgie ou encore la CGPME, les principaux « responsables » seraient les grandes entreprises, les collectivités territoriales et l’État.
Pourtant, du côté des services publics, avec un délai de paiement moyen s’établissant à 19 jours au 31 décembre 2015, la situation semble s’être très nettement améliorée par rapport à ce qu’on rencontrait il y a encore 4 ou 5 ans (plus de 45 jours d’attente en moyenne pour le règlement des commandes publiques en 2011). Néanmoins, ce « bon » chiffre cache une grande disparité dans le temps de traitement des factures, qui peut aller de 5,5 jours en moyenne pour l’Office public de l’habitat… à plus de 60 jours pour les hôpitaux publics !
Un risque de faillites en cascade
Du côté des retardataires, la première cause invoquée reste de loin le manque de trésorerie (dans 60% des cas), mais pour un grand nombre de créances en souffrance, le retard est « volontaire », lié parfois à un litige non réglé mais aussi et surtout pour de simples raisons de lourdeurs administratives pas toujours justifiables. Quoi qu’il en soit, les sociétés victimes de retards de paiement peuvent être tentées de les répercuter à leur tour sur leurs propres fournisseurs, propageant ainsi leurs difficultés auprès d’un nombre toujours croissant de partenaires commerciaux. Lesquels seront eux aussi tentés de faire supporter à d’autres entreprises le retard de paiement qu’ils subissent, et ainsi de suite. On assiste alors à une série de retards en cascade, mais pire encore, en cas de défaillance de l’une des entreprises en question, toutes celles qui la suivent dans ce cercle vicieux peuvent se voir acculées au dépôt de bilan, à commencer par les plus fragiles.
Une perte de trésorerie préjudiciable à la création d’emploi
Selon l’Observatoire des délais de paiement, dans l’hypothèse d’un strict respect de la loi et si les factures émises par 75% des entreprises françaises étaient payées dans les temps, la trésorerie qui serait libérée, principalement au profit des PME d’ailleurs, est estimée à 12 milliards d’euros. Et au total, on considère que l’intégralité des retards de paiement a coûté l’an dernier près de 20 milliards d’euros aux entreprises françaises, en comptant les frais de recouvrement.
Ce manque de trésorerie semble en outre constituer l’un des principaux freins à la création d’emplois. En effet, 34 % des chefs d’entreprise interrogés dans le cadre de cette étude indiquent que l’insécurité financière liée aux retards de paiement les oblige à différer l’embauche de nouveaux collaborateurs, voire à y renoncer purement et simplement.
Quelle protection contre les retards de paiement ?
Pour faire face à ces retards, la loi Hamon prévoit une indemnité de frais de recouvrement minimale de 40 euros, qui figure aujourd’hui de manière quasi systématique dans les conditions générales de vente (89 %). Néanmoins, dès lors qu’une facture est en retard, ces frais n’apparaissent plus que dans 38 % des relances clients, et ne sont finalement encaissés que dans 3 % des cas. Dans les faits, les entreprises sont assez réfractaires à l’idée de faire payer des frais de retard à leurs clients, qu’ils s’agisse d’indemnités ou de pénalités, car elles craignent que cela nuise à leurs relations commerciales.
Ainsi, seules 17 % des entreprises interrogées déclarent réclamer des pénalités à une partie ou à l’ensemble de leurs clients lorsque ces derniers sont des PME (0 à 246 salariés), 11 % quand il s’agit de grandes entreprises et seulement 5 % pour le secteur public (enquête CGPME).
Quant aux pouvoirs publics, ils ont renforcé le rôle de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dans le cadre des articles L450‑1 et suivants du Code de commerce qui l’autorisent à contrôler le respect des dispositions relatives aux délais de paiement entre professionnels. Ainsi, l’an dernier, le total des amendes infligées aux mauvais payeurs s’est élevé à un peu moins de 7 millions d’euros (6 949 510 €).
Or, la moitié seulement a pu être réellement recouvrée à ce jour…