Depuis quelques jours, l’once d’argent atteint des records. Elle s’échange à un cours qui n’avait pas été atteint depuis plus de 10 ans. Cette envolée s’explique par plusieurs facteurs. Si l’appétit des industries n’est pas une surprise, il est en revanche plus inhabituel de voir une telle « ruée vers l’argent » en Inde par exemple. Explications.
À retenir :
- La demande des industries (notamment le photovoltaïque et l’électronique) sont des sous-jacents majeurs pour l’argent. Et cette demande augmente sans cesse !
- L’Inde s’est aussi révélée particulièrement gourmande en argent depuis le début de l’année 2024.
- Dans le même temps, l’extraction argentifère et la filière recyclage ne parviennent pas à satisfaire la demande.
Photovoltaïque et… intelligence artificielle : l’industrie a besoin d’argent !
Au début de l’année 2024, le Silver Institute annonçait une forte hausse de la demande en argent des industries, assurant que « le secteur devrait atteindre un nouveau sommet » au cours de l’année. D’année en année, cette tendance se vérifie : en dix ans, la demande en argent des industries a augmenté de 30 %. Sur la seule année 2023, cette augmentation était de 5 % par rapport à 2022.
L’argent est un composant indispensable dans deux secteurs dont l’activité croît de plus en plus :
- L’industrie photovoltaïque, où le métal est utilisé pour ses propriétés de conduction de l’électricité. L’argent est notamment appliqué, sous forme de pâte, sur les plaques de silicium. En 2023, le photovoltaïque a utilisé 28 % d’argent en plus qu’en 2022, soit 161,1 millions d’onces d’argent. Dans un contexte de transition énergétique, la demande joue à plein pour ce secteur.
- L’électronique : excellent conducteur, malléable et ductile, l’argent est utilisé dans pratiquement tout appareil doté d’un minimum d’électronique. Téléphones portables, écrans d’ordinateurs, jouets pour enfants, téléviseurs, puces RFID ou encore circuits imprimés… Chacun contient un peu d’argent.
Le développement de nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle générative (IA) notamment, va aussi avoir un impact sur la demande en argent : des processeurs plus nombreux et plus performants encore vont être nécessaires.
Ce ne sont pas les seules industries qui ont besoin de l’argent pour continuer à produire. Le secteur automobile, pour les propriétés de catalyse de l’argent par exemple. Mais également toute industrie utilisant du polyester ou des plastiques solides : l’argent contient de l’oxyde d’éthylène et du formaldéhyde. Autrement dit, des composants indispensables pour les jouets, les vêtements ou les matériaux d’isolation thermique.
L’Inde se réveille avec un appétit pour l’argent
En Inde, les importations d’argent ont bondi sur les premiers mois de l’année. Sur le seul mois de février, le pays a importé 2 295 tonnes. Soit pratiquement les deux tiers des 3 625 tonnes importées sur toute l’année 2023. La raison ? Un retour à une demande très forte, après une année 2023 en demi-teinte. Le pays utilise l’argent aussi bien pour ses industries que pour le secteur de la joaillerie, où le métal peut être destiné, comme l’or, à des fins d’investissement.
L’Inde est le pays qui consomme le plus d’argent au monde : la demande y est plutôt cyclique et elle est scrutée de près, tant elle peut impacter les marchés. Une situation que les spécialistes connaissent déjà avec l’or ! Et en ce qui concerne l’argent, certains spécialistes estiment que la demande de l’Inde pourrait atteindre les 6 000 tonnes pour l’année 2024, si le pays continue à montrer le même appétit.
Extraction, recyclage… l’offre peut-elle suivre la demande ?
Les autres chiffres scrutés de près sont ceux qui proviennent des filières d’extraction et de recyclage de l’argent. À la fin de l’année 2023, les experts du Silver Institute estimaient déjà qu’il y avait un déficit de 2 377,7 millions d’onces, soit 7 393 tonnes d’argent, pour que l’offre puisse répondre à la demande.
Une extraction plus difficile
En 2023, l’extraction argentifère atteignait 26 193 tonnes, soit à peine 2 % de plus qu’en 2022. Et moins que les 27 000 tonnes en 2016, record des dernières années. Cela s’explique notamment en raison de différents projets d’extraction qui ont pris du retard et de difficultés sociales, en Chine, au Mexique et au Pérou notamment. Comme l’or, l’argent devient aussi de plus en plus difficile (et coûteux) à extraire. Mais la hausse du prix de l’once pourrait susciter un nouvel intérêt des industries minières.
Un recyclage en faible croissance
L’autre filière de « production » de l’argent, c’est celle du recyclage. À elle seule, cette filière représente un cinquième de l’offre mondiale. En 2023, 181 millions d’onces ont pu être réinjectées dans le circuit mondial. Cette filière est en croissance, mais son développement reste lent selon le Silver Institute. L’argent est surtout issu du traitement des catalyseurs ou des produits d’électronique : d’autres filières de recyclage (bijoux, pièces de monnaie ou matériel photographique) ont tendance à diminuer leur production.
Une corrélation avec la hausse du cours de l’or ?
Cette hausse du cours de l’argent était aussi attendue, dans un contexte où le cours de l’or atteint des sommets ces dernières semaines. Comme le soulignent les économistes Ronald-Peter Stöferle et Mark J. Valek dans leur rapport « In Gold We Trust », « l’histoire de la relation entre l’or et l’argent a été marquée au cours des dernières décennies par une forte corrélation, les cours des métaux jaune et blanc produisant une réaction unifiée à l’évolution des conditions économiques ». Il faut peut-être aussi voir, dans cette hausse du cours de l’argent, une réaction tardive à celle du cours de l’or.
