Récemment, on apprenait que notre Premier Ministre, Manuel Valls, avait invité quelques uns des jeunes syndicalistes étudiants qui manifestaient sous ses fenêtres depuis quelques jours afin de leur acheter un peu de calme contre quelques centaines de millions d’euros. Quelques temps auparavant, ce sont les taxis qui ont reçu une proposition de rachat de leurs licences, et avant eux les agriculteurs, les policiers, les enseignants, les fonctionnaires qui se sont vu, eux aussi, offrir quelques largesses dont le côté un tantinet démagogique trahit surtout l’incapacité du gouvernement à traiter efficacement les problèmes de société… qu’il a lui-même créés.
L’ennui, c’est que tous ces « petits » cadeaux commencent à coûter cher à l’État et le moins qu’on puisse dire c’est que le moment est bien mal choisi. En effet, le FMI révèle que la France est passé du 6e au 9e rang des pays les plus riches du monde, derrière La Chine, les États-Unis, l’Inde, le Japon, l’Allemagne, la Russie, le Brésil et le Royaume-Uni. En clair, il n’est pas certain qu’on ait toujours les moyens de notre générosité.
Graisser les rouages à un an des élections
Alors c’est vrai, les élections présidentielles et législatives sont dans un an et il faut bien commencer à graisser les rouages de la démocratie pour espérer voir les « forces vives de la nation » remettre le bon bulletin dans l’urne. Mais au rythme où tombent les millions en ce moment, il va être difficile de durer jusqu’en 2017. Jugez-en plutôt.
Derniers bénéficiaires en date, les syndicats étudiants, qui ont reçu de la part du Premier Ministre un joli chèque d’un demi-milliard d’euros, en grande partie reconductible chaque année, sous la forme d’une prolongation de quatre mois des bourses d’étudiants en vue d’aider à la recherche d’un premier emploi, mais aussi de l’augmentation des bourses lycéennes et de la revalorisation de la rémunération des apprentis. Toujours pour éteindre les incendies contestataires, Manuel Valls a également promis aux agriculteurs de baisser leurs charges (600 millions d’euros) et a prévu une revalorisation des primes des enseignants du primaire à hauteur de 300 millions d’euros. Enfin, alors que le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a dégagé en début de semaine une enveloppe de 650 millions d’euros pour améliorer d’ici à 2020 les carrières des policiers et des gendarmes épuisés par la menace terroriste, le gouvernement a décidé d’augmenter de 1,2% le point d’indice de rémunération des 5 millions de fonctionnaires français. Coût de cette dernière mesure : plus de 2,4 milliards d’euros.
La question n’est pas de savoir si cette générosité est justifiée ou non, car, la plupart du temps, elle l’est. La difficulté vient surtout des recettes qu’il va falloir trouver pour mettre en face de ces 4,5 milliards d’euros minimum. Lesquels pourraient d’ailleurs rapidement grimper au gré des nouvelles faveurs accordées aux « râleurs » de tout poil, comme par exemple les taxis que l’État se proposait de dédommager d’une concurrence parfaitement légale (mais plus efficace en termes de service) en rachetant leurs licences, pour un coût supplémentaire estimé à… 8 milliards d’euros !
Où trouver l’argent ?
Plusieurs solutions ont été évoquées, et je ne parle pas de la proposition de surtaxer les CDD qui a été servie aux étudiants décidément naïfs ; non seulement cette surtaxe existe déjà depuis 2013 (donc pas de nouvelles recettes en vue) mais elle n’a surtout eu aucun effet notable (les CDD représentaient 83% des embauches en 2013, contre 85% l’an dernier). Plus sérieusement, l’État compte sur le net recul des taux d’intérêt de ces derniers mois qui pourraient lui permettre d’économiser jusqu’à 3,8 milliards d’euros sur les remboursements de la dette.
Quant aux sources directes d’argent frais, la France vient de décrocher un prêt de 2,1 milliards d’euros auprès de la Banque Européenne d’Investissement en vue de financer une quinzaine de projets, allant du renforcement de la production laitière à la réhabilitation de foyers pour les migrants, en passant par la ligne du Grand Paris Express. Certes, les fonds sont probablement déjà affectés, mais certains projets semblent déjà en partie financés par ailleurs, ce qui pourrait dégager quelques centaines de millions ici ou là.
Néanmoins, il est probable que cela ne suffira pas, à plus forte raison si Manuel Valls continue à distribuer des chèques à tour de bras. Dans ce cas, certains n’hésitent pas à ressortir quelques vieilles idées des cartons, comme la très impopulaire écotaxe que le Conseil Général d’Ile de France envisage pourtant de réactiver à l’échelle régionale, pour un gain attendu de 100 millions d’euros. Certains imaginent déjà qu’en cas de succès la mesure puisse être étendue au reste du territoire.
Enfin, s’il devait encore manquer quelques milliards, l’État a toujours la possibilité de faire ce qu’il sait faire le mieux : taxer. Et à l’heure où on nous annonce que, ça y est, les impôts ne baisseront plus, rien n’indique en revanche qu’ils n’augmenteront pas pour les seuls 46 % de foyers fiscaux qui restent désormais redevable de l’impôt sur le revenu, c’est à dire en très, très grosse majorité les classes moyennes.